Intervention de Jean-Michel Clément

Séance en hémicycle du jeudi 15 février 2018 à 21h30
Bonne application du régime d'asile européen — Article 3

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Michel Clément :

L'article 3 concerne la sécurisation juridique des assignations à résidence des étrangers faisant l'objet d'une interdiction judiciaire du territoire. L'article L. 561-1 du CESEDA permet à l'administration d'assigner à résidence un étranger qui justifie être dans l'impossibilité absolue de quitter le territoire français.

En pratique, il s'agit de personnes qui ne peuvent regagner leur pays d'origine en raison d'un risque avéré de mauvais traitement, de torture ou à la suite d'une condamnation à mort. En l'état actuel du droit, cette assignation à résidence est limitée à une durée de six mois, renouvelable une fois, sauf pour certaines catégories d'étrangers, dont ceux sous le coup d'une interdiction judiciaire du territoire. Pour ces derniers, l'assignation est calquée sur la durée de l'interdiction judiciaire et peut donc être perpétuelle.

Comme l'a dit Mme la ministre, seuls quelques étrangers sont concernés. Ils sont déplacés de village en village, assignés dans une chambre d'hôtel payée par l'État, qui leur offre aussi le petit-déjeuner et le dîner – mais pas le déjeuner. Ils n'ont pas le droit de travailler, ne peuvent pas franchir les limites de la commune où ils sont assignés et doivent se présenter plusieurs fois par jour au commissariat ou à la gendarmerie. Ils se trouvent ainsi dans une situation comparable à celle des personnes détenues, si ce n'est qu'ils sont leur propre gardien. Toute réhabilitation leur est impossible, et si l'interdiction du territoire est une double peine, l'assignation est pour eux la troisième. Pour certains, ce calvaire peut durer plus de dix ans.

Répondant à une question prioritaire de constitutionnalité, le Conseil constitutionnel a censuré certaines dispositions de ce régime, et c'est pourquoi cet article 3 a été introduit par le Sénat. Néanmoins, sous l'empire de ce texte, l'assignation à résidence restera perpétuelle. Ce texte n'entoure cette exception à l'exception d'aucune garantie, telle qu'une obligation de réévaluer la menace à l'ordre public à échéance fixe, accompagnée de la nécessité de justifier d'éléments nouveaux. Ce délai de cinq ans n'est donc qu'une garantie formelle, et nous aurions tout intérêt à revisiter ce dispositif.

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