Intervention de Pascal Dupeyrat

Réunion du mercredi 14 février 2018 à 16h25
Commission d'enquête chargée d'examiner les décisions de l'État en matière de politique industrielle, au regard des fusions d'entreprises intervenues récemment, notamment dans les cas d'alstom, d'alcatel et de stx, ainsi que les moyens susceptibles de protéger nos fleurons industriels nationaux dans un contexte commercial mondialisé

Pascal Dupeyrat, représentant d'intérêts au cabinet RELIANS consulting :

Faisons du brainstorming. Si j'avais une baguette magique, je partirais de la loi de 1966 relative aux relations financières avec l'étranger, et je fixerais le cadre de dérogation à la liberté d'investissement. Il faudrait alors faire preuve de cohérence.

En 2009, on a introduit dans la loi de programmation militaire la notion de sécurité nationale. Or, qu'est-ce que la sécurité nationale ? Elle va de la sécurité intérieure à la sécurité extérieure, elle fait le lien entre ordre public et défense nationale.

On expliquerait que l'on peut déroger au principe de liberté d'investissement au nom d'un principe supérieur qui est celui de sécurité nationale, que notre droit reconnaît et que les traités européens nous autorisent à adopter. En effet, le Traité de l'Union européenne prévoit que la sécurité nationale relève des États.

La loi dirait donc que la dérogation, c'est la sécurité nationale. Après, elle pourrait fixer aux ministres les grandes conditions d'instruction. Dans le décret, on pourrait être un peu plus précis, dans la mesure où Bruxelles nous impose d'identifier des secteurs, des champs d'application, pour qu'on sache où l'on va.

En revanche, je pense qu'il serait utile que chaque gouvernement prenne une circulaire d'instruction en matière de sécurité nationale : il en donnerait sa vision et indiquerait comment les services doivent l'apprécier au regard des investissements étrangers. Il faudrait que le Parlement contrôle comment les services ont appliqué cette circulaire au nom de l'exécutif.

Cela aurait l'avantage de la souplesse dont vous parliez. On respecterait la prévisibilité des règles, demandée notamment par l'Union européenne, sans être trop précis. Car il faut bien avoir en tête qu'on ne veut pas informer l'ennemi. On n'est pas contre l'investisseur étranger, mais contre celui qui, par le biais d'un investissement étranger, veut faire du pillage technologique ou affaiblir la Nation.

J'en viens à votre question sur les participations minoritaires, qui est un sujet important. En ce moment, la régulation américaine – qui ne parle pas d'acquisition, mais de transaction – y réfléchit. Elle vise les joint-ventures, c'est-à-dire les participations, et même les investisseurs dormants. Elle considère que, même à un niveau peu élevé, ceux-ci peuvent obtenir, notamment, de l'information stratégique.

Enfin, je ne veux pas casser mon métier, mais quand les lobbyistes viennent devant le Parlement pour soutenir une opération, ils disent bien sûr qu'elle va créer de l'emploi : ils savent très bien que la première préoccupation des parlementaires est de sauver les emplois de leur circonscription, et que c'est sur ce point qu'ils vont être interrogés.

On peut promettre, dans la lettre d'engagement, de verser 50 000 euros par emploi qui ne serait pas créé. Mais c'est une lettre d'engagement politique, qui n'est pas contraignante du point de vue de l'autorisation de l'IEF (investissement étranger en France). Et puis, c'est horrible à dire, mais que représentent 50 000 euros par emploi, en contrepartie d'opérations qui en rapportent des milliards ? Il arrive que les investisseurs, qui sont dans une logique de prédation, achètent une paix sociale à court terme : ils font des promesses parce qu'ils veulent faire l'acquisition.

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