Intervention de Danièle Obono

Séance en hémicycle du lundi 24 juillet 2017 à 16h00
Confiance dans la vie publique — Motion de rejet préalable (projet de loi organique)

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDanièle Obono :

Voilà pourquoi ce projet de loi, qui ne s'attaque pas, comme notre collègue l'a dit, à l'argent roi et à la finance dérégulée, qui ne s'attache pas à traquer les corrompus et les corrupteurs, ne redonnera pas confiance dans la vie publique. En effet, il accompagne le projet néolibéral et ne remet pas fondamentalement en cause les raisons du mal démocratique que connaît notre pays.

Nous pourrions, au contraire, entamer un véritable travail de refonte démocratique. Nous l'avons proposé à travers une série d'amendements qui ont été rejetés sans véritable discussion.

La confiance, comme Mme la garde des sceaux l'a dit, ne se décrète pas, mais se construit. Cette construction se fait à l'égard des administrés, mais également par les citoyens, qui auront confiance dans leur propre capacité à agir et à intervenir dans la vie quotidienne s'ils ont des droits sociaux et économiques qui garantissent leur avenir et celui de leurs enfants, si la société partage les richesses au lieu de privilégier un petit nombre de nantis et de rentiers, et s'ils obtiennent des droits démocratiques qui les protègent et qui leur assurent une sécurité. De cela, il n'est nullement question dans ces lois et dans ce que proposent la majorité et le Gouvernement.

Redonner confiance aux citoyens nécessite de leur redonner confiance dans les outils de la démocratie, en les rendant acteurs et actrices des lois, des choix et des décisions. C'est par exemple le sens du droit de révocation des élus, mesure proposée par la France insoumise et repoussée sans explication. Elle pourrait pourtant, si une majorité d'entre vous décidait de l'adopter, marquer symboliquement un premier pas vers une refonte profonde de nos institutions. Dans son discours d'investiture, le président Macron avait insisté sur la responsabilité que lui aurait confiée le peuple français. Or, au sens étymologique, le terme de responsabilité provient du latin respondere, qui signifie « répondre de » et « se porter garant », et suppose justement de rendre des comptes. Nombre de détenteurs de mandats électifs, mais pas uniquement eux, se croient dispensés de satisfaire à une telle exigence. Puisque ce projet vise presque exclusivement les parlementaires, nous devrons nous imposer ces mêmes règles et ces mêmes outils.

Ainsi, la première étape de toute entreprise pour redonner confiance dans la vie publique doit être le rétablissement de la responsabilité politique de nos institutions. On pourrait même considérer, à l'instar de MM. Duhamel et Mény dans leur dictionnaire de droit constitutionnel, que la responsabilité politique est ce qui trace une ligne de clivage réelle entre dictature et démocratie. Ce rétablissement doit concerner tout élu, qu'il soit simple conseiller municipal ou Président de la République.

La responsabilité politique, qui est en quelque sorte la rançon démocratique du pouvoir, suppose justement que le peuple, détenteur de la souveraineté nationale au titre de l'article 3 de la Constitution, dispose d'une capacité de contrôle et de sanction à l'égard de celles et ceux qu'il a désignés pour exercer le pouvoir politique en son nom. Il est ainsi nécessaire que la possibilité de révoquer un gouvernant ne soit pas à sa seule discrétion, celle du Président. Ce qui importe, ce n'est pas le fait de révoquer un élu, mais la possibilité pour le peuple de le faire. Redonner la confiance, ce serait donc redonner au peuple ce pouvoir-là, qui est fondamental.

Loin des caricatures qu'en donnent certains, une telle procédure de révocation serait en réalité facile à mettre en oeuvre et sans danger pour la stabilité institutionnelle. Comme le note le constitutionnaliste Philippe Ségur dans Gouvernants : quelle responsabilité ? : « On sait, en effet, ce qu'une élection peut avoir d'ambigu et combien, pour cette raison même, les moyens de manipuler l'électorat sont nombreux en dehors de toute fraude. Au contraire, une procédure de révocation populaire à l'initiative des gouvernants pourrait offrir d'authentiques garanties de clarté puisqu'elle serait volontaire, finalisée et expressément motivée. Contrairement à ce que l'on feint de croire, elle pourrait comporter nombre de garde-fous qui en assureraient un usage modéré (pétition avec seuil de signatures pour engager la procédure, délai avant décision de donner suite, référendum avec majorité qualifiée… ) »

L'article 6 de la Constitution, qui prévoit que le Président de la République est élu pour cinq ans au suffrage universel direct et renvoie ses modalités d'application à une loi organique, consacre un droit de révocation du Président de la République par le peuple français. Nous discutons ici d'une loi organique, dont nous pouvons faire, plus qu'un symbole, un véritable outil pour que le peuple puisse reprendre le pouvoir et avoir meilleure confiance dans ses institutions.

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