Intervention de Raphaël Gérard

Séance en hémicycle du mardi 13 février 2018 à 15h00
Élection des représentants au parlement européen — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRaphaël Gérard :

Elle permettra de trancher le débat sur le modèle européen auquel aspirent les Françaises et les Français.

Certes, l'existence d'une seule circonscription pour la France entière peut susciter des inquiétudes, car elle entraînera mécaniquement la suppression de nos circonscriptions d'outre-mer. Or, comme chacun le sait, ces territoires situés en dehors du continent européen entretiennent des liens privilégiés avec l'Union. Parmi eux, les régions ultrapériphériques – la Guyane, la Martinique, la Guadeloupe, Saint-Martin, Mayotte et La Réunion – bénéficient d'un statut d'exception : l'article 349 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne reconnaît pleinement leurs spécificités et autorise des adaptations du droit communautaire pour tenir compte des contraintes liées à leur éloignement, à l'insularité, au relief, au climat et à leur dépendance économique vis-à-vis de certains produits – tel est le cas, par exemple, de la Guadeloupe et de la Martinique à l'égard de la banane. Nos outre-mer bénéficient d'ailleurs de leurs propres programmes européens. Je pense notamment au POSEI, le programme d'options spécifiques à l'éloignement et à l'insularité, déclinaison de la politique agricole commune, qui permet d'apporter une réponse adaptée à la situation singulière des territoires ultramarins dans le domaine de la pêche et de l'agriculture.

Pour répondre à ces enjeux européens, absolument primordiaux pour l'avenir de nos outre-mer, des compétences techniques sont nécessaires, ainsi qu'une connaissance fine des réalités de ces territoires, méconnus et distants pour beaucoup d'entre nous. Depuis la création des circonscriptions ultramarines en 2003, les députés européens issus des différentes sections océaniques jouent un rôle privilégié d'interface entre leur région, la France et les institutions européennes. Non seulement ils servent de lanceurs d'alerte au sein du Parlement européen, mais ils sont aussi au coeur des négociations, parfois tendues, entre la France et l'Union européenne, dont l'enjeu est l'équilibre fragile entre le principe de non-discrimination et la mise en place, au niveau national, de mesures favorables à nos outre-mer.

Pour autant, l'existence de ces circonscriptions ultramarines n'a pas permis de faire émerger un sentiment d'appartenance européen : celui-ci continue à s'inscrire en pointillé, tout comme dans l'Hexagone. J'en veux pour preuve le niveau d'abstention dans ces territoires aux dernières élections européennes, supérieur de vingt-cinq points au chiffre national. Cette désaffection plus forte de la part de nos concitoyens d'outre-mer s'explique en partie par l'illisibilité du mode de scrutin. Comme le souligne lui-même Louis-Joseph Manscour, député européen élu dans la section Atlantique, les gens ne sont pas en mesure de savoir pour qui ils votent, ni quelle est l'identité de leur député. Et pour cause : avec trois circonscriptions, une par bassin océanique, regroupant des territoires très différents, chacun vote non pas pour un programme ou une certaine idée de l'Europe, mais pour la liste où figurent, en position éligible, des candidats que l'on connaît.

En revanche, dans les outre-mer espagnol et portugais, à savoir les régions ultrapériphériques des îles Canaries, de Madère et des Açores, on observe un taux de participation deux fois plus élevé que chez nous. Or les deux pays concernés ont fait le choix d'une circonscription nationale. La réforme du mode de scrutin que nous défendons aujourd'hui peut donc permettre de renouer le lien entre les citoyens et l'Europe y compris à des milliers de kilomètres du continent, à la condition expresse, toutefois, d'y associer pleinement nos outre-mer. L'adoption d'une circonscription unique et nationale ne doit pas être l'occasion de condamner nos territoires extra-européens à une forme de marginalité. Les outre-mer ne doivent pas être relégués à une forme périphérique de citoyenneté européenne, sans représentants, sans voix, sans intégration. C'est pourquoi j'en appelle à la responsabilité collective de chaque formation politique, de chaque parti, de chaque mouvement : faisons de la place sur nos listes à de jeunes ultramarins, …

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