Intervention de Delphine Bagarry

Séance en hémicycle du jeudi 1er février 2018 à 9h30
Reconnaissance comme maladies professionnelles des pathologies psychiques résultant de l'épuisement professionnel — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDelphine Bagarry :

Nous devons nous interroger sur la façon dont nous devons lutter au mieux contre cet incendie du corps et de l'esprit.

La disposition proposée par notre collègue François Ruffin ne nous semble pas entièrement satisfaisante car elle ne répond pas efficacement à cet enjeu.

Toutefois, cette proposition de loi nous interroge sur ce drame social. Le nombre de personnes victimes de burn-out augmente et nous n'avons pas encore réussi à répondre collectivement à cette difficulté.

Lors de la législature précédente, le sujet est revenu à maintes reprises dans les débats et a même fait l'objet d'une mission d'information. Grande avancée : en 2015, le législateur avait inscrit dans le code de la Sécurité sociale la possibilité de reconnaître la pathologie psychique comme maladie professionnelle. Toutefois, l'inscription au tableau des maladies professionnelles n'a pu être effective faute de consensus, ni de la part de la communauté médicale ni de la part des partenaires sociaux, alors qu'il est nécessaire à une telle inscription.

Il faut encore mener un travail poussé de recherche et d'évaluation mais, en attendant, que pouvons-nous proposer ? Il est probable qu'un nombre plus important de victimes du burn-out pourrait prétendre à une reconnaissance de leur pathologie comme maladie professionnelle. À cette fin, certains collègues proposent que le taux d'incapacité permanente pour prétendre à cette reconnaissance soit abaissé de 25 % à 10 %. Ne faudrait-il pas plutôt revoir la grille d'évaluation d'incapacité pour qu'elle soit mieux adaptée à la pathologie psychique ?

Avant tout, il est de notre devoir de faire de la prévention. Il faut non seulement travailler sur l'amélioration du bien-être au travail mais, aussi, savoir repérer précocement les signes faisant craindre un passage au stade de la maladie. Cet objectif de prévention des risques psychosociaux est inscrit dans le troisième plan santé au travail 2016-2020. La Haute Autorité de santé a ainsi rendu un rapport au printemps 2017 visant à améliorer les connaissances du syndrome du burn-out et à élaborer des supports opérationnels ainsi que des recommandations de bonnes pratiques à destination des médecins du travail, des médecins généralistes et des autres professionnels de santé.

Ce travail doit se poursuivre avec les partenaires sociaux pour trouver des solutions raisonnables et adaptées. Il doit se faire avec un engagement fort des entreprises en matière de responsabilité sociale, sociétale et environnementale.

Enfin, mes chers collègues, comme je le disais en introduction, cette proposition soulève des enjeux très larges que nous devons regarder avec lucidité. On ne peut considérer cet « incendie » en soi comme un problème individuel. Ne pas regarder au-delà reviendrait à se priver d'une question que nous devons nous poser sur notre comportement collectif.

Le burn-out est une maladie des sociétés postmodernes qui soulève la question de notre relation avec le travail, de la définition de la réussite, de l'épanouissement personnel et du bonheur. Nous subissons tous une accélération du temps et des cadences et, surtout, l'extension du stress dans tous les domaines de la vie.

Le politologue Zaki Laïdi nous apprend que cette contraction du temps a créé un homme-présent, sans point de vue. Qu'est-ce qu'un homme sans point de vue ? Un être privé de distance symbolique entre son être et le monde et dont la condition d'être est rattachée à sa singularité individuelle. Cet homme-présent vit dans une exigence d'excellence qui le pousse au surinvestissement sur tous les plans de son existence : les cadences infernales ne concernent pas seulement le travail mais aussi les loisirs, qu'il faut multiplier, et les emplois du temps de vacances, qu'il faut optimiser.

L'environnement social dans un monde de stress et de surinvestissement doit nous interroger. Nous sommes parfois loin de l'émancipation et de la liberté que nous pensons avoir acquises grâce aux avancées technologiques. Nous devons bien entendu travailler de concert sur la question du burn-out mais nous ne pouvons pas faire l'économie d'une réflexion plus large sur les exigences individuelles posées par notre civilisation.

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