Intervention de Gabriel Attal

Séance en hémicycle du jeudi 15 février 2018 à 9h30
Orientation et réussite des étudiants — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGabriel Attal, rapporteur de la commission mixte paritaire :

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le vice-président de la commission mixte paritaire, mes chers collègues, nous sommes saisis, aujourd'hui, du texte élaboré par la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à l'orientation et à la réussite des étudiants. Réunie au Sénat mardi dernier, cette commission est parvenue à un accord sur les articles du projet de loi restant en discussion entre les deux chambres.

Cet accord est le résultat d'un travail de fond accompli avec le rapporteur du Sénat, Jacques Grosperrin, auquel je souhaite rendre hommage, travail qui a été mené avec le sens aigu des responsabilités qui sont les nôtres et la nécessité d'envoyer un message aux élèves actuellement en terminale et qui, ayant déjà commencé à enregistrer leurs voeux sur la nouvelle plateforme Parcoursup, attendent de connaître leur future affectation. Ils doivent pouvoir avancer en confiance.

Sans remettre en cause l'équilibre général du texte initié par le Gouvernement et, je le crois sincèrement, amélioré par l'Assemblée, le Sénat avait apporté des modifications substantielles et inséré un nombre significatif d'articles, tous n'ayant pas forcément un lien direct avec le texte. Or, au cours des débats, nous avons été collectivement attachés à garder un lien avec le coeur de la réforme. La CMP a d'ailleurs supprimé plusieurs de ces articles et en a gardé d'autres : je pense par exemple à l'enjeu fondamental de la maîtrise de la langue française, qui avait été défendu dans cet hémicycle en première lecture par notre présidente de séance, Annie Genevard. Je tiens à saluer son travail, qui a finalement abouti au Sénat, à l'instigation du rapporteur, Jacques Grosperrin.

Plusieurs points ont fait l'objet de débats nourris au sein la CMP, sans empêcher l'adoption d'une solution de compromis, proposée conjointement par les deux rapporteurs.

Le premier a concerné la fixation des capacités d'accueil des établissements : le Sénat souhaitait que les nouvelles places soient créées en fonction des débouchés professionnels. Nous avons considéré qu'une telle approche était réductrice et ne recouvrait pas l'ensemble des missions de l'université, en particulier l'indispensable transmission des savoirs. Nous avons donc ajouté aux critères d'ouverture des places les projets des établissements et, surtout, les souhaits des élèves.

D'ailleurs, ces critères sont déjà pris en compte, puisque le Gouvernement a annoncé des créations de places dans les filières en tension, à savoir celles qui sont demandées par les bacheliers. Les capacités d'accueil augmentent fortement et Mme la ministre l'a rappelé à l'instant : elles ne pourront pas être revues à la baisse dans les années à venir. Nous soutenons évidemment cet engagement très clair.

Je veux donc être parfaitement clair sur ce point : la majorité ne s'engage pas, et ne s'engagera pas, dans une quelconque forme d'« adéquationnisme », et ce texte n'en prévoit pas. Cela n'aurait d'ailleurs aucun sens. Au moment où chacun s'accorde sur le fait que le monde du travail de demain ne sera pas celui d'aujourd'hui et que nombre de métiers d'aujourd'hui n'existeront plus demain, les débouchés professionnels ne sauraient être considérés comme la seule boussole pour créer des places.

Nous devons faire confiance aux universités et aux établissements, dans leurs choix académiques, scientifiques et universitaires, pour anticiper ces évolutions. Je tiens à affirmer tout aussi clairement que la France a besoin, et aura toujours besoin de chercheurs, de sociologues, de doctorants ou de linguistes. La France est le pays des Lumières : son savoir éclaire le monde. C'est pourquoi nous aurons besoin de toutes ses capacités et de l'engagement de toutes ses universités pour qu'il en soit toujours ainsi. Ce texte va évidemment dans ce sens.

Le deuxième point faisant débat était le pouvoir d'affectation des recteurs pour les élèves n'ayant vu aucun de leurs voeux satisfait – nous souhaitons leur nombre le plus réduit possible. Le Sénat souhaitait que les chefs d'établissement disposent d'un droit de veto, ce qui nous semblait impossible et de nature à gripper le dispositif à un moment – le milieu de l'été – où la plus grande réactivité de chacun sera nécessaire. Ce droit de veto a été supprimé au profit d'un dialogue approfondi et de la possibilité pour l'établissement de conditionner l'accueil de l'étudiant à l'intégration dans un parcours d'accompagnement pédagogique et de réussite, tel que nous l'avons mis en place pour la très grande partie des étudiants qui devront s'y engager.

Un troisième point clivant était la question des droits d'inscription des étudiants extracommunautaires : le Sénat souhaitait voir inscrire dans la loi la possibilité pour les universités de les augmenter. Nous étions beaucoup plus réticents. La question avait été abordée en première lecture dans l'hémicycle : nous nous étions opposés à cette mesure pour plusieurs raisons qu'il n'est pas nécessaire de rappeler aujourd'hui. Lors de la CMP, le Sénat a accepté la suppression de cette mesure, en échange de quoi nous avons, en dépit de notre réticence initiale, accepté que figure dans le texte une disposition relative au contrôle de l'assiduité des étudiants, considérant qu'il s'agissait, après tout, d'un simple rappel du droit existant, celui-ci étant déjà fixé par voie réglementaire. La rédaction adoptée par la CMP veille néanmoins à proposer une mesure qui concerne l'ensemble des étudiants afin de ne pas stigmatiser les étudiants boursiers, pour lesquels les règles sont déjà fixées par une circulaire très précise – je l'ai dit.

