Intervention de Antoine Petit

Réunion du mardi 16 janvier 2018 à 17h00
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Antoine Petit :

J'espère vraiment que le CNRS sera présent à l'EuroScience Open Forum de Toulouse. Je ne sais pas ce qui a été prévu, mais je vous promets de m'en occuper – à condition que je sois nommé, bien sûr !

S'agissant des relations entre le CNRS et les universités, je rappelle que je suis professeur des universités et, en tant que tel, attaché à ma mère nourricière. Il me paraît fondamental que le CNRS et les universités travaillent mieux ensemble et que l'un et l'autre apprennent à faire des choses tantôt ensemble, tantôt séparément. Cela rejoint la question des UMR qui, vous le savez, ont des établissements tutelles ou partenaires – certaines unités ont jusqu'à cinq ou six établissements de rattachement, ce qui est un facteur de complexité. En termes de gestion, on peut tout à fait imaginer des UMR employant des personnels issus d'établissements différents et, si les tentatives visant à faire fonctionner les UMR selon le principe de la délégation globale de gestion (DGG) n'ont pas donné de résultats satisfaisants, il faut essayer de mettre en place, au sein des UMR les plus importantes, des équipes comportant des personnels venant de plusieurs établissements.

Ce que vous avez dit au sujet des difficultés relationnelles entre le CNRS et les universités – je pense notamment au témoignage de la vice-présidente d'université – reflète bien la réalité, mais je crois que nous devons aussi être conscients de ce que l'État demande aux institutions de recherche. Quand une UMR composée de laboratoires du CNRS, d'une université A et d'une école B décroche un gros contrat avec un industriel, si chacune de ces trois entités s'est vu affecter comme indicateur de performance la somme des contrats qu'elle gère, il est évident qu'elles vont se battre entre elles pour gérer l'argent provenant du contrat, puisque cela va déterminer leur niveau de performance !

L'État doit se poser la bonne question : en l'occurrence, ce qui est important, c'est que l'UMR concernée ait conclu un gros contrat de recherche collaborative avec un industriel – quant à savoir par quelle entité l'argent sera géré, ce n'est pas essentiel et, dans un souci de cohérence du système, il ne faut pas demander aux gens d'entrer en concurrence. S'agissant des outils de gestion, vous avez raison de considérer que l'on peut sans doute faire mieux. Nous avons en France une agence de mutualisation des universités et établissements (AMUE), créée il y a vingt-cinq ans pour éviter les doublons, et sur laquelle nous devons nous appuyer pour améliorer la situation.

Vous m'avez demandé comment faire pour inciter plus d'entreprises françaises à investir dans la recherche. Je pense que les relations entre la recherche académique et les entreprises ont beaucoup évolué au cours des vingt ou trente dernières années, notamment grâce aux entreprises étrangères. En tant que PDG d'INRIA, je suis frappé de constater que les entreprises étrangères sont souvent plus accoutumées que les nôtres à travailler avec les acteurs académiques ; de même, il est souvent plus facile de travailler avec elles qu'avec les entreprises françaises. Ce propos doit être nuancé : d'une part, il y a des exceptions, d'autre part, les choses sont en train de changer. En tout état de cause, si le CNRS peut se prévaloir d'une remarquable tradition de laboratoire commun avec des entreprises, je pense qu'il doit diversifier ses capacités à travailler avec l'entreprise, car les laboratoires communs ne sont pas toujours l'outil le plus adapté. Dans certains cas, il est plus intéressant d'engager des collaborations virtuelles entre des équipes rattachées à différentes UMR – l'industriel concerné se préoccupe généralement peu de savoir si l'équipe avec laquelle il travaille est située à Nantes, Bordeaux ou Strasbourg. Il faut donc multiplier les outils permettant de développer ces relations.

Enfin, il existe un système, très développé aux États-Unis mais beaucoup moins en France, celui de la double position, dans lequel un chercheur travaille à temps partiel dans l'université et à temps partiel en entreprise – et à ceux qui s'interrogeraient sur les questions de propriété intellectuelle qu'une telle organisation peut soulever, je dirais que si les Américains les ont résolues, nous devrions pouvoir en faire autant ! Il faut que nous nous efforcions de promouvoir un tel système, qui profite aux deux parties.

Pour ce qui est des fake news et de l'éducation, en tant que président d'INRIA, je trouve dramatique que l'on n'offre pas aux adolescents français, qui sont les citoyens de demain, une vraie éducation au numérique – ce qui fait que les décideurs, notamment ceux du monde politique, ont parfois quelques lacunes dans ce domaine. Aujourd'hui, l'INRIA dispose de la compétence pour traiter les fake news – sans doute le CNRS les a-t-il également – et sait remonter jusqu'à leur origine, même si cela prend un peu de temps. Si la mention « Vu à la télé » était autrefois censée constituer un gage d'authenticité, aujourd'hui ce serait plutôt « Vu sur internet », et ce serait encore moins vrai ! Il faut être conscient du fait que n'importe quelle image ou bande-son peut être falsifiée, et qu'on peut attribuer n'importe quelle ineptie à n'importe qui. Dans le monde numérique où l'on vit, la notion de vérité de l'information revêt une importance capitale, et j'estime qu'en raison de son organisation pluridisciplinaire, le CNRS a une vocation particulière à participer à des actions d'éducation et de formation. Certes, ce n'est pas son métier de base, qui est avant tout la recherche, mais je pense qu'il doit vraiment faire bénéficier les associations de son expertise scientifique, afin de permettre aux gens de réfléchir aux notions que vous avez évoquées.

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