Intervention de Louis Aliot

Séance en hémicycle du mardi 6 mars 2018 à 21h30
Premier paquet mobilité — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLouis Aliot :

Monsieur le président, madame la ministre, mesdames et messieurs les députés, chers collègues, la France, par sa situation géographique, voit circuler la quasi-intégralité du trafic de poids lourds routiers européen. C'est une manne économique, puisque nous comptons 400 000 emplois liés à ce secteur, mais cette activité essentielle au commerce international a aussi un coût environnemental certain, et elle engendre par ailleurs des dépenses liées à l'usure et à l'entretien de nos infrastructures routières.

De nouveaux défis sociaux sont apparus au cours de la dernière décennie, du fait d'une réglementation européenne de plus en plus souple en matière de travailleurs détachés. De nombreuses sociétés françaises développent ainsi des succursales « boîte aux lettres » pour embaucher de la main-d'oeuvre à bas coût, dans les pays de l'Est notamment, nouveaux venus dans l'espace Schengen.

Le gâteau de l'économie des transports de marchandises aiguise les appétits en tirant les droits sociaux vers le bas, au nom d'une fausse harmonisation européenne. Les chauffeurs routiers sont devenus de véritables esclaves de la route. Je songe par exemple à ces chauffeurs polonais qui sont payés deux à trois fois moins que des chauffeurs français, grâce à des filiales bidons qui permettent de surfer sur la directive européenne relative aux travailleurs détachés.

C'est ainsi qu'un grand transporteur français, passé sous pavillon américain grâce à la bienveillance des autorités européennes, avait monté une filiale en Pologne et faisait encore récemment dormir ses employés dans leur camion, en leur offrant royalement 40 euros d'indemnité journalière et en mettant à disposition deux lavabos et trois douches pour 500 chauffeurs dans un local ressemblant à un marché aux esclaves.

Avec le trucage des temps de repos et des semaines entières sans rentrer chez soi, la profession de chauffeur poids lourd s'est considérablement précarisée à cause du dumping social croissant organisé par les textes de la Commission européenne, qui a un monopole sur 90 % de la législation des transports routiers.

De nombreux reportages ont alerté les Français sur les abus dont se rendent coupables les sociétés de transport, qui réalisent des bénéfices outrageants quand, dans le même temps, elles traitent comme des citoyens de seconde zone des travailleurs pourtant ressortissants de l'Union européenne.

Face à ce chaos orchestré, nos technocrates ont donc décidé de venir remettre un peu d'ordre, en proposant le traçage électronique des camions et de leurs chauffeurs, avec un objectif de généralisation des contrôles en 2032 – ne soyons pas trop pressés ! – mais également une vérification informatique des heures de repos, afin d'éviter la fraude, ou encore des mesures censées lutter contre les dérives du travail détaché en glissant au passage, pour satisfaire le puissant lobby des transporteurs, quelques facilités concernant le cabotage, qui deviendra illimité sur un temps plus réduit, mais sera élargi aux États limitrophes de la zone de livraison initiale.

Ainsi, lorsqu'un chauffeur hongrois effectuera un convoi international, il pourra sur le chemin du retour vers son pays d'origine, et de manière illimitée, faire de petites ou de grosses livraisons sur l'ensemble du territoire français, mais également dans les pays voisins, pendant toute sa semaine de présence. Autant dire que cela revient à une libéralisation totale, mais déguisée, du secteur des transports.

La Commission européenne est devenue une experte de ce type d'entourloupes, il faut bien le reconnaître, toujours sous couvert du dogme de la mise en concurrence. Il n'en demeure pas moins que le rapporteur, et je le salue, a effectué un excellent travail d'analyse et qu'il a fait des propositions plutôt protectrices, dans l'intérêt des entreprises françaises. Je pense à la tarification des structures routières et autoroutières, à l'égalité de traitement entre les travailleurs au sein du marché commun, mais également à la critique qu'il a faite de la réduction du temps de repos des chauffeurs poids lourds, qui représente un réel danger, au moment où la France fait par ailleurs des efforts considérables pour améliorer la sécurité routière.

Cette proposition de résolution oeuvre curieusement dans le sens d'une primauté des règles internes en matière de politique de transport de marchandises, malheureusement contraire à toute la philosophie de l'Europe, telle qu'elle existe. Même si nous n'avons guère d'espoir d'être entendus sur l'ensemble des sujets qui seront évoqués lors des réunions à venir à Bruxelles, la ligne de conduite de la Commission étant toujours ultralibérale et sans considération pour les spécificités des États membres, nous convenons que les propositions du rapporteur vont dans le bon sens – même si elles ne vont pas jusqu'à bousculer les dogmes qui s'imposent juridiquement à nous.

Nous nous abstiendrons donc sur cette proposition de résolution, puisque nous savons d'avance ce que Bruxelles décidera. Mais nous remarquons que certains députés ne sont plus dupes des dangers que représentent les politiques européennes menées par la Commission. C'est déjà une avancée considérable dans les mentalités de notre Assemblée nationale.

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