Intervention de Sébastien Chenu

Séance en hémicycle du jeudi 1er février 2018 à 21h30
Euthanasie et suicide assisté pour une fin de vie digne — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSébastien Chenu :

Je respecte les avis de tous. Respectez le mien, car je le crois respectable. Je représente une partie des Français.

Nous devons chercher des alternatives, sans doute plus compliquées à mettre en oeuvre, sans doute plus coûteuses aussi, mais surtout plus humaines. En tant que parlementaires, nous nous devons d'être ambitieux.

Il aurait fallu proposer une augmentation des crédits alloués aux soins palliatifs, c'est-à-dire à ces soins qui ont pour objet de soulager la douleur et les souffrances des personnes malades ou en fin de vie. Les médecins sont insuffisamment formés à ces soins ; les moyens sont réduits et l'accès aux unités de soins palliatifs, les USP, est très difficile.

Selon un rapport publié par le Comité consultatif national d'éthique en 2014, il existe même en France un « non-respect du droit d'accéder à des soins palliatifs pour l'immense majorité des personnes en fin de vie ». En effet, près de 80 % des personnes qui souhaiteraient en bénéficier n'auraient pas de place en USP. Non seulement les structures sont insuffisantes, mais elles sont aussi inégalement réparties sur le territoire, puisque 70 % des lits sont concentrées dans cinq régions. En matière de santé, la fracture territoriale est terrible.

Il faut aussi entendre certains spécialistes expliquer que, si l'on s'occupe correctement d'une personne en fin de vie, elle ne demande plus automatiquement l'euthanasie. Souvenons-nous d'Andromaque et de son « rire en pleurs » : la force de vie est souvent si forte.

Quant aux sondages que vous évoquez, je ne les considère pas comme sincères, puisque l'alternative qu'ils proposent est le choix entre d'atroces souffrances et l'euthanasie. Or d'autres solutions existent, même si, il est vrai, elles coûtent plus cher.

Au-delà, nous devons mieux reconnaître la détresse de toutes les personnes souffrant de troubles psychiques ou psychologiques. Nous devons surtout être capables de former plus de psychiatres – nous faisons face aujourd'hui à une pénurie. Or les médecins généralistes sont de bonne volonté, mais ils ne sont pas formés à prendre en charge ces souffrances-là.

Il nous faut encore augmenter les moyens des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes, qui sont tout à fait insuffisants. Je vous le dis franchement : deux jours après la grève des personnels des EHPAD dénonçant un manque de moyens, proposer un tel texte me semble d'un parfait mauvais goût. Même le député plus libéral de la droite de cet hémicycle n'aurait osé !

Il existe aujourd'hui des solutions pour accompagner vers la mort les personnes en fin de vie. On sait aujourd'hui soulager techniquement la douleur, mais il est surtout primordial de changer les mentalités, de changer les regards sur nos aînés ou nos malades. Non seulement la vie est dure, mais de surcroît elle est courte.

Il est urgent – et, pour en revenir à mes propos du début, je m'étonne que ce soient nos collègues de La France insoumise qui proposent ce texte – d'abandonner cette vision utilitariste de l'homme.

Mes chers collègues, je vous propose de voter cette motion de rejet préalable car ce texte est non seulement inopportun mais probablement dangereux pour notre société, pour la vision de l'homme qu'il défend.

Nous ne devons pas faire l'économie de toutes les solutions d'accompagnement que j'ai évoquées. Oui, il y a des choses à faire pour aider les plus fragiles d'entre nous à franchir le plus paisiblement possible l'étape de la mort. L'euthanasie et le suicide assisté ne sont pas des solutions, sauf si votre vision de la société se résume à des contingences économiques.

« Chaque génération, sans doute, se croit vouée à refaire le monde. La mienne sait pourtant qu'elle ne le refera pas. Mais sa tâche est peut-être plus grande. Elle consiste à empêcher que le monde se défasse », disait Albert Camus. Pour que le monde des hommes ne se défasse pas au profit du monde du fric, je vous propose de voter cette motion de rejet préalable.

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