Intervention de Danièle Obono

Réunion du mercredi 24 janvier 2018 à 9h40
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDanièle Obono :

J'ai entendu beaucoup de nos collègues expliquer qu'il fallait être rationnel et dépassionné mais je n'entends guère de rationalité dans leurs arguments. Comme l'a très bien expliqué le rapporteur, toutes les études scientifiques prouvent qu'il y a discrimination dans le contrôle au faciès en France. (Exclamations dans les rangs du groupe LR.) Oui, chers collègues, le CNRS a produit de telles études : faut-il vous rappeler ce qu'est le CNRS ? Outre ces études, des procédures judiciaires ont été menées, parfois suivies de condamnations de la France à ce sujet. Les faits sont donc clairement établis.

Certains collègues objectent que ce récépissé alourdirait la charge de travail de la police. Nous n'avons pu auditionner qu'un seul syndicat policier, VIGI, qui est minoritaire, mais les associations mènent depuis des années un travail important et ont débattu avec des policiers de terrain. Le représentant du syndicat VIGI a notamment souligné la réalité de la politique du chiffre, les pressions exercées sur les policiers et le manque de formation de ces derniers. Tout cela contribue à ce qu'avouent les policiers – peut-être pas à leur hiérarchie ni à ce collègue qui a une longue expérience dans la gendarmerie : à savoir qu'ils sont amenés à cibler leurs contrôles au détriment de leur mission essentielle qui consiste à assurer non seulement la sécurité mais aussi la sûreté des personnes. La sûreté est un droit reconnu par la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, qui veut que la population ait le droit de vivre sans être inquiétée par le pouvoir arbitraire de l'État. C'est un droit tout aussi important que le droit à la sécurité. De leur propre aveu, les policiers de terrain sont confrontés à de graves tensions et subissent des injonctions – implicites ou explicites. J'invite nos collègues à prendre connaissance des rapports publiés sur le sujet et du travail mené par les associations qui expliquent le sens de ce récépissé.

Il ne s'agit pas d'opposer les citoyennes et les citoyens aux forces de police mais au contraire de les rapprocher. Toutes les expériences menées dans d'autres pays montrent que le récépissé permet d'apaiser les tensions et d'améliorer le travail de la police. Il s'agit aussi de réagir au sentiment qu'ont les gens de subir des discriminations raciales et d'être des citoyennes et des citoyens de seconde zone, ce qui contribue à leur désaffection vis-à-vis de la police et provoque parfois des drames. Notre collègue Jean-Louis Masson évoquait la situation des familles de policiers qui trouvent la mort dans l'exercice de leurs fonctions. Je pense, pour ma part, aux familles des victimes d'abus policiers. Quand les contrôles systématiques entraînent des violences, il faut aussi entendre la voix de ces familles. Pourquoi une majorité si friande du « en même temps » n'arrive-t-elle pas à concevoir rationnellement qu'on puisse à la fois offrir une meilleure formation à la police, renforcer son code de déontologie, recourir à titre expérimental à des caméras piétons et instaurer un récépissé de contrôle d'identité ? Il y a là une forme de conservatisme et d'aveuglement à l'égard de réalités graves qui remettent en cause la cohésion sociale. La discussion risque de tourner court, vu les amendements de suppression qui ont été déposés, mais j'espère qu'elle permettra de faire avancer la réflexion individuelle, à défaut d'entraîner l'adhésion collective.

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