Intervention de Christophe Naegelen

Séance en hémicycle du jeudi 1er février 2018 à 9h30
Utilisation de la voie référendaire pour la ratification du traité de libre-échange entre l'union européenne et le canada — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristophe Naegelen :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, sur le CETA, presque tout a déjà été dit. L'accord économique et commercial global entre le Canada et l'Union Européenne a suscité tant la crainte que l'engouement de la part de nos concitoyens, de nos entreprises et de nos agriculteurs. Si l'Europe se doit de protéger ses habitants, elle ne peut pas se permettre de vivre refermée sur elle-même.

Rappelons d'abord que l'accord est déjà validé pour 90 % de ces articles ! Avant même qu'il ne soit ratifié par les trente-huit parlements régionaux et nationaux de l'Union européenne, 90 % des 2 344 pages du CETA, signé en octobre 2016 par le Premier ministre canadien Justin Trudeau et le président du Conseil européen Donald Tusk, est entré en vigueur le 21 septembre dernier, à titre provisoire. Toutes les dispositions relevant de la compétence exclusive de l'Union européenne sont désormais effectives.

C'est donc l'essentiel des droits de douane sur les exportations européennes et canadiennes qui ont disparu. Concrètement, depuis septembre 2017, le CETA a supprimé les droits de douane sur 98 % des produits échangés entre les deux zones et élargi certains services, comme les transports et les télécoms, à la concurrence. Il a permis aussi la reconnaissance de 143 produits d'origine géographique protégée au Canada, dont l'agriculture gagne à l'inverse un accès accru au marché européen.

On nous demandera donc demain de ratifier un accord déjà validé en grande partie, ce qui relève d'une certaine hypocrisie. Cette procédure de ratification s'annonce longue car, en raison de la mixité de l'accord, il revient aux États membres de l'Union européenne de le ratifier selon leurs propres procédures constitutionnelles. Cette étape de ratification a déjà débuté et, en l'état, sept pays ont déjà donné leur approbation. S'il n'existe pas de délai particulier pour cette ratification, il faut savoir qu'en son absence les dispositions qui relèvent de la compétence partagée entre États membres et Commission ne peuvent entrer en vigueur.

On peut clairement regretter la faible prise en considération par l'Europe de la souveraineté de ses États membres, un phénomène vérifié dès le début du processus de négociation, puisque, là où le Canada était à lui seul représenté par trois négociateurs, l'Union européenne, composée de vingt-huit pays, ne disposait, elle aussi, que de trois négociateurs ! Ce qui prouve une fois de plus que l'Europe, dans sa globalité, a besoin de se remettre en cause intrinsèquement pour mieux pouvoir communiquer avec l'extérieur.

Au plan économique, et de manière générale, cet accord est un atout, tout d'abord parce que le marché canadien est énorme. Le Canada est un des États les plus riches du monde : avec plus de 30 millions de consommateurs à haut niveau de vie et un PIB de 1 887 milliards de dollars en 2014, il est la dixième puissance économique mondiale. Les sommes en jeu sont importantes puisque l'accord se traduira par 60 milliards d'euros d'échanges par an, une somme extrêmement importante dans la conjoncture économique que nous traversons. C'est donc toute l'industrie européenne et française qui a bénéficié d'une ouverture du marché canadien, y compris de l'ouverture des marchés publics.

Le monde agricole n'est pas en reste, puisque l'accord permettra d'accroître l'exportation de nos pépites régionales et de notre savoir-faire. Le CETA ouvre également un large marché aux producteurs de lait européens, et donc français. Il en va de même pour les vins et spiritueux, ce qui est bon pour la filière viticole française.

Par ailleurs, ceux qui s'inquiétaient de la procédure d'arbitrage ou de la question des OGM ont été rassurés. Lors d'un rendez-vous, Pierre Marc Johnson, négociateur en chef du CETA pour le Québec, nous a certifié que les produits OGM interdits en Europe ne seraient pas exportés du Canada vers les pays de l'Union européenne.

Il faut toutefois savoir raison garder : nous devons mesurer l'importance de cet accord entre le Canada et l'Union européenne à l'aune, à la fois, du gain commercial qu'il autorise et du risque qu'il fait peser sur nos emplois et sur le respect de nos normes environnementales. Toutes les inquiétudes, en effet, n'ont pas disparu.

C'est ainsi que nos éleveurs, notamment ceux de la filière bovine, se verront concurrencer par les éleveurs canadiens : il conviendra d'évaluer leur légère perte de parts de marché en Europe, puisque l'élevage souffrira de la concurrence canadienne, qui dispose d'un quota d'importation dans l'Union européenne de 67 500 tonnes. Je tiens donc à insister sur la nécessité, pour la filière viande, bovine en particulier, d'avoir des vraies garanties. Le CETA, qui préfigure à bien des égards la future politique commerciale européenne, ne doit pas contribuer à la fragilisation de nos filières d'élevage, surtout si l'accord est amené à servir d'exemple pour les futurs autres accords, notamment avec les pays du MERCOSUR.

Une autre source d'inquiétude est le peu de place laissé dans cet accord à l'État souverain, qui s'était déjà vérifié dans la composition de la délégation européenne dans le processus de négociation. L'exemple le plus marquant est celui de la procédure d'arbitrage, laquelle a suscité une véritable levée de bouclier. La réforme de la cour d'arbitrage finalement retenue est un peu plus satisfaisante sans nous rassurer entièrement. L'instrument choisi pour traiter des désaccords entre investisseurs et États membres est le système de Cour des investissements. Cette cour sera composée de quinze juges permanents, issus à parts égales du Canada, de l'Union européenne et de pays tiers et dont la nomination sera du ressort des États parties. Cette cour sera soumise à un tribunal d'appel, qui sera susceptible de former des jurisprudences contraignantes s'imposant aux juges et aux États parties.

Même si des points ne sont pas satisfaisants, cet accord ouvre de vraies possibilités à de nombreuses entreprises françaises et européennes, que ce soit dans le domaine de l'industrie ou dans celui de l'agriculture, puisque, depuis cet accord, on constate une croissance des exportations de la filière laitière et de la filière viticole.

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