Intervention de Ugo Bernalicis

Séance en hémicycle du mercredi 7 février 2018 à 21h30
Protection des données personnelles — Article 14

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaUgo Bernalicis :

Par cet article, le Gouvernement souhaite autoriser la définition du profil d'une personne comme aide à la prise de décision administrative. Rappelons qu'auparavant, définir un profil était interdit. Aux termes de ce projet de loi, c'est seulement « prévoir » un profil qui sera interdit. Mais vous conviendrez que la frontière juridique entre « définir » et « prévoir » est assez mince !

Il faut se méfier de cette possibilité, dont les conséquences sur notre société risquent d'être sans précédent. Souhaitez-vous réellement instaurer, par exemple, le recours à la justice prédictive, méthode très décriée – j'en veux pour preuve le logiciel américain Compas, logiciel commercial largement utilisé pour prédire la récidive dans certains États. Or ses prédictions ne sont ni plus pertinentes ni plus justes que celles de personnes n'ayant aucune expertise judiciaire, ou très peu.

Le profilage est-il envisagé pour la délivrance des titres de séjour aux étrangers ? Pour les demandes d'emploi formulées par des chômeurs ? Pour une demande de permis de construire déposée par un riverain de l'océan ? Les demandeurs seront-ils classés selon leur pays d'origine, leur âge, leur adresse, leur cursus scolaire ? Les algorithmes autorisés par cet article ne permettront-ils de présélectionner – c'est-à-dire de discriminer, ou de renforcer des discriminations ?

Attention à ne pas ouvrir la boîte de Pandore : les dossiers doivent être analysés de façon individuelle par des êtres humains. Rappelons qu'à l'heure actuelle, le défaut d'examen individuel et personnalisé est considéré par les juges comme une erreur de droit. Le groupe La France insoumise refuse donc les conséquences directes de cet article. Pour nous, il conduit à une quasi-automatisation, et donc à une déshumanisation, du fonctionnement de l'administration de l'État et des collectivités territoriales. Ce n'est pas acceptable.

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