Intervention de Hervé Saulignac

Réunion du mercredi 24 janvier 2018 à 9h40
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaHervé Saulignac :

Nous sommes là dans un débat ancien et récurrent, où les postures évoluent assez peu. Je ne voudrais pas que nous tombions dans la caricature, les uns laissant entendre à tort que les autres accuseraient nos forces de police d'être animées de mauvaises intentions et d'un esprit trop peu républicain. Je veux donc rendre hommage à nos policiers, tant leur travail est difficile. Cette proposition de loi vise précisément à alléger quelque peu ce travail.

On ne peut faire fi de certaines réalités : du fait de leur couleur de peau, certains de nos concitoyens sont contrôlés huit, dix, quinze fois plus que les autres. La France a d'ailleurs été condamnée à ce titre et montrée du doigt à plusieurs reprises. Elle a incontestablement en la matière des résultats peu glorieux. D'autres pays d'Europe contrôlent moins ou mieux.

J'entends les arguments contraires à cette proposition de loi, mais je n'entends guère parler de solution alternative à ce récépissé – qui n'est pas parfait et qui ne résoudra pas tous les problèmes de discrimination d'un coup de baguette magique, tant s'en faut, mais qui peut avoir ses vertus. C'est un outil parmi d'autres. Nous devons aussi réfléchir à des dispositifs complémentaires, et notamment à la formation des forces de l'ordre pour qui le contrôle d'identité est trop souvent le moyen unique et systématique d'entrer en contact avec les gens. Il conviendra aussi d'évaluer le dispositif des caméras mobiles instituées par l'article 211 de la loi relative à l'égalité et à la citoyenneté.

L'argument qu'on oppose le plus souvent à l'idée d'instaurer un récépissé est celui de la lourdeur administrative. Mais si l'on lit cette proposition de loi avec objectivité, on comprend qu'elle vise, non pas à alourdir la tâche de l'administration, mais au contraire à moins contrôler, et surtout à mieux contrôler. Si nous n'abandonnons pas les uns et les autres certaines postures, nous ne répondrons pas à la question essentielle de savoir comment revenir à un taux de contrôle qui soit le plus proche possible de celui constaté dans d'autres pays européens.

Reste à définir avec pertinence dans le code de procédure pénale ce qui peut motiver un contrôle d'identité. L'intuition ne me semble pas être un critère recevable en droit. Prévoir, comme dans la proposition de loi, que les raisons de procéder à un contrôle doivent être « objectives et individualisées » risque de susciter des débats fort compliqués et de ne pas faire consensus. Il est donc nécessaire de clarifier cette formulation.

Cela étant, le temps de l'expérimentation est venu pour trancher définitivement la question des contrôles discriminatoires et vérifier la pertinence du récépissé. Pour toutes ces raisons, et avec les réserves que j'ai pu exprimer, le groupe Nouvelle Gauche votera cette proposition de loi.

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