Intervention de Emmanuelle Ménard

Séance en hémicycle du mardi 8 février 2022 à 15h00
Réforme de l'adoption — Texte adopté par l'assemblée nationale en nouvelle lecture

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaEmmanuelle Ménard :

Avec cet article 9 bis que nous proposons de supprimer, nous rentrons dans le vif du sujet car le mécanisme qu'il instaure suscite beaucoup d'interrogations. Il tire les conséquences d'un article de la loi de bioéthique promulguée en août dernier, qui autorise deux femmes à avoir recours à la PMA et qui établit un double lien de filiation pour l'enfant – à cet effet, la mère d'intention et la mère biologique s'engagent devant notaire au début du parcours de procréation. Il prévoit ainsi qu'un juge pourra prononcer l'adoption de l'enfant par la mère d'intention dès lors que celle-ci a démontré son implication et sa présence auprès de la mère biologique – et c'est là que ça se corse – nonobstant le refus de cette dernière.

Il me semble important de rappeler, comme mes collègues l'ont fait, que le Conseil national de la protection de l'enfance s'est prononcé contre cet article, en estimant qu'il « revient à permettre, à l'issue d'une PMA, à l'ancienne compagne de la mère de naissance, mère légale de l'enfant, l'adoption de cet enfant, quelle que soit leur durée de vie commune et même si l'enfant n'a pas vécu avec cette femme. Cette disposition poursuit un autre but que l'intérêt supérieur de l'enfant en visant à régler des litiges entre adultes et à reconnaître un droit sur l'enfant. »

Autrement dit, vous créez un mode de filiation ad hoc qui force la mère biologique à accepter une adoption dont elle ne veut plus pour son enfant. Vous avez expliqué en commission, madame la rapporteure, qu'il s'agissait d'un dispositif exceptionnel. C'est bien le cas puisqu'il s'appliquera de manière rétroactive à des PMA réalisées à l'étranger, à un moment où elles étaient encore illégales en France, ce qui, vous en conviendrez, pose question.

Cet article introduit un concept paradoxal : l'adoption forcée, au bénéfice de femmes qui, certes, ont initialement participé à un projet parental commun mais qui s'en sont par la suite retirées – adoption forcée qui ne respecte en outre pas l'intérêt supérieur de l'enfant.

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