Intervention de Véronique Louwagie

Séance en hémicycle du jeudi 8 février 2018 à 9h30
Ratification de l'ordonnance relative aux services de paiement dans le marché intérieur — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaVéronique Louwagie :

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, monsieur le président de la commission, madame la rapporteure, mes chers collègues, « l'homme et sa sécurité doivent constituer la première préoccupation de toute aventure technologique » : gardons à l'esprit cette mise en garde d'Albert Einstein, qui doit éclairer constamment le législateur que nous sommes. Dans les activités de services de paiement, plus encore que dans de nombreux autres secteurs, les innovations technologiques ont fleuri, et nous ne pouvons d'ailleurs que nous en réjouir tant elles ont pu faciliter la vie des consommateurs que nous sommes.

Néanmoins, de tels bouleversements ne sont pas sans incidences, et nous devons aussi adapter notre législation et l'harmoniser au niveau européen pour servir les intérêts des usagers que nous sommes. En effet, que ce soit dans le cadre des missions des autorités publiques ou des travaux d'harmonisation des standards techniques, l'échelon européen joue un rôle croissant dans la définition de règles de sécurité pour les moyens de paiement.

C'est dans cette optique que le droit européen s'est attaché à proposer les conditions d'un marché intérieur dans le domaine des services de paiement, domaine sensible par essence puisqu'il touche directement au porte-monnaie de nos compatriotes, à notre porte-monnaie. En 2007, la DSP 1 a donc mis fin au monopole bancaire dans les services de paiement ; la DSP 2 de novembre 2015, elle, actualise les normes en vigueur et renouvelle le cadre juridique applicable à ces services.

Cette directive confère notamment un statut juridique à deux acteurs émergents : les prestataires de services d'initiation de paiement et les prestataires de services d'information sur les comptes. Nous sommes donc invités, ce matin, à ratifier une ordonnance qui transpose cette directive dans notre droit. Ce texte, on l'a dit, est indéniablement technique et opaque, aussi je veux féliciter notre rapporteure et ses administrateurs pour leur travail. Mais il aura surtout des répercussions très concrètes pour nos concitoyens.

Les députés Les Républicains le voteront donc, car il contient des avancées indéniables pour protéger les utilisateurs des services de paiement et ne soulève par ailleurs aucun risque majeur. La directive visée prend la mesure des nouveaux problèmes soulignés par les différents acteurs du secteur, en particulier ceux du web scraping. Elle est d'ailleurs saluée par le monde de la fintech, qui reconnaît la qualité du travail fourni.

L'utilisateur doit pouvoir bénéficier de plus de choix, d'une meilleure transparence en matière d'information et d'une sécurité supplémentaire, voire d'une protection renforcée de ses données, thème important s'il en est et dont nous étions d'ailleurs saisis, jusqu'à hier, à travers un projet de loi débattu dans notre hémicycle. La nouvelle réglementation doit enfin permettre d'abaisser substantiellement le niveau du montant que les prestataires de services de paiement peuvent imposer à leurs clients en cas d'utilisation frauduleuse de leurs instruments de paiement.

Vous nous avez indiqué, madame la secrétaire d'État, que la directive est très attendue, en particulier dans les territoires les plus isolés, où les moyens de paiement dématérialisés sont indispensables.

Il n'en demeure pas moins que le déploiement des infrastructures haut débit doit être assuré sur l'ensemble du territoire, pour que l'ensemble de nos concitoyens bénéficient de ces nouvelles technologies.

Néanmoins, la directive de 2015, déjà datée, n'aura que trop peu d'effet. En effet, le temps long de la législation est déconnecté du temps court de l'innovation technologique. L'innovation, parce qu'elle vise à offrir un avantage comparatif majeur sur la concurrence, est éphémère, voire très vite dépassée, engloutie par le rythme effréné de la recherche, qui suscite de nouvelles découvertes, de nouvelles innovations. La technologie comme les nouveaux usages seront donc toujours en avance sur le législateur que nous sommes.

À cet égard, nous demander de transposer, même avec empressement, une directive vieille de plus de deux ans, est quelque peu dérisoire. Deux ans, c'est une éternité en matière d'innovation et de technologie !

Madame la rapporteure, lorsque, comme certains de mes collègues, je vous ai fait remarquer en commission que le délai prévu par la directive était déjà dépassé, vous nous avez indiqué que le Gouvernement déposerait en séance un amendement pour réduire le délai transitoire et accélérer la transposition, et Mme la secrétaire d'État vient de le confirmer.

Si, en l'état actuel de la rédaction, les mesures doivent entrer en application en août 2019, cet amendement permettrait de réduire le délai transitoire de huit mois, ce qui porterait l'entrée en vigueur du texte à janvier ou février 2019. Mais même avec ces huit mois en moins, plus de trois ans se seront écoulés entre la date de la directive du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2015 et sa transposition dans le droit français.

Notre collègue Charles de Courson a fait remarquer en commission que le bitcoin n'entre pas dans le champ de la directive, alors que les monnaies virtuelles et l'engouement, en partie irrationnel, qu'elles suscitent génèrent des risques indéniables, que nous ne pouvons pas occulter.

La commission des finances a lancé une mission d'information sur le sujet – c'est évidemment une excellente initiative de son président. Il est toutefois à craindre que les monnaies virtuelles n'aient disparu ou aient été remplacées par un autre ovni crypto-technologique quand celle-ci rendra ses conclusions.

Des progrès semblent également s'imposer pour renforcer l'authentification des utilisateurs lors des paiements électroniques, ce qui est une très bonne chose.

À ce titre, en novembre 2017, à la suite d'échanges entre la Commission européenne et l'Autorité bancaire européenne, il semble qu'un règlement délégué soit envisagé par la Commission sans que celui-ci n'ait été pour l'heure publié. Ce texte pourrait conférer force obligatoire aux normes techniques proposées par l'Autorité bancaire européenne en matière d'authentification renforcée.

Madame la rapporteure, vous nous avez indiqué en commission, que vous nous apporteriez en séance des précisions sur ce règlement délégué et son impact sur le sujet qui nous intéresse aujourd'hui. Vous l'avez fait aujourd'hui, ce dont je vous remercie.

Évidemment, comme l'a rappelé le président de la commission des finances, nous devons nous garder de toute surtransposition des directives. Il nous faut rester vigilants dans ce domaine car si surtransposer une directive est parfois tentant, nous le regrettons souvent par la suite. Il n'en est heureusement pas question dans le cas présent.

En revanche, nous ne pourrons pas faire l'économie de poursuivre la réflexion au niveau européen, là où celle-ci doit être menée, et d'envisager, probablement très rapidement, une DSP 3.

Pour l'heure, les députés du groupe Les Républicains voteront ce texte.

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