Intervention de Marie-Noëlle Battistel

Séance en hémicycle du mardi 20 février 2018 à 15h00
Débat sur la couverture numérique du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie-Noëlle Battistel :

Monsieur le président, messieurs les secrétaires d'État, madame, monsieur les rapporteurs, mes chers collègues, je tiens également à féliciter les rapporteurs pour leur travail important, d'ailleurs engagé il y a déjà plusieurs années par Mme de La Raudière. Au même titre que le maillage ferroviaire, la présence postale ou la démographie médicale, la couverture numérique relève tout autant de l'aménagement du territoire, du service public que de la nécessité pour chacun d'accéder à des droits évidemment fondamentaux.

Dans la tradition républicaine, qui fait l'identité et l'organisation de notre pays, l'État stratège et ses partenaires locaux ont toujours défendu le modèle d'un territoire structuré autour de l'égalité et de la péréquation. L'État aménageur s'est appuyé sur la continuité et la mutabilité de son action pour permettre à chacun de bénéficier à égalité des services publics. Le prix du timbre, du kilowatt par heure ou du kilomètre-train sont ainsi toujours les mêmes dans les grands centres urbains et dans les plus petits villages, en plaine ou en montagne, dans les zones denses ou celles les moins peuplées.

L'irruption du numérique, de ses technologies comme de ses pratiques sociales et économiques, a bousculé cette approche et nous a rappelé que l'égalité d'accès aux services restait un combat. Quand partout la téléphonie, le haut débit deviennent nécessaires pour étudier, travailler, se soigner, communiquer, vivre tout simplement, notre rôle est de permettre que, partout, l'accès soit meilleur, qu'il soit partout financièrement accessible à chacun et que, partout, le désenclavement numérique soit une réalité. C'est un défi auquel nous nous attelons depuis plusieurs années.

L'égalité d'accès au numérique pour tous les Français, quel que soit l'endroit où ils résident, doit être la règle, et nous en convenons tous. Mais au-delà du principe, force est de constater que la réalité de la connectivité pour les territoires n'est pas la même partout, notamment en montagne. Des progrès sont évidemment à noter, comme nous l'avons constaté, avec mon collègue Jean-Bernard Sempastous, dans le rapport que nous avons produit sur la mise en application de l'acte II de la loi montagne de 2016.

Ce texte a notamment permis de réelles avancées en matière de développement des réseaux mobiles grâce à plusieurs mesures fortes : l'exonération jusqu'en 2020 de l'IFER pour les nouvelles antennes relais installées en zones de montagne ; le partage, par les opérateurs, de l'accès aux infrastructures passives, comme les pylônes, pour mutualiser les coûts de déploiement. Notons que cette disposition s'applique déjà, avec succès, dans les zones blanches non couvertes par un réseau mobile.

Au-delà de cette loi qui a apporté des réponses précises aux spécificités montagnardes, permettez-moi, messieurs les secrétaires d'État, de saluer également le récent accord contraignant conclu pour la couverture en téléphonie mobile. Nous notons avec satisfaction que toutes les parties prenantes fournissent un effort substantiel : les opérateurs qui s'engagent pour 3 milliards d'euros ; l'État qui renonce aux recettes qu'il aurait pu tirer des nouvelles licences ; et les collectivités qui renoncent pendant cinq ans à l'IFER sur les nouvelles installations. Cela relève à la fois du bon sens et de la volonté forte de voir aboutir le combat que nous menons au-delà de nos sensibilités.

Pour autant, cet accord soulève aussi un certain nombre d'interrogations. Si la priorité est donnée à l'aménagement du territoire, comment est-il possible de rendre cohérente cette ambition quand, dans le même temps, aucun objectif chiffré précis ne figure dans le texte en termes de taux de couverture et de calendrier ? À l'impatience numérique succède désormais une forme d'exaspération à laquelle il devient urgent de répondre de manière précise et circonstanciée. Sur ce point, je me permets d'insister auprès de vous, monsieur le secrétaire d'État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Vous avez pu mesurer personnellement tout à la fois la force de l'engagement et l'impatience des élus locaux lors de l'inauguration du site mobile mutualisé de Besse, dans l'Oisans. Les élus, qui doivent rendre des comptes, ont besoin de pouvoir se référer à des échéances précises.

Par ailleurs, comment vont être répartis les pylônes sur le territoire ? Qui va décider de cette répartition entre les différentes régions ? Quel sera le rôle des collectivités locales ? Quelles seront les collectivités associées ?

Un élément sous-tend l'ensemble de ces interrogations : le problème des moyens alloués à l'application et à la déclinaison de ce plan. Dans ce domaine, il semble d'après certaines informations que les services de l'État ne sont pas assez armés. Dès lors, quels engagements peuvent être pris en matière de renforcement des ressources humaines, notamment à l'ARCEP et à la direction générale des entreprises ?

Je terminerai mon intervention par deux remarques. La première concerne l'allégement de la fiscalité spécifique qui pèse sur le secteur des télécoms dans les zones sous-dotées. Dans un domaine où on a parfois pris l'habitude de privatiser les profits et de rendre publiques les pertes, la fiscalité joue un rôle essentiel de redistribution. Elle doit toutefois être considérée comme un levier sur lequel appuyer avec intelligence. Si l'accord pour la téléphonie mobile a bien abouti, c'est aussi parce que les collectivités ont accepté de renoncer à l'IFER. En effet, les opérateurs investissent et sont appelés à contribuer fiscalement ; il faut donc trouver un équilibre entre l'incitation à l'aménagement numérique et les recettes des collectivités. Ma seconde proposition s'appuiera sur la nécessaire simplification des déploiements mobiles. Nos concitoyens patientent quelque vingt-quatre mois – dix ans pour Besse ! – contre deux à trois mois pour nos voisins britanniques et allemands. Il est nécessaire de lever ces freins à l'occasion de la future loi sur l'évolution du logement et l'aménagement numérique, dite ÉLAN. Pouvez-vous nous confirmer cette volonté ?

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