Intervention de Laurent Garcia

Réunion du mercredi 21 février 2018 à 9h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLaurent Garcia :

Entre les mois de septembre et de décembre derniers, les Assises nationales de la mobilité ont permis de faire émerger les priorités de nos concitoyens en matière de transports. L'un des principaux volets de cette consultation concernait la solidarité et la lutte contre les fractures sociales et territoriales. L'accès à des moyens de transport efficaces et disponibles est, pour beaucoup de Français, une condition nécessaire à l'obtention d'un emploi, à l'accès à une formation ou à des services de santé. Ces assises doivent déboucher, dans le courant de l'année, sur l'élaboration d'un projet de loi d'orientation des mobilités.

La question de la gratuité des transports scolaires illustre aujourd'hui l'existence de réelles inégalités sociales et territoriales. Si l'on comprend la nécessité de favoriser l'accès des élèves aux transports, on ne peut pas pour autant se réfugier derrière des principes louables mais irréalistes au regard de la structure du financement des autorités organisatrices de la mobilité (AOM). Derrière la gratuité que vous proposez, il y a toujours quelqu'un qui doit payer : chacun sait qu'un service se finance soit par le tarif, soit par le contribuable, et dans la majorité des cas par un « mixe » des deux.

Instaurer la gratuité des transports scolaires, qui revient à transférer le mode de financement des AOM des recettes commerciales vers plus d'impôts via une augmentation du versement transport, se heurtera aux limites structurelles de ce dernier. Or c'est bien le versement transport qui a jusqu'ici permis de financer la gratuité des transports en commun là où elle a été testée.

Depuis les années soixante-dix, le versement transport joue le rôle de variable d'ajustement dans le financement des services de transport collectif urbain. Il représente aujourd'hui 38 % des recettes des AOM, soit un niveau équivalent à leurs recettes commerciales. Son produit a augmenté de 54 % au cours des dernières années. Malgré cette augmentation, le versement transport ne suffit plus à financer l'investissement et l'exploitation des réseaux de transport.

Aujourd'hui, vingt-quatre des vingt-cinq plus grandes agglomérations françaises ont atteint leur plafond de prélèvement pour le versement transport. Bien que les agglomérations de plus petite taille semblent encore disposer d'une relative marge de manoeuvre, nous sommes exposés à un vrai risque de plafonnement du versement transport, accentué, qui plus est, par la diminution de la masse salariale. Dans leur grande majorité, les AOM n'ont pas la capacité financière d'assurer la gratuité des transports scolaires et l'extension du versement transport, payée par les entreprises de plus de 11 salariés, contreviendrait en outre à la politique gouvernementale de baisse des charges des entreprises.

Par ailleurs, comment le rapporteur envisage-t-il d'intégrer les élèves handicapés dans ce dispositif, leur transport vers les établissements scolaires étant toujours de la compétence du conseil départemental ?

Si l'instauration de la gratuité des transports en commun ne nous paraît pas possible, ce débat ne doit pas nous empêcher d'aborder la question de la nécessaire évolution du versement transport, modèle de financement aujourd'hui dans l'impasse. Le Groupe du Mouvement Démocrate et apparentés est favorable à ce que les transports scolaires demeurent de la compétence des régions, qui pourraient à ce titre obtenir davantage de moyens via l'instauration d'un prélèvement versement transport unique régional.

La proposition de notre collègue Bruneel correspond bien entendu à une préoccupation de l'ensemble des députés, mais la philosophie d'une gratuité totale, outre qu'elle nous paraît inopportune, pour ne pas dire faussée, se heurte à la question centrale du financement.

Les propositions formulées par le groupe GDR vont à l'encontre de la dynamique que cette majorité entend créer à destination des entreprises. Elles auraient un effet contreproductif et risqueraient de déstabiliser grandement les collectivités territoriales.

Notre groupe s'opposera donc à cette proposition de loi, en raison non pas de sa philosophie générale, mais des conditions de sa mise en oeuvre.

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