Intervention de Fabrice Brun

Séance en hémicycle du mardi 23 janvier 2018 à 15h00
État au service d'une société de confiance — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFabrice Brun :

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, ce projet de loi pour un État au service d'une société de confiance poursuit un objectif louable et largement partagé : refonder et transformer la relation entre nos concitoyens et l'administration. Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il y a du boulot, car, si les Français aiment les services publics, ils restent méfiants vis-à-vis de leur administration. Peut-être parce que nous vivons dans une société qui s'est totalement bureaucratisée, mais aussi déshumanisée, avec le développement de l'e-administration. Peut-être aussi parce que l'administration sanctionne davantage qu'elle ne conseille. Il faut donc changer le logiciel administratif.

C'est une vieille rengaine, tant les lois de simplification se sont succédé ces dernières années avec plus ou moins de succès, car une question demeure : à chaque fois qu'une disposition est simplifiée dans cet hémicycle, combien de contraintes administratives nouvelles apparaissent par circulaire ou par voie réglementaire ? Et l'on a cette désagréable sensation que l'administration crée parfois son propre vent, dans un mouvement perpétuel de fabrique de la norme, quand elle ne « surtranspose » pas tout simplement des normes importées d'ailleurs. D'où l'importance d'une disposition majeure, indissociable de ce texte : toute nouvelle réglementation devra être compensée par la suppression de deux normes existantes.

Si nous partageons ce principe de bon sens, nous nous interrogeons sur son évaluation concrète. Car, pour dépasser le stade de l'annonce, il faut donner des gages à la représentation nationale. Peut-être, monsieur le ministre, pourrez-vous nous éclairer sur la méthode d'évaluation employée.

L'examen du texte en commission a démontré des divergences d'appréciation, notamment sur les processus de régionalisation touchant, par exemple, les chambres d'agriculture, comme l'a rappelé mon collègue Arnaud Viala. Toutefois, nous sommes tous d'accord pour simplifier la vie des Français et des entreprises.

Les chefs d'entreprises français, petits ou grands, qualifient leurs relations avec l'administration par des mots pour le moins explicites : suspicion, lourdeurs, pénalités, délais. Mettre fin au climat de défiance entre les entreprises et l'administration est pourtant indispensable au développement de l'activité et de l'emploi. Dans ce contexte, monsieur le ministre, revenir sur le principe de non-régression du droit de l'environnement est une priorité absolue – mon collègue Philippe Gosselin et moi-même avons défendu cette idée en commission. Déjà cette mesure, votée par les députés de la précédente majorité, fait des dégâts, en renforçant l'insécurité juridique. L'arrêt du Conseil d'État du 8 décembre 2017, qui a annulé un décret du 11 août 2016, vient de vous le prouver, me semble-t-il. sur ce point, nous attendons des réponses de votre part en séance. En effet, ce n'est pas en instaurant un cliquet juridique qui créé un point de non-retour et qui fige la norme que l'on rétablira la confiance des acteurs économique envers l'État.

En consacrant le droit à l'erreur, l'article 2 du texte doit révolutionner la relation entre les usagers et l'administration. L'objectif fait consensus, mais ce droit à l'erreur reste très limité et très encadré ; conjugué à un goût prononcé de l'exécutif pour les ordonnances, il nous laisse sur notre faim. Il en est ainsi, parce qu'une fois de plus, vous avez sûrement pensé la question de la simplification en vous plaçant dans la perspective de l'administration, alors que le vrai enjeu est la simplification pour les opérateurs et pour les usagers, dont les intérêts doivent à mon sens passer avant ceux des services de l'État. Or c'est bien l'inverse qui se produit le plus souvent au moment de la dématérialisation des procédures, car l'administration se simplifie d'abord la vie en faisant faire le travail à l'usager. C'est un vrai sujet.

Pour terminer, je regrette que votre projet de loi n'accorde pas d'emblée plus de place à la réduction des délais. C'est sans conteste une de ses failles. La réduction des délais est en effet une attente majeure des Français, qui ne veulent plus subir de délais incompatibles avec leurs impératifs du quotidien. J'espère que l'examen du texte dans l'hémicycle permettra d'avancer sur ce point.

Monsieur le ministre, par voie d'amendements, en commission, les députés du groupe Les Républicains ont formulé de nombreuses propositions concrètes que vous n'avez, jusqu'à présent, pas retenues – ou pas toutes. Pourquoi, par exemple, refuser de fixer des délais maximums de livraison des cartes nationales d'identité et des permis de conduire ? Autre exemple concret et douloureux, la démarche du Gouvernement visant à permettre d'obtenir la carte grise en un clic s'est terminée par un grand flop, à la fin de 2017, avec des conséquences économiques désastreuses pour la filière automobile. Pourtant, ce dispositif avait été testé préalablement sur le terrain. Que s'est-il donc passé ? Au vu du nombre important d'expérimentations que vous envisagez, avez-vous tiré pour l'avenir toutes les conséquences de ce fiasco ?

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