Intervention de Maina Sage

Séance en hémicycle du jeudi 18 janvier 2018 à 15h00
Indivision successorale et politique du logement outre-mer — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMaina Sage :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, permettez-moi, en ce début d'année, de vous adresser mes meilleurs voeux et d'avoir une pensée solidaire pour nos territoires d'outre-mer touchés par des événements climatiques.

Le foncier et l'indivision sont des problématiques centrales pour la majorité des collectivités territoriales de l'outre-mer français. Je tiens en préambule à saluer l'initiative de notre collègue Serge Letchimy qui, avec cette proposition de loi, nous permet d'aborder cette thématique complexe, d'en débattre tous ensemble ce soir et de réaliser quelques avancées afin que nos populations puissent bénéficier d'un foncier souvent inaccessible.

Il s'agit d'un obstacle commun à nos territoires. Si les causes ne sont pas toujours les mêmes, les impacts sont souvent identiques. Le premier impact, chacun l'aura constaté, est social : des familles ne peuvent pas se loger, alors que chacun aspire – c'est universel – à un emploi, à un logement, à un toit pour sa famille et pour pouvoir faire des projets de vie.

Il est très paradoxal que ces populations, souvent propriétaires depuis parfois des millénaires, comme en Polynésie, n'aient pas accès à leurs terres, alors qu'elles ont parfois un lien viscéral avec cet espace terrestre, voire maritime. Je veux partager avec vous cette anecdote : la grande majorité des Polynésiens, aujourd'hui encore, enterrent le placenta du nouveau-né et plantent un arbre pour lui rappeler son lien avec la terre, son histoire avec cette terre. Souvent, le nom donné a un lien avec la propriété de cet espace, qui n'est pas que terrestre : il s'étend souvent des pics montagneux jusqu'à la barrière récifale. Voilà ce que nous vivons dans ces territoires, qui sont aussi français. Je souhaite donc que vous ayez une pensée pour nos concitoyens de l'autre bout de la planète.

Je suis d'ailleurs ravie, madame la ministre, et je vous en remercie par avance, de votre venue la semaine prochaine dans notre territoire. Cela vous permettra de toucher du doigt la réalité, celle de la diversité des territoires, de leurs cultures, de nos histoires. Vous verrez ainsi comment, au quotidien, la problématique foncière constitue un frein énorme au développement et à l'épanouissement social de nos familles.

Elle freine également le développement économique. La plupart des terres en Polynésie ont été reclassées « présumées domaniales » – c'est une spécialité de chez nous. Il s'agit de terres en déshérence, dont on ne connaît pas les propriétaires ; elles ne sont pas classées domaniales, elles ne sont pas publiques, mais simplement « présumées domaniales », le pays étant en quelque sorte le gardien de ces terres dans l'attente de revendications.

De nombreuses successions en Polynésie sont ouvertes depuis des décennies, vous l'avez rappelé dans votre intervention. Nos familles attendent parfois des générations avant de pouvoir enfin bénéficier de cet espace. J'ai apprécié l'expression « libérer le foncier » que vient d'utiliser ma collègue : en libérant du foncier, on libère des projets de vie. C'est à l'ensemble de ces populations que je pense en abordant ce texte.

Je souhaite également aborder une autre problématique, qui m'est apparue flagrante ce matin, madame la ministre. Nous avons lancé, au sein de l'Assemblée nationale, une mission d'information sur la gestion des événements climatiques majeurs dans les zones littorales de l'hexagone et des outre-mer. Nous avons auditionné ce matin un représentant de l'Observatoire national de la mer et du littoral, qui a partagé avec nous des données démographiques. Il était intéressant de noter que, de manière globale, au niveau national, la pression démographique est beaucoup plus importante en zone littorale et, en outre, croissante. La pression est de l'ordre de deux fois et demie celle rencontrée dans d'autres zones.

Ainsi, en Guadeloupe et en Martinique, 100 000 personnes vivent entre 0 et 500 mètres du littoral : elles sont donc extrêmement vulnérables aux événements climatiques. Pour quelle raison vivent-elles dans cette zone ? Parce qu'elles n'ont pas accès au foncier et sont souvent dans la zone des cinquante pas géométriques. Ces espaces, au fil du temps, ont souvent été exploités, dans ces territoires comme dans d'autres.

On retrouve cette problématique en Polynésie, de même que celle de l'artificialisation de ces espaces : on fait des remblais parce qu'on n'a pas accès aux terres. L'État a tout intérêt à se saisir de ce sujet ; nous l'invitons à prolonger ce débat, pourquoi pas via la délégation aux outre-mer, afin de poursuivre ces améliorations et lever ce frein.

Alors que, dans l'hexagone, le principe est le partage à l'amiable, dans nos territoires, le principe est le contentieux. Nous sommes en 2018 : il est temps de mettre un terme à ce cercle vicieux qui amène systématiquement nos familles à s'affronter en contentieux.

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