Intervention de Sabine Rubin

Séance en hémicycle du jeudi 1er février 2018 à 15h00
Récépissé de contrôle d'identité — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSabine Rubin :

Il est également facile d'imaginer l'humiliation subie, une humiliation non pas d'un jour mais quotidienne, qui met en cause l'identité même de ceux qui en sont victimes ! On passe ainsi du contrôle d'identité à une identité contrôlée.

Un récit entendu lors de nos auditions m'a particulièrement marquée : celui de ces enfants d'à peine douze ans qui, à force d'être contrôlés, presque par instinct, se placent face au mur, jambes écartées, à la vue d'un agent de police se dirigeant vers eux.

Il est facile de comprendre la légitime colère de ceux qui subissent ces contrôles à répétition. Certains en conçoivent un ressentiment qui alimente la spirale de la violence. D'ailleurs, parmi les 4 % de contrôles d'identité donnant lieu à poursuite, une bonne partie des procédures résultent du chef d'outrage à agent. Elles sont donc le fruit du contrôle lui-même : c'est un comble !

En plus d'être injustes, ces contrôles sont inefficaces. Mais ce qui m'étonne le plus, c'est, plutôt que la colère, le calme dont font preuve tant de personnes qui subissent cette violence institutionnelle et qui se contentent d'en appeler au droit, à la justice et à la dignité due à chaque citoyen.

Au demeurant, entre la colère et le sang-froid, l'attitude la plus courante est d'abord la résignation. Nombreux sont ceux qui intériorisent le fait d'être des citoyens de seconde zone.

Comprendre le problème dans toutes ses dimensions suppose de le prendre par les deux bouts. Venons-en donc aux forces de police. Maints reportages se font l'écho de leurs conditions de travail difficiles ; le chiffre terrible de cinquante et un suicides de policiers en 2017 en témoigne également. À cela il faut ajouter les faits de violence à leur encontre. Il est inadmissible que ceux qui sont censés protéger les citoyens soient devenus la cible de quelques délinquants.

Bien sûr, vous arguerez d'un contexte de lutte contre les actes terroristes ; vous nous direz que la délinquance augmente. Mais ces quinze dernières années, les effectifs de la police ont diminué, et les efforts fournis par les services depuis peu ne comblent pas le terrible manque de moyens humains. À l'inexpérience des jeunes recrues s'ajoute un manque de formation chronique. Et ce qui empoisonne d'abord le travail des policiers, c'est avant tout la politique du chiffre.

La surcharge de travail et de stress est incompatible avec l'activité des policiers, qui nécessite précisément une très grande maîtrise de soi. On voit donc comment policiers comme citoyens pâtissent de ce climat de tension.

Mais il ne s'agit pas ici de dresser un tableau apocalyptique des relations entre la police et les citoyens. Il nous a été rappelé que 80 % des Français faisaient confiance à la police. Nous en sommes bien conscients, et dans un souci d'objectivité, alors qu'on nous accuse sans cesse de parti pris idéologique, nous tenons compte de l'ensemble des chiffres à notre disposition.

Je voudrais revenir maintenant sur les arguments qui nous ont été opposés en commission.

À droite, on nous dit que le récépissé discrédite le travail des forces de police, qu'il les stigmatise. Mais ce n'est pas le récépissé qui stigmatise, ce sont les faits, les chiffres – ceux du CNRS, de l'Open Society Justice Initiative, du Défenseur des droits et même de l'ONU, qui ne sont pas que je sache des gauchistes anti-flics !

D'ailleurs, s'il existe un code de déontologie, et s'il a été récemment modifié, c'est bien pour répondre à des dysfonctionnements !

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