Intervention de Nicole Belloubet

Séance en hémicycle du lundi 24 juillet 2017 à 16h00
Confiance dans la vie publique — Présentation commune

Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice :

Nous devrons donc, c'est bien légitime, ouvrir un débat sur ce point.

Mais quelle que soit la définition que vous retiendrez, il appartiendra à chaque assemblée de préciser les règles internes de prévention et de traitement des situations de conflit d'intérêts. L'un des points importants des textes qui vous sont soumis réside d'ailleurs dans la création d'un registre public des déports. De même, le rôle du déontologue, que Mme la rapporteure souhaite renforcer, sera essentiel en la matière.

Par ailleurs, les incompatibilités relatives à l'activité de conseil seront étendues et renforcées. À l'heure actuelle, seule existe l'impossibilité pour un parlementaire de commencer pendant son mandat une activité de conseil. Cette interdiction ne s'applique d'ailleurs pas aux professions libérales réglementées, comme celle d'avocat. Cette disposition est apparue très insuffisante au Gouvernement, en raison des conflits d'intérêts potentiels liés à l'exercice de cette activité.

Le dispositif est donc complété selon plusieurs axes. Tout d'abord, un axe temporel, puisqu'un parlementaire ne pourra commencer à exercer ces activités pendant son mandat et devra cesser celles débutées dans les douze mois qui précèdent le début de son mandat. Un deuxième axe s'attache au périmètre des fonctions exercées, puisque la dérogation qui s'applique aujourd'hui pour les professions réglementées est supprimée. Enfin, le dernier axe est relatif à la nature des fonctions exercées.

Le dispositif proposé par le Gouvernement en matière d'encadrement des activités de conseil assure une conciliation entre l'indépendance des élus, la prévention des risques de conflit d'intérêts et la liberté d'entreprendre, qui doit être reconnue à tout parlementaire comme elle l'est à tout citoyen. Les dispositions prévues devraient permettre d'éviter les écueils constitutionnels mis en évidence par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 9 octobre 2013, qui avait alors censuré une interdiction trop générale posée par le texte soumis à son contrôle.

J'ajoute, et c'est très important, qu'il ne s'agit nullement d'interdire aux parlementaires d'exercer d'autres activités professionnelles compatibles avec leur mandat. Si nous le faisions – mais cela n'est pas notre intention – nous nous exposerions à une censure constitutionnelle.

Le troisième axe des projets qui vous sont soumis entend mettre fin à des pratiques qui étaient acceptées hier, mais qui ne le sont plus aujourd'hui. Ces dispositions concernent les emplois familiaux, l'indemnité représentative de frais de mandat – IRFM – et la réserve parlementaire.

Je ne reviendrai pas sur les conditions dans lesquelles a émergé la question des emplois familiaux. Le Gouvernement a proposé de mettre fin à cette pratique, aussi bien pour les membres du Gouvernement que pour les parlementaires et les exécutifs locaux. Cette pratique ne semble en effet plus tolérable aujourd'hui : c'est un fait social, qu'il faut prendre en considération. Tout recul en la matière serait très mal perçu de nos concitoyens.

La commission des lois a réajusté le périmètre des personnes concernées par cette interdiction, en restreignant un peu la dimension du cercle familial. Le Gouvernement n'y voit pas d'obstacle, les dispositifs déontologiques de votre assemblée prenant le relais au-delà du cercle familial envisagé en cas de conflits d'intérêts.

Parallèlement, le Sénat puis votre commission des lois ont pris d'heureuses initiatives pour faire progresser la situation générale des collaborateurs parlementaires, dont le travail à vos côtés est tout à la fois considérable et indispensable. C'est là une excellente chose et le Gouvernement soutiendra ces évolutions.

J'en viens à l'IRFM. Dans un souci de transparence concernant les frais engagés par les parlementaires dans l'exercice de leur mandat, le Gouvernement avait prévu la disparition de cette indemnité, remplacée par un remboursement de ces frais sur une base réelle et sur présentation de justificatifs. Un dialogue, dense, s'est noué sur ce sujet, d'abord avec le Sénat puis avec votre commission des lois. Le dispositif qui a été adopté par la commission des lois, précisant celui adopté par le Sénat, me semble rigoureux et opérationnel, comme le souhaitait M. le président de l'Assemblée nationale.

Des lignes claires seront donc tracées pour déterminer ce qui relève ou non des frais de mandat. Des mécanismes de contrôle seront organisés. L'ensemble du processus, et nous reviendrons bien entendu sur son détail, s'effectuera dans le respect de l'autonomie des assemblées et avec l'intervention du déontologue. Le Gouvernement se réjouit du travail qui a été conduit sur ce point très délicat.

Enfin, le projet de loi organique propose aussi de mettre fin à la pratique actuelle de la réserve parlementaire. Ce sujet, très discuté, suscite beaucoup d'interrogations, chez les députés comme chez les sénateurs. Pour aborder cette question délicate, il faut revenir aux quelques principes simples qui ont conduit le Gouvernement à proposer la suppression de cette réserve.

Cette question me semble en effet renvoyer à celle, plus large, du rôle du Parlement et du rapport des parlementaires au territoire au sein duquel ils sont élus. Je rappelle ici que si les parlementaires sont élus dans une circonscription, ils ne sont pas les élus de leur circonscription, mais de la nation tout entière !

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.