Intervention de Philippe Chalumeau

Séance en hémicycle du jeudi 1er février 2018 à 21h30
Euthanasie et suicide assisté pour une fin de vie digne — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Chalumeau :

Monsieur le président, madame la ministre, madame la rapporteure, chers collègues, la prise en charge de la fin de vie a beaucoup évolué ces dernières années dans notre pays, et c'est heureux. C'est un sujet qui concerne notre société tout entière, qui est lié à notre histoire, à notre culture philosophique commune de la mort et à la représentation que l'on en a. En même temps, c'est un sujet très intime, car il touche au plus profond de notre être, à la souffrance tant physique que psychologique et à l'essence même de notre existence.

Sur le plan technique, il convient de rappeler le développement des structures d'hospitalisation à domicile, des équipes mobiles de soins palliatifs, de la banalisation de l'usage des morphiniques à l'hôpital comme à domicile ou dans les EHPAD, grâce à plusieurs plans de lutte contre la douleur, sans nier pour autant les difficultés réelles qui persistent, en raison notamment du manque criant de personnels. Évoquons également la banalisation de l'usage du midazolam, des pompes à débit continu et des échelles de la douleur ainsi que la prévention des escarres et l'amélioration de la formation des praticiens, toujours plus exigeante, dans le cadre d'une filière gériatrique désormais bien structurée délivrant des diplômes universitaires de soins palliatifs.

Sur le plan juridique, la loi Leonetti, adoptée en 2005, a introduit un encadrement de la fin de vie grâce aux directives anticipées et permis la reconnaissance du concept d'« obstination déraisonnable », plus fin et plus précis que celui d'acharnement thérapeutique. Inspiré de l'evidence based medicine, le concept se fonde sur le point de vue du malade et prend en compte le patient, les données de la science et le contexte. L'adoption de la proposition de loi d'Alain Claeys et Jean Leonetti le 27 janvier 2016, à l'issue d'une commission mixte paritaire conclusive – je tiens à le souligner – , a permis de franchir une nouvelle étape en rendant désormais possible la sédation profonde et continue.

Sur le plan sociétal, l'approche philosophique, morale ou culturelle du sujet dont font preuve nos concitoyens a beaucoup évolué. Comme le démontrent toutes les enquêtes d'opinion, près de neuf Français sur dix sont favorables à l'euthanasie. Toutefois, le caractère générique du terme recouvre la réalité de chaque situation, qui est infiniment plus complexe. Il soulève de nombreuses autres questions : pour qui – est-ce pour soi ou pour ses proches – et de quelle façon ? Toutes ces questions doivent être débattues si nous voulons parvenir à un texte apaisé et consensuel. S'il est un sujet présentant une dimension profondément humaniste susceptible de faire consensus dans notre République, c'est bien celui-là.

Une société éclairée peut-elle accepter de prendre le risque d'une forme de marchandisation du suicide ? La sédation profonde et continue est-elle une réponse satisfaisante à toutes les situations de grande souffrance ? La loi qui l'autorise, finalement très récente, est-elle suffisamment connue ? A-t-elle fait l'objet d'une évaluation sérieuse ? N'ignorons pas non plus les malades souffrant d'une maladie incurable à un stade avancé, bloqués dans une sorte d'impasse thérapeutique et parfois contraints de chercher des solutions dans d'autres pays à la législation plus permissive en la matière.

Le sujet qu'aborde la proposition de loi que nous examinons ce soir mérite infiniment mieux qu'un exposé des motifs lapidaire ou qu'un vote à la sauvette.

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