Intervention de Jean-Hugues Ratenon

Séance en hémicycle du jeudi 1er février 2018 à 15h00
Accès à l'eau — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Hugues Ratenon :

Au-delà des enjeux juridiques, l'essentiel est bien de s'attaquer aux vrais problèmes posés par l'accès universel à l'eau et d'apporter des réponses concrètes à ceux qui n'ont pas d'accès direct à cette ressource ou vivent dans des habitats précaires. Aujourd'hui, ce sont plus de 100 000 personnes en France qui n'ont aucun accès à l'eau potable, et plus d'un million de foyers consacrent plus de 3 % de leur budget au paiement des factures d'eau. Faut-il aussi rappeler l'inégalité de l'accès à l'eau, notamment dans les outre-mer ? Je citerai un chiffre : aux Antilles, le prix moyen au mètre cube est supérieur de 2 euros à celui de l'hexagone. Par ailleurs, en outre-mer, l'eau est en moyenne de moins bonne qualité.

Concrètement, que proposons-nous ? La gratuité des premiers mètres cubes d'eau nécessaires à la vie, ainsi que la gratuité de l'installation des compteurs d'eau et la suppression des abonnements. Cette gratuité devra être déclinée dans une loi simple, élaborée avec les gestionnaires, les associations citoyennes, les usagers et les syndicats, en y associant les agences de l'eau. Par ailleurs, une tarification progressive et différenciée devrait être mise en place pour pénaliser les abus. En effet, à La France insoumise, nous pensons qu'on ne peut pas offrir un accès identique à l'eau selon qu'il servira à répondre aux besoins vitaux ou à alimenter les bénéfices des multinationales. Par ailleurs, l'ouverture ou la création de points publics d'eau potable, d'installations sanitaires et de bains douches publics devrait devenir obligatoire dans les communes.

Le fond de cette proposition ayant été présenté, je vais prendre un peu d'avance en répondant aux objections que certains orateurs ne manqueront pas de soulever.

Premièrement, on nous dira que « ce n'est pas le bon véhicule », que le droit à l'eau ne doit pas être inscrit dans la Constitution, parce que cette dernière ne servirait qu'à définir les rapports entre les différents pouvoirs de la République. Si vous le pensez réellement, vous devriez aussi demander qu'on efface la devise « Liberté, égalité, fraternité », qui proclame des principes plutôt qu'elle ne définit des rapports entre les pouvoirs. Vous voyez le ridicule de l'argument ! La Constitution sert aussi à affirmer les grands principes de la République, et pas seulement à veiller à l'équilibre des pouvoirs. Elle permet de garantir ce que le peuple français considère comme étant le plus important. Or, à l'heure de l'urgence écologique, l'eau est une priorité pour le peuple. Et je veux l'affirmer ici, dans cet hémicycle.

Deuxièmement, on nous dira que cette proposition de loi ne garantit pas de droit concret puisqu'elle ne consacre qu'un principe général. Nous l'assumons, puisque nous indiquons dans l'exposé des motifs que l'adoption de cette proposition de loi supposera ensuite l'adoption d'une loi ordinaire pour sa mise en application concrète.

Troisièmement, on nous dira que l'article L. 210-1 du code de l'environnement et la loi Brottes consacrent le droit d'accès à l'eau potable et interdit les coupures. Certes, mais ces principes sont tellement généraux qu'ils n'ouvrent pas de droits effectifs. Je le rappelle : plus de 100 000 personnes, en France, n'ont pas accès à l'eau. Si ces dispositions étaient effectives, nous ne serions pas face à une telle situation. J'y reviens : sans revenu ni logement, à l'heure actuelle, le droit à l'eau n'est pas assuré puisque l'eau est payante. Je le répète encore une fois : seule la gratuité permet réellement un accès à l'eau pour tous. Sans cette gratuité, tous ces textes se réduisent à des déclarations d'intention.

Quatrièmement, on nous opposera l'idée selon quoi nous voudrions que toute l'eau soit gratuite, ce qui entraînerait un coût important pour l'État. C'est faux, je l'ai déjà dit ! Nous proposons une tarification différenciée selon les usages : les premiers mètres cubes gratuits, le reste payant. Par ailleurs, il ne s'agit pas d'imposer un monopole d'État mais d'exclure une gestion privée.

Mesdames, messieurs, mes chers collègues, pour conclure, permettez-moi de dire qu'il ne faut pas avoir peur d'avoir du coeur et que la motion de rejet proposée par certain est un acte cynique, égoïste et antisocial

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