Intervention de Gérald Darmanin

Réunion du mercredi 20 décembre 2017 à 16h15
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi pour un État au service d'une société de confiance

Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics :

J'ai entendu beaucoup de prises de position de principe ; je vais essayer de répondre aux questions plus concrètes.

Madame Hammerer, le management participatif doit, en effet, être généralisé. Il doit même faire partie de la formation des agents. Je discute avec le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT), afin que le droit à l'erreur et le management participatif puissent être inclus dans les formations de tous les agents qui occupent des postes d'encadrement ou qui seront amenés à traiter des mesures prévues dans ce texte. C'est difficile à quantifier et à transcrire dans un texte législatif.

Cette façon de gérer consiste à identifier les objectifs, à comprendre les intérêts de chacun, à tenir compte de l'innovation et de la liberté individuelle. L'État doit la mettre en place dans la fonction publique. Voilà pourquoi, en d'autres lieux, je plaide pour une véritable direction des ressources humaines (DRH) de l'État. La direction générale de l'administration et de la fonction publique (DGAFP) effectue un travail important, mais elle surveille surtout les statuts. Elle discute beaucoup du règlement de la fonction publique et assez peu d'une vraie fonction de ressources humaines.

Il reste beaucoup de travail à faire dans ce domaine. Les directeurs d'hôpitaux doivent être des patrons de leur administration et, à ce titre, ils doivent être les responsables managériaux de leurs collaborateurs. Dans la fonction publique territoriale, il me semble normal que le président de l'exécutif, avec ses directeurs généraux des services, doit être capable de mettre en avant ce type de management. C'est aussi important, sinon plus, que la connaissance d'un règlement ou de dispositions législatives et réglementaires.

Madame Untermaier, vous avez évoqué une possible instabilité juridique. Il peut y avoir des effets de bord. L'annonce d'une révolution de l'action publique peut susciter de la peur. Y a-t-il aussi des risques ? Je ne le crois pas parce que nous allons procéder par des expérimentations qui vous paraissent peut-être nombreuses. Je constate que l'on me reproche à la fois d'en faire trop et trop peu, ce qui me fait penser qu'elles sont en nombre suffisant.

Les expérimentations seront disséminées sur le territoire. Dans cinq préfectures, notamment dans le Nord et l'Aube, les préfets seront autorisés à mettre en place une simplification des démarches administratives pour la délivrance de pièces d'identité. Ceux qui ont eu à se faire délivrer de tels documents savent qu'il y a souvent des difficultés. Quelle est la facture de téléphone à transmettre ? Quelle adresse fournir quand on vit chez quelqu'un ? Dans une autre région, on va permettre à une agence régionale de santé (ARS) de fonctionner différemment avec les hôpitaux et avec les médecins libéraux. Dans une troisième région, on va permettre aux chambres d'agriculture d'expérimenter.

Il y a certes une myriade d'expérimentations. Nous avons souhaité qu'il puisse y avoir, dans chacun des territoires, des expérimentations spécifiques qui ne se confondent pas avec celles que nous allons mener au plan national. Je suis tout à fait d'accord pour qu'elles soient aussi évaluées par des instances indépendantes du Gouvernement, une fois qu'elles seront terminées. Je n'ai fait qu'encourager cette idée depuis le début de mon propos. Le Gouvernement doit être incité à se remettre en cause par des évaluations et des rapports indépendants. Le Gouvernement a naturellement tendance à vouloir généraliser une idée qu'il trouvait bonne dès le départ. Côté administration, les réactions peuvent varier. Une administration est, évidemment, toujours très heureuse d'accompagner les idées superbes de son ministre. (Sourires.) Il peut quand même arriver, une fois de temps en temps, que ce ne soit pas le cas. Le ministre essaie d'imposer son idée mais on lui explique qu'elle est impossible à appliquer.

Entre le ministre qui tient absolument à sa bonne idée et l'administration qui trouve parfois tous les moyens de ne pas la concrétiser, les parlementaires ont un rôle objectif à jouer. En tous les cas, ils ont un point de vue à partager avec le Gouvernement. J'y suis tout à fait favorable. Je serais même tenté de plaider pour que ces évaluations ne se fassent pas du point de vue gouvernemental.

Quant à votre idée de la médiation agricole, je la trouve très bonne. J'ai été député d'une circonscription qui n'était pas très agricole. Mes parents n'étaient pas agriculteurs et je ne l'ai jamais été moi-même. Mes propos seront donc plus modérés que définitifs. Il me semble, en effet, au vu de la désespérance que connaît une partie de nos paysans, que la médiation pourrait être utile. Face à la désespérance, aux suicides, aux drames sociaux, il faut sans doute remettre de l'humain dans le rapport à l'administration. Quand j'étais député, on m'avait expliqué que certains contrôles étaient effectués par des gens armés. Les agriculteurs ne comprennent pas toujours pourquoi des gens armés viennent effectuer des contrôles administratifs. Peut-être serait-il bon que vous entendiez le ministre de l'agriculture.

Monsieur Maquet, vous m'encouragez à être plus ambitieux. Il me semble que nous le sommes déjà, mais si un travail parlementaire plus ambitieux encore émergeait, notamment dans les propositions que vous pourriez formuler, je serai évidemment ouvert à ces propositions. Je n'en ai pas entendu parler mais la date limite de dépôt des amendements n'est pas encore dépassée.

Le permis de faire est une mesure importante. Par nature exigeant, le Conseil d'État a trouvé que l'ordonnance est l'outil juridique précis pour mettre en place ce permis de faire. Ce dernier doit faire l'objet de concertations, avec les parlementaires, avec les administrations et avec les professionnels. Il s'agit en effet d'une révolution dans le domaine du bâtiment. Nous avons voulu amener cette simplification dès l'examen du présent projet de loi, car nous savons tous que le poids des normes alourdit le prix de la construction, freinant l'offre de logements peu chers.

Cela pose la question des normes en faveur des handicapés. Les élus locaux sont souvent pris entre la volonté simplificatrice de mettre en oeuvre les normes sur une partie seulement des logements et les légitimes demandes des associations qui en demandent le respect plus complet. Sur ce point, je salue le travail réalisé par votre collègue Adrien Taquet, en lien avec Mme Cluzel et moi-même. Il me semblerait important qu'il puisse lui aussi participer à vos travaux.

Quant à l'article 26, il pose le principe d'une habilitation de trois mois. Nous aurons l'occasion de mettre en place des cas pratiques par ordonnance. Ils concerneront la simplification de la réglementation relative à l'acoustique, qui a tendance à alourdir le coût de la construction, la simplification de la réglementation relative à la ventilation et à la qualité de l'air intérieur, fixant des normes sur le taux d'humidité ou de poussière, la simplification de la législation actuelle relative aux réseaux de communication, qui imposent souvent le déploiement de la fibre optique, alors que de nouvelles technologies peuvent permettre de s'en passer. Sur ce dernier point, l'important n'est-il pas que les gens aient accès à internet, plutôt que d'installer à tout prix la fibre optique ?

Voilà autant d'exemples de mise en oeuvre possible du permis de faire, qui pourrait d'ailleurs être généralisé à d'autres secteurs que le bâtiment, si le Gouvernement et vous-mêmes trouvez que cette innovation en est vraiment une.

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