Intervention de Gérald Darmanin

Réunion du mercredi 17 janvier 2018 à 21h00
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi pour un État au service d'une société de confiance

Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics :

Certes, la question de l'agriculture nous a pris un peu de temps tout à l'heure. Mais l'article 38 est un des seuls à avoir fait naître un débat médiatique, à la limite de la polémique – un quotidien, notamment, y a consacré plusieurs pages.

Cela peut se comprendre, et j'entends votre opinion. L'organisation des cultes, en tant que telle, peut faire naître des phantasmes, des envies. L'équilibre est très complexe, nous le savons tous. D'autant que les lois de séparation des églises et de l'État ne s'appliquent pas de la même façon pour tous les cultes. Nous n'allons pas ici ouvrir ce débat, pourtant extrêmement intéressant.

Sur la forme, le Gouvernement propose de suivre les propositions du rapporteur. Je n'étais pas devant vous lors du débat sur l'article 25, au cours duquel une partie de la question des cultes a été réglée. Le Gouvernement rend donc un avis de sagesse, s'agissant d'un article proposé par lui, mais je souhaite que la commission suive l'avis du rapporteur.

Sur le fond, j'ai entendu M. Saint-Martin : la question est très compliquée et symbolique. Cependant, la loi de 1905 a déjà été modifiée treize fois depuis son adoption. La modifier n'a donc rien de scandaleux, beaucoup de gouvernements et de parlements l'ont déjà fait.

En l'occurrence, il s'agit de régler un certain nombre d'iniquités entre les cultes et des situations de fait parfois hypocrites – tous ceux qui ont géré des collectivités locales sur le territoire desquelles plusieurs cultes sont présents le savent. Je me suis ouvert de ce sujet avec le ministre de l'intérieur, et il a tout à fait la même idée que vous, monsieur le député. Je ne sais pas s'il pense à un texte de loi. En tout cas, le Président de la République et le ministre de l'intérieur ont manifesté une volonté très forte de réorganiser le culte musulman, le dernier à s'être organisé dans notre République. Pour le culte catholique, je rappelle que c'est un accord international entre le nonce apostolique et la République française de 1920 qui a organisé l'association diocésaine. Le culte juif s'était organisé bien avant, grâce – ou à cause de, selon le point de vue – à Bonaparte puis Napoléon. Il est vrai qu'aujourd'hui, beaucoup d'associations cultuelles s'organisent en associations culturelles, notamment en ce qui concerne le culte musulman. Pour tirer bénéfice de subventions ou d'aides, l'association culturelle loi 1901 peut louer ou profiter d'immeubles, ce que ne peut pas faire l'association cultuelle loi 1905. Alors que l'association cultuelle loi 1905 permet d'avoir des comptes certifiés et une déduction fiscale, à l'instar du denier du culte pour les catholiques. À ce titre, il n'est pas tout à fait juste de dire que l'argent public ne finance pas les cultes, puisque cela se fait par la déduction fiscale. C'est tout à fait logique d'ailleurs, et loin de moi l'idée de revenir sur ce point.

Il y a donc une inégalité de traitement. C'est très difficile car certains souhaitent pousser un certain nombre d'avantages pour que les faits et le droit soient en accord, et nous voyons bien les effets de bord qui peuvent apparaître. Ce n'est effectivement pas anodin, et en même temps, une telle mesure simplifierait l'organisation des cultes.

Cela étant, je pense qu'il est sage de reporter cette disposition à plus tard, tout en sachant qu'il y a une vraie question d'organisation des cultes en France. Et si je peux me permettre de corriger le rapporteur, si le curé va en effet voir le maire, c'est en général le président de l'association cultuelle musulmane qui le fait, puisque la distinction du clergé dans la religion musulmane n'est pas la même que dans la religion catholique. Le chiisme a un clergé, mais il n'existe pas les mêmes correspondants pour les élus.

Laissons donc cette question de côté en partant du principe que c'est un très grand sujet, extrêmement intéressant et particulièrement sensible. J'ai moi-même reçu des lettres de plusieurs cultes totalement contradictoires les unes avec les autres, mais je respecte chacune et chacun. En outre, c'est le ministre de l'intérieur, et non pas le ministre de l'action et des comptes publics, qui est en charge des cultes. Il est sage d'adopter les dispositions les plus anodines, au sens des plus simples ; c'est ce que vous avez fait sur l'article 25, et c'est ce que vous propose le rapporteur. J'aurai donc un avis de sagesse sur tous les amendements de suppression, tout en souhaitant qu'il n'y ait pas une suppression totale de l'article, mais bien que l'on suive l'avis du rapporteur. Et je vous invite tous à vous intéresser à cette grande question qui n'a manifestement pas été réglée depuis un certain temps.

4 commentaires :

Le 12/05/2018 à 21:03, Laïc1 a dit :

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"À ce titre, il n'est pas tout à fait juste de dire que l'argent public ne finance pas les cultes, puisque cela se fait par la déduction fiscale. C'est tout à fait logique d'ailleurs,"

Je ne vois pas très bien où est la logique. Et pourquoi les dons aux associations laïques ne sont pas fiscalement déduits ?

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Le 12/05/2018 à 21:11, Laïc1 a dit :

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" Le chiisme a un clergé, mais il n'existe pas les mêmes correspondants pour les élus."

Pour un Etat qui ne reconnaît pas les cultes, il a l'air d'être très au courant des spécifités religieuses de chaque culte.

Vous trouvez ce commentaire constructif : non neutre oui

Le 12/05/2018 à 21:13, Laïc1 a dit :

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"En outre, c'est le ministre de l'intérieur, et non pas le ministre de l'action et des comptes publics, qui est en charge des cultes."

Si si, c'est le ministre de l'action et des comptes publics, puisqu'il n'y a que le pognon qui compte...

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Le 13/05/2018 à 09:03, Laïc1 a dit :

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" et loin de moi l'idée de revenir sur ce point."

C'est sûr, l'Etat finance les cultes, mais ça ne dérange pas M. Darmanin. Il est temps d'en revenir à une vraie laïcité, et d'en finir avec cette mensongicité imposée aux Français. Dans les concours de l'enseignement, il y a des questions sur la laïcité, imaginez les pauvres candidats obligés de raconter les sornettes du pouvoir pour avoir la moyenne, c'est désolant. Et le candidat qui voudra dire que l'Etat ne reconnaît pas les cultes et qu'il ne les finance pas aura droit à un beau zéro... C'est déjà arrivé à certains, quelle honte ce pays.

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