Intervention de Laurent Saint-Martin

Séance en hémicycle du mardi 23 janvier 2018 à 15h00
État au service d'une société de confiance — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLaurent Saint-Martin :

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame Anne-Laure Cattelot, vice-présidente de la commission spéciale, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, État moderne et confiance sont indissociables. Le bon fonctionnement d'une société démocratique dépend de la confiance que les citoyens placent en leurs élus – vous venez de rappeler, monsieur Bruneel, les débats que nous avons eus à ce sujet l'été dernier – , mais également de la confiance qu'ils accordent à leur administration.

Cela fait plusieurs années que l'on fait, dans ces murs comme en dehors, le constat d'un déclin de la confiance envers l'administration publique. Selon une étude réalisée il y a plus d'un an, plus d'un Français sur cinq juge « compliquées ou très compliquées » les démarches réalisées auprès des services publics, et le Forum économique mondial classe la France au cent quinzième rang sur cent quarante en termes de « fardeau administratif », selon les données et les termes que vous pouvez retrouver dans l'étude d'impact.

Cette méfiance nous interpelle tous, mes chers collègues. Si plusieurs initiatives ont été lancées ces dernières années pour y remédier, le présent texte, dont nous débutons l'examen en séance publique, témoigne d'une ambition jusqu'alors inégalée. Ce projet de loi est certes la concrétisation d'un engagement de campagne du Président de la République, mais c'est surtout la réponse à une attente forte des Français. C'est un projet de confiance s'appuyant sur trois grands principes : une administration qui conseille, une administration qui s'engage, une administration qui dialogue.

Certains nous opposeront sans doute que nous ne traitons pas l'ensemble des sujets dans ce projet de loi. C'est un choix de méthode et d'efficacité, que nous assumons et revendiquons. À un énième texte de simplification protéiforme et sans véritable colonne vertébrale, nous préférons un acte fondateur de la confiance retrouvée entre l'administration et ses usagers, qui engage une dynamique que nous devrons retrouver dans chacun des prochains textes de loi de ce quinquennat.

Ce texte conjugue redéfinition de la philosophie du service public et déploiement de solutions concrètes. Il contient à la fois l'esprit de la réforme et les outils capables d'en assurer la traduction effective, qu'il s'agisse de créer des structures de concertation et d'arbitrage, des normes d'harmonisation ou des outils de pilotage et de suivi.

La mesure phare de ce texte est l'instauration d'un droit à l'erreur pour tous les usagers des services publics. Ceux-ci pourront rectifier des erreurs commises de bonne foi sans se voir appliquer de sanction ou en bénéficiant d'intérêts de retard réduits s'il s'agit d'un problème d'ordre fiscal. Le renversement de la charge de la preuve constitue une évolution majeure dans la relation quotidienne des Français avec leur administration.

L'administré ne sera plus – ou du moins ne devra plus être – perçu a priori comme un potentiel fraudeur. Il sera considéré comme un usager à accompagner et à conseiller. C'est essentiel pour redéfinir la relation et cela témoigne de votre souhait profond de transformer l'état d'esprit du service public.

Ce droit à l'erreur ne constitue pas un permis de tricher. Il ne concerne en aucun cas la fraude ou les abus, qui continueront d'être sanctionnés. Il ne s'appliquera pas non plus aux erreurs portant atteinte à la santé publique, à l'environnement, à la sécurité des personnes ou des biens.

Construire une administration qui accompagne, c'est notamment mettre en place un droit au contrôle permettant aux entreprises de demander qu'une administration vienne s'assurer qu'elles sont en conformité avec la réglementation.

Le texte s'illustre également par la mise en place, dans certaines situations, de la possibilité pour l'inspection du travail d'adresser des avertissements à une entreprise avant de la sanctionner, ou par la généralisation de la médiation pour traiter les contestations.

Il prévoit aussi une extension du recours au rescrit au-delà de l'unique champ fiscal, où il est déjà pratiqué et où il devra être élargi. Nous l'avons vu avec le directeur général des finances publiques. Les administrés pourront ainsi poser une question à l'administration sur un cas précis et se prévaloir de sa réponse.

Enfin, pour dépasser le problème du cloisonnement des systèmes d'information de l'État, qui se sont développés en silo au rythme de l'apparition des besoins, le principe du « Dites-le-nous une fois » est acté. En écho à certaines recommandations de mon rapport spécial, les travaux du comité action publique 2022 prolongeront cette initiative cruciale pour une meilleure efficacité de nos services publics.

Mes chers collègues, le projet de loi bénéficiera aux usagers et aux agents de l'État. Pour les cinq prochaines années, un fonds de transformation de l'action publique a été doté de 700 millions d'euros afin de financer les projets innovants, et de 1,5 milliard afin de former les agents aux nouvelles pratiques et aux nouveaux enjeux de l'administration. C'est dire, madame Rabault, que ce texte prévoit la sécurisation des agents publics.

Finalement, en ce qu'il amorce, par la norme autant que par la philosophie, une évolution importante de la relation entre l'administration et les Français, c'est l'État, dans ce qu'il a de plus incarné, que ce texte transforme.

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