Intervention de Jean-Carles Grelier

Séance en hémicycle du jeudi 18 janvier 2018 à 9h30
Lutte contre la désertification médicale — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Carles Grelier :

En effet, en valeur absolue, la France comptait 290 000 médecins en 2017 contre 252 000 dix ans plus tôt, et la progression a été constante. Mais, à bien y regarder, cette croissance ne s'est faite qu'au bénéfice des médecins retraités puisque, dans le même temps, la proportion d'actifs n'a augmenté que de 0,9 %.

À vos yeux, le problème ne proviendrait que de la répartition des médecins sur le territoire. Je m'inscris en faux contre une telle affirmation. En effet, cela supposerait que le nombre de médecins soit suffisant.

Entre 2007 et 2017, la population française a cru de 7 millions d'habitants, ce qui a conduit à diminuer sensiblement la densité médicale, qui est passée de 3,4 médecins à 3,2 médecins pour 1 000 habitants. Or cette densité est, sur seize pays, inférieure à la moyenne de l'Organisation de coopération et de développement économiques – l'OCDE – , ce qui place la France en dixième position dans ce classement.

Enfin, il existerait, selon vous, des zones sur-dotées. Là encore, j'ai le regret de vous dire que cela n'est pas exact. En France, la densité la plus élevée de médecins est de 4 pour 1 000 habitants, un chiffre encore une fois inférieur à la moyenne de l'OCDE. En outre, croire que les grandes villes ou les régions urbaines du Sud connaissent un excédent d'offre médicale est une erreur. S'ils y sont numériquement en nombre supérieur par rapport à d'autres régions, combien sont-ils encore à exercer en secteur 1, c'est-à-dire à rester accessibles au plus grand nombre ?

Mes chers collègues, la médecine de ville, au même titre que la médecine hospitalière, est aux yeux de beaucoup de Français, et à juste raison, le premier des services publics.

Je vous rejoins sur un point : il faut agir, car la santé est, avant l'emploi ou la sécurité, la première attente et la première exigence des Français. Les territoires sont en effet victimes de disparités en matière d'offre de soins, ce qui entraîne des inégalités criantes dans l'accès aux soins.

Lorsque des patients renoncent à se soigner, lorsque les délais d'attente pour obtenir un rendez-vous sont trop longs ou lorsque le premier cabinet médical est trop loin, notre responsabilité – qui nous engage, sur l'ensemble des bancs de cette assemblée – est de trouver des solutions.

Si nous nous rejoignons donc sur le constat, s'il existe bel et bien un problème lié aux inégalités territoriales, nous divergeons quant au diagnostic. En effet, si l'on ne pose pas les bonnes questions ou si on les pose en de mauvais termes, les réponses ne peuvent être qu'inappropriées.

Essayer des mesures coûte que coûte, le faire sans pousser plus avant la réflexion, ne se fonder que sur des idées reçues, cela peut être plus délétère encore que le statu quo – auquel je me refuse. Qu'à cela ne tienne ! Vous nous avez dit et vous nous redirez que, pour lutter contre la désertification médicale, il faut appliquer la politique du bâton et de la carotte ; vous prétendrez que les mesures incitatives mises en oeuvre par les collectivités locales ou par l'État ne sont pas efficaces et qu'il ne reste plus que le bâton, donc la contrainte et la coercition.

Pourtant, comment peut-on ambitionner d'apporter une solution efficace et durable aux inégalités de la présence médicale dans les territoires sans se pencher sur les questions suivantes, monsieur le rapporteur ?

À ce jour, le délai de carence incombant aux médecins libéraux, lorsqu'ils sont contraints de s'arrêter de travailler pour cause de maladie, est de quatre-vingt-dix jours, alors qu'il n'est que d'une journée à l'hôpital. Qui en parle ? Qui s'en soucie ?

À ce jour, la prestation versée à une femme médecin libéral durant son congé de maternité ne couvre qu'à peine la moitié de sa rémunération. Pourtant, en 2016, 70 % des médecins généralistes diplômés étaient des femmes. Qui en parle ? Qui s'en soucie ?

À ce jour, il manque 15 000 maîtres de stage des universités pour accueillir les étudiants en médecine, toutes spécialités confondues, et leur faire découvrir la médecine de ville. Qui en parle ? Qui s'en soucie ?

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