Intervention de Benjamin Griveaux

Réunion du mercredi 19 juillet 2017 à 19h05
Commission des affaires économiques

Benjamin Griveaux, secrétaire d'état auprès du ministre de l'économie et des finances :

Madame Marie-Noëlle Battistel, je voudrais vous répondre au sujet des dépenses publiques. La France a un niveau de dépenses publiques record en Europe, ce qui implique un niveau de prélèvements obligatoires tout aussi record. Les dépenses publiques avoisinent 57 % du PIB, ce qui nous place très loin de la moyenne européenne. Il faut s'attaquer à ce nouveau mal français. Depuis 1974, il n'y a pas eu un seul budget voté à l'équilibre. En 1974, je n'étais même pas né. Cela fait quarante-trois ans que nous sommes intoxiqués, très dépendants à la dépense publique.

Il ne s'agit pas de faire baisser la dépense publique seulement pour la faire baisser. Il n'y a pas de fétichisme du taux de 3 % ou à l'égard d'une croyance en la vertu absolue de la baisse de la dépense publique. Pourquoi faut-il la faire baisser ? Parce que moins de dépense publique cela veut dire moins d'impôts pour les Français. À maintes reprises, nos concitoyens nous ont dit à tous, quelles que soient nos sensibilités, que la pression fiscale était trop forte et que le niveau des prélèvements obligatoires était trop pesant dans notre pays. La pression fiscale est trop forte sur nos concitoyens, nos entrepreneurs, artisans et commerçants.

Moins de dépense publique c'est aussi moins de dette. Ce n'est pas anodin quand on croit à l'État stratège, à la capacité des pouvoirs publics à organiser la vie de la cité, quel que soit le domaine d'intervention. Un État endetté a moins de marges de manoeuvre, il s'ampute chaque jour de moyens d'agir sur le réel. La dette est l'ennemie d'un État stratège, engagé, présent au niveau central ou territorial. En ayant moins de dette, nous retrouvons une part de notre souveraineté. Notre objectif est d'arriver à un taux d'endettement d'environ 92 % du PIB à la fin du quinquennat. Il y a dix ans, l'Allemagne et la France avaient un endettement comparable. Le taux d'endettement de l'Allemagne n'a pas évolué alors que le nôtre a progressé de 30 points. Nous aimerions nous passer de cette exception française ; nous devons apprendre à nous en départir.

Il est une autre conséquence de la réduction de la dépense et de la dette que M. Bruno Le Maire mesure à chaque fois qu'il rencontre ses homologues européens, à chaque conseil franco-allemand : un tel mouvement permet de gagner en crédibilité auprès de nos partenaires. Nous ne pourrons pas réorienter la politique de l'Europe et réarmer l'Union européenne, ce qui est nécessaire, si nous ne sommes pas capables d'être exemplaires et de respecter des engagements que nos voisins ont réussi à tenir. Si nous voulons que la France retrouve de la crédibilité politique vis-à-vis de ses partenaires européens, nous n'avons pas le choix : nous devons d'abord respecter les règles établies en commun. Celui qui ne respecte pas la règle est sans doute le plus mal placé pour prétendre en élaborer de nouvelles pour l'avenir, afin que l'Union européenne soit moins bureaucratique, plus proche et plus protectrice à l'égard des Français. Nous n'y arriverons qu'à cette condition.

J'en viens aux collectivités locales. C'est un ancien élu local qui vous parle : j'ai été chargé des finances au conseil général de Saône-et-Loire, un beau département à la fois industriel et rural, avant que ne soient créés les conseils départementaux. Lorsque j'y suis arrivé, nous étions parmi les départements les moins bien classés en termes de gestion financière : beaucoup d'emprunts toxiques, des investissements très surévalués mais pas toujours très stratégiques. Les élus se sont mis autour de la table, en dépassant les questions de sensibilité, parce que le département risquait d'être placé sous tutelle, situation où l'on remet les clefs au préfet et les élus ne servent plus à rien.

Les conseillers généraux de tous bords se sont posé une question : quelles sont les missions fondamentales de notre collectivité. Croyez-moi, nous avons dégagé des marges de manoeuvre et, en fin de mandat, nous avions collectivement redressé les finances. Nous avons fait confiance aux fonctionnaires territoriaux et cru en leurs capacités à innover et à nous proposer des choses nouvelles. La contrainte budgétaire et financière qui pesait sur nous était telle que, si nous avions fait comme d'habitude, nous n'avions aucune chance d'échapper à la tutelle.

Lors de la Conférence nationale des territoires qui s'est tenue la semaine dernière au Sénat, le Président de la République a indiqué que l'effort de 13 milliards d'euros n'était pas le « coup de rabot » habituel, car il s'accompagnait d'un accroissement de la liberté et des responsabilités des collectivités locales. Nous allons faire confiance aux collectivités et les laisser mener des politiques expérimentales allant dans le sens d'un objectif partagé : la dépense globale doit diminuer. En échange, elles auront plus de liberté d'action, plus de capacité à expérimenter et à innover pour parvenir à cette baisse des dépenses.

Connaissant bien les finances départementales, je n'ignore pas certaines données terribles : l'effet de ciseaux qui fait que les dépenses de revenu de solidarité active (RSA) augmentent avec le nombre des allocataires en cas de crise ; les dépenses liées à la dépendance qui augmentent très vite dans des départements vieillissants. Cela étant, les services de la fonction publique territoriale sont capables de faire preuve d'une incroyable inventivité.

L'exercice que nous faisons au niveau de l'État devra être pratiqué au niveau de la fonction publique territoriale. Je suis certain que les élus y trouveront aussi matière à innover en matière de service rendu au citoyen. À la fin des fins, notre seul juge de paix est la qualité du service que l'on rend aux Français. Est-elle meilleure ? Dépenser plus revient-il à rendre un meilleur service au Français ? Je ne le crois pas ; je suis même assez convaincu du contraire.

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