Intervention de Ludovic Mendes

Séance en hémicycle du mardi 6 mars 2018 à 15h00
Interdiction de la pêche électrique — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLudovic Mendes :

Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des affaires européennes, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, nous examinons aujourd'hui la proposition de résolution européenne relative à l'interdiction de la pêche électrique, portée par nos collègues Joachim Son-Forget et Jean-Pierre Pont.

La pêche au moyen de méthodes comprenant l'utilisation du courant électrique, sous toutes ses formes, est interdite dans l'Union européenne depuis 1998. Cette interdiction est fixée par l'article 31 du règlement no 85098 du Conseil du 30 mars 1998 visant à la conservation des ressources de pêche par le biais de mesures techniques de protection des juvéniles d'organismes marins, au même titre que d'autres méthodes de pêche considérées comme destructrices pour la conservation des ressources de pêche.

Toutefois, alors même que les textes européens interdisent, par principe, le recours à la pêche électrique, une dérogation a été consentie en 2007 par la Commission européenne et le Conseil de l'Union. Elle autorise la pêche à l'aide de chaluts à perche associés à l'utilisation de courant électrique impulsionnel, à des fins d'expérimentation et dans la limite de 5 % de la flotte de chalutiers de chaque pays de l'Union européenne exerçant dans la partie sud de la mer du Nord. En 2017, comme l'ont rappelé plusieurs de nos collègues, environ 100 chalutiers opèrent de la sorte en Europe : ils sont 84 aux Pays-Bas, 12 au Royaume-Uni, 10 en Allemagne et deux en Belgique.

Cette dérogation a pourtant été accordée contre l'avis du Comité scientifique, technique et économique des pêches de l'Union européenne, qui avait conclu : « Un certain nombre de problèmes doivent être résolus avant que toute dérogation ne puisse être accordée. » Ces problèmes concernaient « l'effet inconnu de la pêche électrique sur les espèces non ciblées et ses impacts potentiels sur les vertébrés et invertébrés ».

Cette dérogation fait de l'Union européenne une exception déplorable sur la scène internationale, alors même que la pêche électrique est interdite dans la plupart des pays du monde, dont la Chine, les États-Unis ou encore le Brésil.

La pêche au chalut par impulsion ne fait pourtant l'objet d'aucun consensus scientifique quant à ses effets sur les espèces piscicoles et sur les fonds marins. L'impulsion électrique utilisée pour favoriser la remontée des poissons de fond n'est pas sélective et a donc des conséquences sur la biodiversité de l'ensemble des fonds marins. Un grand nombre d'espèces vivent en effet dans ces zones ; leur diminution entraînerait un bouleversement irrémédiable de l'écosystème et se répercuterait sur toutes les espèces qui en dépendent. L'impulsion électrique agit également sur les oeufs, alevins et poissons juvéniles, ce qui risque d'entraîner, à terme, une grave diminution des ressources piscicoles dans les zones exposées à cette pratique.

L'autorisation à titre dérogatoire de la pêche électrique engendre, en outre, des distorsions de concurrence au sein de l'Union européenne. Ainsi, alors que les Pays-Bas ne sont théoriquement autorisés qu'à équiper 5 % de leur flotte de filets électriques, le registre des flottes européennes indique que 28 % de la flotte néerlandaise est en réalité équipée de tels filets. En octobre 2017, l'association Bloom a porté plainte auprès de la Cour de justice de l'Union européenne contre les Pays-Bas pour non-respect de la législation. Au-delà du seul dépassement du nombre de navires autorisés, l'association estimait que les pêcheurs néerlandais utilisaient des tensions électriques comprises entre 40 et 60 volts, alors que la tension réglementaire moyenne est de 15 volts.

La pêche à courant impulsionnel crée donc une distorsion de concurrence, perçue comme telle par les pêcheurs français des Hauts-de-France, mais également par leurs homologues belges, néerlandais et britanniques contraints de s'éloigner de leurs ports d'attache pour trouver des espèces recherchées. Cette situation constitue d'ailleurs un élément d'explication important du vote majoritaire des pêcheurs britanniques en faveur du Brexit en mai 2016.

Le 16 janvier dernier, le Parlement européen s'est prononcé, par 402 voix contre 232, pour l'interdiction totale de cette pratique dans les mers de l'Union européenne. Nous ne pouvons que nous féliciter de cette décision exprimée sur une base large et transpartisane, qu'il convient aujourd'hui de confirmer dans notre hémicycle. Cette décision du Parlement européen est d'autant plus satisfaisante qu'elle incarne une Europe pragmatique, responsable, qui s'engage concrètement sur des sujets ayant des effets concrets sur la vie de nos concitoyens.

La proposition de résolution européenne que nous examinons aujourd'hui assure le Gouvernement du soutien total de la représentation nationale s'agissant de l'interdiction de la pêche électrique. Elle incite les autorités françaises à s'opposer à toute prorogation de la dérogation actuellement consentie en mer du Nord. De plus, cette proposition de résolution européenne rappelle que le caractère inoffensif de cette technique sur les écosystèmes marins et l'environnement n'a pas été démontré, et que de nombreux éléments scientifiques soulignent à ce jour son impact négatif.

L'adoption de cette proposition de résolution européenne placerait notre pays au premier rang dans la lutte contre l'exploitation déraisonnée des fonds marins et des ressources piscicoles. Cette volonté est en phase avec le projet pragmatique et responsable du Gouvernement en matière d'écologie et de gestion des ressources.

Il ne fait nul doute qu'un large consensus sur cette question s'exprimera sur nos bancs. En effet, comme vous l'entendez dans cette discussion générale, nous émettons tous les mêmes réserves face à la dégradation de l'écosystème. Nous pouvons donc en conclure que la représentation nationale est enfin unie sur un sujet.

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