Intervention de Régis Juanico

Séance en hémicycle du jeudi 1er février 2018 à 9h30
Reconnaissance comme maladies professionnelles des pathologies psychiques résultant de l'épuisement professionnel — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRégis Juanico :

L'Assemblée nationale, et en son sein la commission des affaires sociales, a toujours été à la pointe du combat en faveur d'une meilleure reconnaissance du burn-out. En 2011 avait été constituée, sous la présidence de Marisol Touraine, une mission d'information sur les risques psychosociaux au travail, dont Francis Vercamer et moi étions membres.

Puis, en 2014, trente députés signent l'appel des 10 000 avec des syndicalistes, un collectif de médecins du travail et des spécialistes des questions de santé de travail, comme Jean-Claude Delgènes, pour une meilleure reconnaissance du burn-out. En août 2015, une première étape législative est franchie avec l'adoption de la loi sur le dialogue social et l'emploi. Nous avons alors inscrit pour la première fois dans la loi que « [l]es pathologies psychiques peuvent être reconnues comme maladies d'origine professionnelle. » En février 2016, le groupe socialiste dépose une première proposition de loi, à l'initiative de Benoît Hamon, pour une meilleure reconnaissance du burn-out. Enfin, en février 2017, notre ancien collègue Gérard Sebaoun, au nom d'une mission parlementaire de la commission des affaires sociales présidée par Yves Censi sur le syndrome d'épuisement professionnel, présente les conclusions de son rapport, qui sont adoptées à l'unanimité.

Le groupe Nouvelle Gauche est favorable à toutes les initiatives parlementaires visant à faciliter la reconnaissance du syndrome d'épuisement professionnel comme maladie professionnelle.

Je remercie donc le groupe La France insoumise, et en particulier nos collègues François Ruffin et Adrien Quatennens, d'avoir inscrit à l'ordre du jour de nos débats cette proposition de loi, aux objectifs de laquelle nous souscrivons. Cependant, nous divergeons légèrement quant aux modalités à adopter pour parvenir à une meilleure reconnaissance du burn-out. La proposition de loi prévoit en effet l'inscription dans la loi d'un nouveau tableau de maladies professionnelles, qu'il semble très difficile de faire aboutir dans l'immédiat. De fait, à ce jour, seul le Danemark a inscrit, en 2005, l'état de stress post-traumatique dans son tableau de maladies professionnelles – je rappelle à cet égard à Mme Janvier que les militaires sont eux aussi des professionnels. Il faut souligner que, dans notre pays, d'autres pathologies multifactorielles ont déjà été intégrées, comme le cancer du poumon dû à l'exposition à l'amiante.

Outre que ces dispositions relèvent du pouvoir réglementaire, l'évolution des tableaux dépend d'une discussion entre l'administration et une commission spécialisée dans les pathologies professionnelles au sein du Conseil d'orientation des conditions de travail. Elle nécessite un accord entre partenaires sociaux. Or, nous savons que le patronat est farouchement hostile à la reconnaissance du burn-out.

Pour avancer concrètement et plus rapidement, nous proposons, pour notre part, de modifier la procédure de reconnaissance complémentaire, hors tableau. Cette procédure permet à des salariés de déposer des dossiers de reconnaissance devant les comités régionaux de reconnaissance des maladies professionnelles, mais nous considérons que ces derniers appliquent des critères trop restrictifs. La grande majorité des dossiers ne sont même pas examinés et sont écartés d'office. Les comités régionaux demandent en effet que le salarié présente un taux d'incapacité partielle permanente de 25 %, ce qui est considérable. Les maladies psychiques ne peuvent pas entrer dans ce cadre et les comités acceptent 600 dossiers par an, alors que 20 000 cas sont aujourd'hui diagnostiqués en Belgique.

Quelque 10 000 cas de burn-out sont ainsi reconnus, de façon détournée, comme accidents du travail, de telle sorte que le burn-out entraîne des arrêts maladie classiques, pris en charge financièrement par l'assurance maladie, laquelle est financée par tous, alors qu'ils devraient être indemnisés par la branche accidents du travail et maladies professionnelles, financée par les cotisations des employeurs, ce qui serait un moyen de responsabiliser ces derniers et de les inciter à une meilleure prévention.

Le traitement des dossiers et leurs conditions de recevabilité varient en fonction des territoires. Le comité régional d'Île-de-France indique ainsi qu'il rejette la moitié des dossiers de reconnaissance pour affection psychiatrique qui lui sont soumis, car le taux d'incapacité partielle permanente est inférieur au seuil réglementaire. Dans l'un de ses rapports, la commission évaluant le coût réel de la sous-déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles pour la branche maladie dresse le constat d'une forte disparité de traitement entre les caisses dans leurs pratiques de reconnaissance et de fixation de ce taux d'incapacité.

Nous proposons donc d'expérimenter l'abaissement de 25 % à 10 % du seuil d'incapacité permanente. En effet, la plupart des cas de dépression et d'épuisement professionnel se traduisant par des taux situés entre 12 % et 15 %, la majorité des dossiers de troubles psychiques pourraient être déclarés recevables et être examinés. Je précise qu'en Suède, ce seuil a été purement et simplement supprimé.

Ce matin, j'ai entendu les mots : « complexité », « interaction » et « multifactoriel ». M. Christophe Castaner a même évoqué les « contours mouvants » du syndrome d'épuisement professionnel, ce qui est signe d'une certaine frilosité, …

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