Intervention de Catherine Kamowski

Séance en hémicycle du jeudi 1er février 2018 à 15h00
Accès à l'eau — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCatherine Kamowski :

On voit bien les ravages qu'ont fait et font malheureusement encore la sécheresse ou l'eau impropre à la consommation dans les pays en voie de développement, ainsi que la détresse de nos concitoyens lorsqu'un accident ou un événement inopiné les prive momentanément de l'accès à l'eau potable. Comme un clin d'oeil à un autre débat tenu voici quelques jours, cela nous prouve peut-être, s'il en était besoin, le caractère nécessaire, sinon vital, de la solidarité incarnée par les établissements publics de coopération intercommunale – EPCI.

Le droit à l'eau pure est un droit fondamental reconnu par des normes et traités internationaux depuis une vingtaine d'années. Je rappellerai quelques dates, que vous avez tous en tête : en 2000, l'assemblée générale des Nations unies a défini le droit à l'eau pure comme un droit humain fondamental. Deux ans plus tard, ce droit a été inscrit dans le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Il en va de même, depuis 2010, pour l'assainissement, une autre résolution des Nations unies faisant du droit à une eau potable salubre et propre un « droit fondamental, essentiel au plein exercice du droit à la vie et de tous les droits de l'homme. »

Notre droit à l'eau est donc déjà inscrit dans ces textes internationaux, qui nous garantissent l'accès à l'eau potable du fait de leur supériorité dans la hiérarchie des normes. L'exposé des motifs de votre proposition de loi, monsieur Lachaud, le présente d'ailleurs fort bien et je salue encore ici, comme j'ai déjà eu l'occasion de le faire lors de nos travaux en commission des lois, votre travail très clair et très didactique.

En droit interne aussi, nous sommes bien pourvus par le bloc de constitutionnalité, où figure le droit à un logement décent, qui comprend l'accès à l'eau et à l'énergie. D'une part, on trouve dans le Préambule de la Constitution de 1946 le droit pour l'individu et sa famille de bénéficier des conditions nécessaires à leur développement et le droit à la sécurité matérielle. D'autre part, la Charte de l'environnement de 2005 proclame le droit à vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé.

Les lois concernant l'eau tirent donc déjà leur autorité des principes du bloc de constitutionnalité. Vouloir leur donner une assise juridique supérieure et les ancrer explicitement au plus haut niveau de la hiérarchie des normes serait redondant et ne renforcerait pas leur efficacité.

Je ne peux donc que vous répéter la position que nous avons prise la semaine dernière : tous les dispositifs qui existent doivent être appliqués dans leur lettre comme dans leur esprit. Nul besoin d'en rajouter. La mauvaise volonté, réelle ou supposée, de certains opérateurs n'y changera rien.

Vous avez toutefois parfaitement raison de souligner qu'il faut absolument renforcer l'application de ces lois. Ainsi, la loi du 15 avril 2013, dite loi Brottes, qui interdit notamment les coupures d'eau dans les résidences principales en cas d'impayés, reste la loi de la République et doit être appliquée dans toute son autorité. Cette même loi prévoit du reste aussi la possibilité pour les services publics locaux de mener des expérimentations en matière de tarification sociale de l'eau. Certaines communes et collectivités ne s'en privent d'ailleurs pas et l'on ne peut que les y encourager.

Le texte proposé aujourd'hui ne changera rien de tout cela : c'est donc un véhicule législatif inadéquat. Les textes internationaux, la loi de notre pays et nos règlements sont opérants dans leurs domaines respectifs et ont trouvé des déclinaisons dans les normes de niveau inférieur qui convenaient. Il n'y a pas lieu, selon nous, d'être plus disert.

Ce véhicule législatif est encore moins approprié lorsqu'il s'agit d'imposer aux collectivités territoriales ou à l'État d'exercer en régie directe la compétence en matière d'eau et d'assainissement. S'il est vrai que le droit à l'eau ne saurait faire débat entre nous ou dans la population – la question de son niveau d'inscription dans la hiérarchie des normes mise à part – il est tout aussi vrai que l'obligation d'une régie directe nous emmène vers une autre forme de société. Il n'est pas acceptable de mélanger les choses et d'entretenir la confusion entre le principe d'un droit inaliénable à l'eau et celui d'une société étatisée, voire autoritariste.

Au final, si l'on considère cette proposition de loi constitutionnelle comme un tout, comme un ensemble cohérent – elle est présentée comme telle, et elle l'est – on ne peut que la refuser en bloc.

Sous des aspects généreux que nul ne pourrait contester, ce texte, avec son caractère constitutionnel, prévoit en fait d'attenter gravement aux droits des collectivités territoriales, protégées par l'article 72 de la Constitution. Si nous vous suivions, nous foulerions aux pieds la libre administration des collectivités ou obligerions l'État à financer cette nouvelle contrainte, quitte à organiser une régie nationale des eaux. Dès lors, ce n'est plus l'eau qui paierait l'eau, mais l'impôt. Ce n'est pas notre projet. Pour nous en effet, la liberté est la capacité donnée à chacun d'exercer son libre arbitre, et donc son libre choix.

Le débat sur cette proposition de loi constitutionnelle, visant uniquement à introduire un principe déjà largement posé et défendu, a eu lieu d'abord en commission des lois, puis dans cet hémicycle. L'eau pose effectivement des questions vitales, et nous les réglerions sérieusement en deux discussions, par un article de six lignes ?

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