Intervention de Stanislas Guerini

Séance en hémicycle du mardi 23 janvier 2018 à 15h00
État au service d'une société de confiance — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaStanislas Guerini, rapporteur de la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi pour un état au service d'une société de confiance :

Voyez l'ensemble des réformes que nous conduisons : confiance dans la vie politique ; loi Travail, qui fait confiance aux acteurs pour trouver des solutions au sein des entreprises ; un budget, qui repose sur l'idée même de confiance. C'est pour cette raison que le projet de loi pour un État au service d'une société de confiance, dont nous débutons aujourd'hui l'examen, est au coeur du projet que nous avons proposé aux Français. C'est une pierre essentielle du plan de transformation que nous souhaitons mettre en oeuvre.

Nous sommes face à un paradoxe, que M. le ministre a rappelé. Les Français regardent avec sympathie les services publics de proximité. Deux tiers sont satisfaits de Pôle Emploi et 93 % le sont de leurs relations avec l'administration fiscale. Pourtant, l'image de l'État dans son ensemble n'est pas bonne. Ce sont 70 % de nos concitoyens qui jugent mauvaises leurs relations avec l'administration en général. Les attentes des Français en matière de réforme de l'État et de l'administration sont sans doute plus fortes que jamais. Elles sont légitimes : nous sommes dans un monde en profonde mutation, avec un besoin fort de sécurité, de conseil et d'accompagnement.

En cela, ce texte est essentiel. Cette réponse en faveur d'une administration bienveillante s'incarne dans la promesse de campagne portée par le Président de la République, véritable pierre angulaire du texte, le « droit à l'erreur ». Plus généralement, cette promesse s'articule autour de trois devoirs.

Le premier devoir est de faire confiance aux Français, faire confiance à la créativité, à l'inventivité. L'administration ne doit pas être là pour sanctionner, mais pour conseiller, accompagner, encourager la prise d'initiative, parfois la prise de risques. C'est dans cet esprit que nous devons inventer l'administration du XXIe siècle.

L'administration du XXIe siècle est une administration qui dialogue. Aujourd'hui, en cas de problème avec l'URSSAF, par exemple, une PME, qu'elle soit bretonne, lorraine ou corse, n'a que la possibilité d'un recours contentieux. Demain, elle pourra faire intervenir un médiateur pour trouver une solution plus satisfaisante.

L'administration du XXIe siècle, c'est aussi une administration qui s'engage. Aujourd'hui, le particulier qui veut employer un auto-entrepreneur pour assister un parent vieillissant doit le payer en chèque emploi-service, sans être certain de la légalité de son avantage fiscal. Demain, grâce à la généralisation du rescrit, il pourra opposer la réponse qu'il aura reçue de l'URSSAF en cas de contrôle.

L'administration du XXIe siècle, c'est enfin une administration qui conseille. Mesurons à quel point les entreprises sont aujourd'hui craintives par rapport à l'inspection du travail, y compris lorsqu'elles essaient de bien faire. Demain, l'inspection du travail aura plus de marges de manoeuvre et pourra émettre un simple avertissement dans ces situations. C'est l'idée du carton jaune avant le carton rouge.

Le deuxième devoir est de tendre une main secourable à nos concitoyens les plus en difficulté, les plus éloignés, ceux qui ont du mal à connaître leurs droits, ceux qui n'ouvrent même plus les courriers de l'administration. Ce projet de loi est aussi pour eux.

Je pense ainsi à la mise en place d'un numéro de téléphone non surtaxé pour joindre chaque administration. Je pense aux horaires d'ouverture adaptés pour ceux qui ont des horaires de travail décalés. Je pense à l'expérimentation de référents uniques avec un pouvoir de décision dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville. Ce sont ces citoyens qui commettent le plus d'erreurs de bonne foi, qui n'ont pas les moyens de recourir à des professionnels pour les orienter dans les méandres de l'administration. Le droit à l'erreur est fait pour eux.

Enfin, le troisième devoir est de transformer en profondeur les pratiques de notre administration. Nous avons pu constater, sur le terrain, que la volonté existe. Ces dernières semaines, les députés du groupe majoritaire ont organisé des dizaines de rencontres avec des administrations locales – Pôle Emploi, la CAF, le préfet et les douanes. Partout, la même volonté s'est manifestée d'expérimenter, d'innover, d'améliorer le service rendu aux citoyens. Disons-le sans ambages, nous avons davantage ressenti ce désir de changement au niveau local, au niveau des fonctionnaires, de catégorie B ou C, qui sont en contact avec le public, qu'à celui des administrations centrales. Plusieurs de nos interlocuteurs nous ont d'ailleurs fait remarquer que les bonnes pratiques, comme le droit à l'erreur, étaient déjà en partie appliquées au quotidien. Ce texte est fait pour eux. Médiation, droit à l'erreur, transaction, rescrit, ce projet de loi pérennise de telles pratiques.

Les trois devoirs que je viens de mentionner représentent un défi immense, passionnant. Ils ouvrent la perspective de nouvelles missions pour les agents publics, dont ceux-ci devront s'emparer. Pour cela, des marges d'initiative doivent être ouvertes, et les agents devront être formés.

Trop longtemps, les injonctions du législateur sont restées lettre morte, en particulier parce que nous n'avons pas porté le changement de manière opérationnelle, en prenant en compte les besoins de formation des agents. Saluons ici l'effort budgétaire annoncé par le ministre d'investir 1,5 milliard d'euros en ce sens. Au-delà du montant, la création d'un module de formation « droit à l'erreur » pour l'ensemble des agents administratifs comptera au moins autant que plusieurs articles de ce texte réunis. Nous devons, en toute humilité, le reconnaître.

Vous le voyez, l'ambition cachée derrière ce projet de loi est grande. C'est pourquoi nous avons adopté une méthode radicalement différente, marquée par trois caractéristiques principales : concertation, expérimentation et évaluation.

La concertation vient en premier. Depuis cet été, le ministre, dans sa sagesse, a eu l'idée d'associer plusieurs sénateurs et députés, en amont de la présentation de ce texte. Remercions-le pour cette initiative inédite qui a permis de dégager une philosophie et une ambition communes. Saluons également l'apport de Thierry Tuot, conseiller d'État, qui a été notre aiguillon pour avancer vers des propositions innovantes. Nous avons su prolonger cette démarche de travail en bonne intelligence au sein de la commission spéciale chargée d'examiner le texte, la semaine dernière, et dont je voudrais saluer le travail.

Les chiffres en témoignent, il est possible d'adopter une approche constructive, transpartisane, pour renforcer ensemble l'ambition du texte. En dehors des amendements rédactionnels, nous avons ainsi adopté près de quatre-vingt-dix amendements sur le fond, qui ont sensiblement fait bouger les lignes de ce texte.

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