Intervention de Thibault Bazin

Séance en hémicycle du mercredi 21 février 2018 à 21h30
Débat sur la régulation des jeux d'argent et de hasard

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaThibault Bazin :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens, à mon tour, à remercier et féliciter les rapporteurs pour la qualité de leur travail.

Le secteur des jeux d'argent et de hasard est mal connu. Pourtant, il a des répercussions importantes dans les domaines économiques, sociaux et sanitaires. En outre, il atteint le montant énorme de 45 milliards d'enjeux annuels. Il connaît des évolutions très importantes qui donnent lieu à des modifications législatives et réglementaires fréquentes.

Ainsi, six mois après la publication du rapport d'évaluation, on peut constater que neuf des seize propositions sont déjà appliquées ou en voie de l'être. C'est réconfortant quant au suivi des rapports parlementaires. Il nous reste à espérer que tous connaissent le même sort – j'en doute quand même…

On comprend bien, à la lecture de ce rapport d'information, combien tout est question d'équilibre. Or cet équilibre est à rechercher constamment.

Depuis 2010, on a assisté au développement des paris sportifs au détriment des paris hippiques. On peut estimer qu'avec l'octroi du monopole offline à La Française des jeux, le PMU a perdu au moins 1 milliard d'euros de chiffre d'affaires.

Cela a fait naître un déséquilibre aux conséquences dommageables pour toute une filière : la filière équine. Or la filière cheval concerne près de 150 000 emplois en France, de l'élevage à l'entraînement. Elle est d'autant plus précieuse que sa main-d'oeuvre est impossible à délocaliser, rurale, qualifiée et utile à l'aménagement du territoire. Il s'agit donc d'un secteur très important pour de nombreuses régions ; je le mesure dans mon département de Meurthe-et-Moselle. Il faut d'ailleurs noter que les sites hippiques développent une filière équine autour d'eux en diffusant l'amour du cheval. J'en ai la preuve dans ma commune, Rosières-aux-Salines, où le fonds EPERON – encouragement aux projets équestres régionaux ou nationaux – a largement contribué à la réalisation d'un manège olympique.

Je profite d'ailleurs de cette tribune pour déplorer à quel point notre fiscalité nuit au développement de la filière. Le régime fiscal qui s'impose au marché des paris hippiques pèse aussi indéniablement sur les propriétaires et les éleveurs, de même que la TVA trop élevée impacte défavorablement toute la filière équine, entraînant la fermeture de trop nombreux clubs hippiques. Ce sport, qui a offert à la France deux titres lors des derniers Jeux olympiques, ne le mérite pas.

Il convient donc d'établir un équilibre entre la fiscalité des paris hippiques et celle qui frappe les jeux de hasard. Le législateur s'y était d'ailleurs engagé, en 2010, dans la loi relative à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne. Il convient désormais de tenir cet engagement. À quand l'égalité des taux de rémunération pour les revendeurs ? À quand le retour à une masse commune pour une même attractivité ? Comme il est affirmé dans ce rapport d'information, il faut renforcer l'attractivité des paris hippiques afin de pérenniser le financement de la filière équine.

Le thème qui nous réunit ce soir résonne avec l'actualité puisqu'on entend parler ces derniers temps du projet du Gouvernement d'ouvrir le capital de La Française des jeux. Cette privatisation interviendrait alors que l'entreprise, détenue à 72 % par l'État, enregistre des gains record – ses ventes ont atteint l'année dernière 15,1 milliards d'euros de ventes, soit 5,7 % de plus qu'en 2016. Outre que nous préférerions que le Gouvernement engage de vraies réformes de structures au lieu de vendre ses fleurons, cette privatisation ne peut que nous inquiéter.

En effet, La Française des jeux est censée garantir que les jeux proposés n'entraînent pas de comportements compulsifs, et donc réguler ses activités en ce sens. En cas de privatisation, que deviendront ces freins ? Ceux-ci semblent déjà insuffisants au vu de l'ampleur des addictions, qui reste toutefois difficile à mesurer. En tout cas, les conséquences des addictions sont nombreuses et vastes : comme vous le soulignez, madame la rapporteur, monsieur le rapporteur, elles entraînent la séparation des couples, le chômage, le surendettement, la délinquance ou même le suicide.

Il est préoccupant que ce phénomène touche de nombreux jeunes. Les carences dans l'application de l'interdiction du jeu aux mineurs sont manifestes. Nous ne pouvons donc que soutenir vos propositions visant à augmenter les efforts en faveur de l'identification des joueurs et de la lutte contre le jeu des mineurs.

Les jeux en ligne constituent un vrai danger. Il est désormais très facile de jouer sur internet des sommes d'argent sans aucun contrôle. Ne négligeons pas le fait que les buralistes peuvent jouer un rôle dans le contrôle de cette addiction en sensibilisant les joueurs fragiles ! Il faut donc les conforter dans ce rôle. Les promesses de gains attirent les plus faibles – il existe un lien fort entre la paupérisation des individus et leur addiction aux jeux. Les acteurs du marché vendent du rêve à leurs joueurs. Là aussi, un équilibre est à trouver. Il est donc impératif, comme vous le préconisez, de mieux mesurer le coût social du jeu addictif afin de disposer d'une meilleure appréciation des résultats de la politique de régulation des jeux.

Le rapport d'information évoque un autre acteur des jeux : les casinos. Il y en a environ 200 en France. Alors qu'ils s'implantaient plutôt dans de petites villes, en général des stations balnéaires, thermales ou touristiques, des dispositions récentes permettent désormais leur implantation dans des villes de plus de 500 000 habitants, ainsi que le retour des clubs de jeux à Paris. L'implantation des casinos sur notre territoire est, selon moi, un facteur important, et il faut espérer que cette « métropolisation » du jeu ne va pas nuire aux villes plus petites.

Je profite de m'exprimer à cette tribune pour évoquer un projet de développement local. Un forage réalisé à Nancy a permis d'établir que l'eau de son sous-sol était à même de traiter les rhumatismes, ce qui a permis à la ville de lancer le projet « Nancy thermale » – vous n'étiez pas loin de l'endroit concerné, monsieur le ministre, lorsque le Gouvernement s'est réuni en séminaire à Nancy en juillet dernier. Or l'article de la loi du 12 juillet 1983 qui permettait d'autoriser temporairement l'ouverture d'un casino dans une station thermale dont le statut était en cours de reconnaissance a été abrogé en 2012. Il est regrettable que Nancy ne puisse pas ouvrir de casino, car un tel établissement pourrait contribuer à l'essor et à la renommée de la région. Il reste à espérer que la législation évoluera de nouveau.

En conclusion, je souligne que, compte tenu des sommes engagées, des filières concernées et de l'impact économique, social et sanitaire du secteur, notre pays doit continuer à rechercher un équilibre. Votre rapport d'information, madame et monsieur les rapporteurs, ne peut que l'aider dans cette voie.

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