Intervention de Guillaume Kasbarian

Réunion du mercredi 14 février 2018 à 16h25
Commission d'enquête chargée d'examiner les décisions de l'État en matière de politique industrielle, au regard des fusions d'entreprises intervenues récemment, notamment dans les cas d'alstom, d'alcatel et de stx, ainsi que les moyens susceptibles de protéger nos fleurons industriels nationaux dans un contexte commercial mondialisé

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGuillaume Kasbarian, rapporteur :

Merci messieurs, pour votre éclairage, qui était vraiment passionnant. Je vais revenir à deux questions qui préoccupent la commission : qu'est-ce qu'une entreprise stratégique ? Quels outils pour protéger ces entreprises stratégiques ?

Vous avez eu raison de dire qu'il ne fallait pas raisonner forcément en secteurs mais en technologies stratégiques. Je crois d'ailleurs que le ministre de l'économie a pour projet d'intégrer au décret Montebourg, par exemple, une partie « intelligence artificielle et stockage de données ». Ainsi, on est en train de quitter un peu la logique sectorielle, pour aller un peu plus vers une logique technologique. Mais comment combiner les deux ? Peuvent-elles se croiser ? Le spectre ne sera-t-il pas trop large, l'intelligence artificielle se retrouvant dans de très nombreux secteurs. Ce sont des points à creuser.

Maintenant, pour définir une entreprise stratégique, on sent bien que deux visions s'opposent.

La première est très spécifique. Elle amène à dire que, pour protéger nos entreprises stratégiques, il faut définir de façon très précise les secteurs ou les technologies concernés en les nommant, en les listant. L'avantage est que cela permet d'être clair, de fixer un cadre, et donne de la visibilité. L'inconvénient tient au manque de flexibilité : il faut revoir la définition régulièrement, parce qu'elle évolue sans cesse et parce qu'elle n'est pas la même partout, même à l'échelle des territoires.

La seconde vision est beaucoup plus large. Elle amène à dire qu'aujourd'hui cette entreprise est stratégique pour des raisons de sécurité nationale, et c'est tout. L'inconvénient est que cela donne peu de prévisibilité aux investisseurs qui veulent racheter. L'avantage tient à la flexibilité : on peut procéder à des ajustements au fil du temps et des technologies.

Qu'en pensez-vous ? Du point de vue juridique, il est difficile de choisir entre l'une et l'autre. Mais quels sont pour vous les avantages et les inconvénients, les opportunités et les risques de l'une et de l'autre ?

Quels outils pour protéger les entreprises stratégiques ?

J'ai bien noté vos recommandations quant aux délais de procédure – quatre-vingt-dix jours aux États-Unis contre soixante en France – et l'exigence de transparence. Je souscris d'ailleurs à ce que vous avez dit sur la partie statistique : il serait bon que l'on dispose de chiffres, et qu'ils soient communiqués. Au-delà, que peut-on réellement faire dans le cadre strictement français, sans se trouver en opposition avec le cadre européen ? Quelle est la latitude du législateur français par rapport à la législation européenne ? Pourrions-nous formuler à nos collègues européens et à la Commission des préconisations qui ne nécessiteraient pas forcément une révision des traités ? Que peut-on faire dans le cadre des traités existants ?

Je voudrais également vous interroger sur la valeur d'une participation minoritaire quand l'État décide de devenir actionnaire. Nous en avons déjà débattu au cours de certaines de nos auditions. Pour vous, la participation minoritaire sans minorité de blocage a-t-elle un sens ? Considérez-vous que cela revienne à faire du saupoudrage, sans avoir vraiment de pouvoir de décision ?

Je terminerai sur la valeur juridique des engagements à créer des emplois. Quelle que soit l'époque et le gouvernement, quand des investisseurs étrangers rachètent une entreprise en France, les politiques leur demandent souvent de s'engager à créer des emplois – au risque de devoir payer des pénalités de milliers d'euros par emploi non créé. Quelle est la solidité juridique de ces engagements ?

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