Intervention de Raymond Cointe

Réunion du jeudi 1er février 2018 à 10h45
Mission d'information sur la gestion des évènements climatiques majeurs dans les zones littorales de l'hexagone et des outre-mer

Raymond Cointe, directeur général de l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (INERIS) :

Mesdames et messieurs les députés, les missions de l'INERIS sont assez proches de celles de l'IRSN, à ceci près qu'elles portent sur les risques technologiques au sens large : les risques industriels, mais aussi ce que nous appelons les risques chroniques, c'est-à-dire ceux que les activités humaines peuvent faire peser sur la santé et l'environnement – à l'exclusion des risques nucléaires et relatifs à la radioprotection, traités par nos collègues de l'IRSN.

Comme l'IRSN, notre coeur de métier n'est pas vraiment le risque climatique, ni même le risque naturel, mais bien le risque technologique : historiquement, notre mission a consisté essentiellement à accompagner notre ministère de tutelle, le ministère de la transition écologique et solidaire – en particulier la direction générale de la prévention des risques (DGPR) –, sur le volet « prévention » des risques technologiques. À cet égard, les préoccupations de votre mission d'information ne sont apparues qu'assez récemment dans notre domaine d'activité.

En matière de risques naturels, nous n'intervenons pratiquement pas sur le volet « aléas », relatif à la connaissance des phénomènes qui peuvent survenir : notre compétence porte essentiellement sur le volet « vulnérabilité », consistant à essayer de prévoir quels accidents pourraient résulter d'aléas naturels. En réalité, les choses sont un peu plus compliquées que cela : sur un certain nombre de sujets techniques, qui ne me paraissent pas concerner votre mission, ce sont les mêmes compétences scientifiques qui se trouvent mobilisées, quel que soit l'aléa considéré – naturel ou technologique. Nous pouvons donc être conduits à intervenir, de façon marginale, sur certains risques naturels : je pense notamment aux cavités souterraines, puisque nous avons une compétence historique en matière géotechnique. Ainsi, nous intervenons au sujet des cavités anthropiques : l'INERIS étant l'héritier du Centre d'études et de recherches des charbonnages de France (CERCHAR), il a accumulé une compétence importante dans le domaine des mines, notamment en matière géotechnique, qu'il met évidemment à profit lorsqu'il s'agit d'étudier les risques d'effondrement de cavités naturelles.

En revanche, nous sommes concernés au premier chef par le volet « vulnérabilité », c'est-à-dire par l'impact des événements naturels en matière de risques technologiques : c'est ce que recouvre le risque « NaTech » (NAturel-TECHnologique), correspondant aux accidents technologiques déclenchés par un événement naturel.

Faute d'avoir une réelle expertise en matière d'évolution des aléas, nous ne sommes pas les mieux placés pour savoir si certains aléas résultent ou non des changements climatiques. En tout état de cause, notre préoccupation majeure consiste à nous interroger sur la vulnérabilité d'un certain nombre d'installations, notamment industrielles, à certains types d'aléas – inondations, séismes, foudre, etc. –, et à tenter de déterminer quel pourrait être leur impact sur les installations.

Évidemment, le changement climatique est susceptible d'accroître à la fois la fréquence et l'intensité de certains aléas d'origine climatique : en ce sens, il constitue une problématique émergente, que nous considérons avec une vigilance particulière. En août 2017, à la suite du passage de la tempête Harvey à Houston, une explosion est survenue dans une usine de produits chimiques Arkema, constituant un exemple typique de risque NaTech : le site concerné produisait des peroxydes organiques, des produits chimiques instables à température ambiante et devant de ce fait être stockés à basse température au moyen de dispositifs de refroidissement. Or, les inondations causées par la tempête ont entraîné une coupure de l'alimentation électrique et noyé les générateurs de secours : dans ces conditions, les peroxydes ne pouvaient plus être refroidis, ce qui a fini par provoquer une explosion. Ce genre de scénario, que nous envisagions déjà dans le cadre de l'analyse des risques liés aux installations industrielles, fait désormais l'objet d'un examen plus approfondi.

Une grande partie de notre activité est consacrée aux risques chroniques, notamment l'impact de la pollution sur la qualité de l'air et des eaux. Dans ce domaine également, il peut y avoir des interactions entre les changements climatiques et les risques de type NaTech. Par exemple, une tempête ou une inondation provoque beaucoup de dégâts matériels et engendre donc une énorme quantité de déchets dans un très court laps de temps : la gestion de ces déchets implique la nécessité de les détruire rapidement, ce qui se fait souvent au moyen d'une incinération à l'air libre, avec tout ce que cela suppose en termes de pollution de l'air.

Plus généralement, dans le domaine de la qualité de l'air, nous travaillons beaucoup, depuis quelques années, sur l'articulation entre les changements climatiques et la qualité de l'air –, une des questions qui se posent étant de savoir si l'évolution du climat va se traduire par une dégradation ou au contraire par une amélioration des prévisions au niveau local, notamment en ce qui concerne la concentration en particules et la teneur en ozone. À ce sujet, nous avons conduit des travaux assez importants avec le CNRS afin de coupler ses modèles de prévision climatique à long terme avec nos propres modèles, portant sur la qualité de l'air à court terme.

Enfin, je précise que si l'INERIS n'intervient pas véritablement en gestion de crise, il peut intervenir en appui à la gestion de crise, auprès des pouvoirs publics et des services d'intervention. Nous disposons pour cela d'une cellule d'appui aux situations d'urgence (CASU), opérationnelle vingt-quatre heures sur vingt-quatre, et qui peut être amenée à donner des conseils aux gestionnaires de la crise sur la manière de gérer tel ou tel type de situation. Cette cellule peut intervenir pendant la crise elle-même, par exemple pour donner des recommandations sur les produits à utiliser pour éteindre un incendie.

Mise en place pour répondre aux crises liées aux risques technologiques, la CASU peut également être sollicitée dans le cas de NaTech. Cela a par exemple été le cas à Saint-Martin après le passage de la tempête Irma en septembre dernier, au sujet de l'incinération des déchets que j'ai évoqué précédemment ; tout récemment, nous avons également été contactés au sujet du stockage de produits dangereux qui risquaient de ne plus être stockés en toute sécurité, afin d'évaluer le risque immédiat en cas d'inondation.

Comme vous le voyez, les questions qui vous intéressent tout particulièrement ne constituent pas notre coeur de métier, mais peuvent avoir des interactions de plus en plus fortes avec certaines de nos activités en raison des changements climatiques.

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