Le texte que je vous propose d'adopter a été enrichi par l'Assemblée nationale et par le Sénat, dans le cadre final de la CMP. Il s'inscrit dans la droite ligne du plan étudiants. C'est pourquoi je ne comprends pas l'affirmation, qu'on entend depuis quelques heures, selon laquelle il aurait été vidé de sa substance par le Parlement. Au contraire, le Parlement l'a enrichi.

C'est le Parlement qui a inscrit un cadrage national dans la fixation des attendus, pour éviter le dumping entre établissements ou écarter des attendus injustes sur le plan social. C'est le Parlement qui a souhaité que l'ensemble des formations du supérieur figurent sur Parcoursup, en vue de garantir une meilleure lisibilité pour les candidats et leur famille dans la poursuite des études. C'est le Parlement qui a instauré un quota de boursiers dans les classes préparatoires.

C'est le Parlement aussi qui a voulu la présence d'un représentant étudiant au sein du conseil d'administration de l'assurance maladie. En effet, au moment où nous rapatrions dans celle-ci plusieurs millions d'étudiants avec la suppression du régime de sécurité sociale étudiante, il nous a semblé normal qu'ils soient représentés au sein du conseil d'administration pour faire valoir leurs besoins spécifiques en matière de santé et de prévention.

C'est le Parlement enfin qui a accru la transparence de la réforme – Mme la ministre l'a rappelé : sur une initiative de Cédric Villani, un amendement a été adopté assurant la publication de l'algorithme de la plateforme Parcoursup. Nous avons prévu plusieurs critères de transparence, dont la remise d'un rapport sur l'application de la loi avec des statistiques par académie sur la procédure et à son issue ou sur le nombre d'étudiants candidats et leurs débouchés, en vue de comprendre toutes les implications de la réforme.

Ce texte s'inscrit donc dans la droite ligne du plan étudiants présenté par le Gouvernement.

Ce plan permet à tous les jeunes de France d'accéder à une aide à l'orientation de qualité, alors que nous savons que les inégalités face à l'orientation sont réelles et constituent souvent un marqueur social. Il prévoit deux professeurs principaux dans chaque classe, deux semaines de l'orientation en terminale et la présence d'étudiants ambassadeurs dans les lycées.

Il permet à tous les jeunes de France de bénéficier d'une meilleure information sur les différentes filières, leurs maquettes pédagogiques, leur taux d'insertion professionnelle, les débouchés, le taux de réussite et les conditions de poursuite en master. Cette information est centralisée sur la plateforme Parcoursup, sur laquelle plusieurs centaines de milliers de jeunes se sont déjà inscrits.

Ce plan permet de construire de véritables parcours d'accompagnement et d'aide à la réussite pour conforter les jeunes qui arrivent à l'université sans avoir le même bagage que les autres et qui étaient jusqu'alors emmenés aveuglément vers l'échec.

Il permet également de construire des parcours modulés et transdisciplinaires, afin que les étudiants puissent se spécialiser progressivement, valider des acquis en permanence sans devoir tout reprendre à zéro en cas d'échec, avancer avec sérénité et confiance sans craindre le redoublement, qui est souvent perçu comme un échec et qui fait perdre confiance en soi.

Ce plan permet aussi un gain de pouvoir d'achat concret pour les étudiants et leur famille, avec la suppression de la cotisation de 217 euros par an jusqu'alors versée par les jeunes et leur famille au titre de la sécurité sociale étudiante. À un moment où nous parlons beaucoup de pouvoir d'achat, il me semble important de souligner ce geste concret, qui bénéficiera notamment aux classes moyennes.

Nous pouvons donc être fiers de ce travail que nous avons accompli collectivement. Je veux évidemment saluer mes collègues Anne Brugnera, pour le groupe La République en marche, et Philippe Berta, pour le groupe MODEM, qui ont animé le travail de leurs groupes avec beaucoup de talent et de détermination, dans un contexte parfois un peu difficile, mais je crois que nous avons très bien travaillé ensemble. Je salue également l'ensemble des groupes représentés dans cet hémicycle, avec lesquels nous avons échangé et débattu sur le fond en permanence. Je salue en particulier ma collègue Christine Cloarec, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales, qui a vraiment contribué à l'adoption des mesures que j'ai rappelées relatives à la sécurité sociale étudiante et au renforcement de la prévention dans le domaine de la santé, afin de mieux prendre en compte les besoins des jeunes en la matière.

C'est donc une belle et grande réforme que nous nous apprêtons à voter. Elle met fin au tirage au sort, mais elle va plus loin puisqu'elle renforce l'orientation et l'accompagnement des jeunes dans un seul but : rendre la réussite accessible à tous et faire en sorte que l'échec ne soit plus la règle pour la plupart des étudiants.

Je terminerai mon propos en vous saluant, madame la ministre, et en vous disant ma fierté d'avoir porté à vos côtés cette réforme que vous avez construite et défendue avec courage et détermination. J'ai été très fier et très heureux de vous accompagner sur ce chemin. J'ai beaucoup appris lors de nos échanges. Je suis vraiment fier que cette réforme soit adoptée aujourd'hui.

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