Intervention de Bruno Fuchs

Séance en hémicycle du mercredi 7 mars 2018 à 15h00
Convention d'extradition avec les Émirats arabes unis — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBruno Fuchs :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, chers collègues, la présente convention a vocation à compléter la coopération judiciaire en matière pénale existante entre les Émirats arabes unis et la France. Cette convention fait suite à une proposition des Émirats arabes unis, remontant à décembre 1994, de négocier plusieurs accords en matière d'entraide judiciaire pénale internationale.

Elle rappelle aussi la nature stratégique des relations entre la France et les Émirats arabes unis. On peut faire remonter ces relations à 1997, avec le premier accord de coopération militaire entre les deux pays. Ces relations se développent depuis lors régulièrement, jusqu'à l'implantation d'une base militaire française en 2009.

Les liens économiques et les relations commerciales sont également en cours d'intensification. Plus de 600 entreprises françaises sont établies sur place et les échanges bilatéraux sont proches de 5 milliards d'euros.

Si cette convention permettra le renforcement des relations entre les deux pays, elle vise, bien sûr, avant tout à développer plus efficacement la coopération bilatérale en matière de lutte contre la criminalité, un élément que nous considérons comme prioritaire alors que la France fait face à de nombreuses menaces sécuritaires. Il est clair que la coordination pour la répression de la criminalité entre les deux pays sera renforcée grâce à cette convention. Celle-ci devrait également permettre de fluidifier et d'accélérer les échanges en matière d'exfiltration et d'extradition.

Cette convention se fera, et c'est essentiel, dans le cadre de nos principes constitutionnels respectifs. Elle est également nécessaire et attendue par la France en raison de la forte communauté française présente sur place – 30 000 personnes, comme le rapporteur l'a rappelé.

En clair, Le groupe MODEM considère que cet accord pourra contribuer à augmenter le pouvoir d'influence de notre système judiciaire sur son équivalent émirati. Il n'a échappé à personne que ce dernier ne correspond pas à nos standards, s'agissant notamment de son recours à la peine capitale ou à des châtiments corporels basés sur une application de la charia. Ce n'est pas un argument pour contrer ce qu'a développé Jean-Paul Lecoq, mais plutôt la poursuite de la réflexion : à partir des mêmes faits, les approches peuvent différer. Plutôt que de ne rien faire sous ce prétexte, nous pensons, à l'inverse, que c'est en renforçant la coopération entre nos deux systèmes judiciaires que nous pourrons favoriser le rehaussement à terme des standards émiratis.

Plusieurs accords en ce sens ont d'ailleurs déjà été signés : en 2002 entre l'École nationale de la magistrature et l'Institut fédéral d'Abou Dhabi ou encore, en 1997, avec l'Institut judiciaire de Dubaï. Ces accords offrent une formation fondée sur les principes du droit français. Or, au vu du nombre de nos ressortissants et d'entreprises sur place, il est important que les grilles de lectures du droit se rapprochent le plus possible pour éviter des situations confuses et vécues comme injustes par nos ressortissants. Je pense ici aux sanctions pénales qui se traduisent par la confiscation du passeport ou l'interdiction de sortie du territoire.

Ce débat n'est certes pas lié à l'extradition mais, en ratifiant cette convention, les convergences entre les systèmes judiciaires pourraient permettre d'ouvrir d'autres débats et d'obtenir à terme des avancées significatives pour les ressortissants français sur place.

Reste la question essentielle qui renvoie chacun de nous à sa propre conscience, la question de la peine de mort et de son application. Je souhaite rappeler ici la position de mon groupe, même si elle est connue et partagée de toutes et de tous, mon groupe qui appelle fermement à l'abolition universelle de la peine de mort. Comme aimait à le dire Robert Badinter : « La peine de mort n'est pas la justice, c'est l'échec de la justice. »

Celle-ci est pourtant encore appliquée dans cinquante-sept États et territoires du monde, dont la Chine et l'Indonésie. Cela ne nous empêche pas d'entretenir des relations avec ces pays. Cela doit, au contraire, nous motiver et nous engager encore plus à la fermeté pour la combattre dans ces pays, y compris dans les Émirats arabes unis.

C'est notamment pour cette raison que la France se réserve le droit de refuser toute demande d'extradition lorsque les faits visés dans la demande peuvent être sanctionnés de la peine capitale. Ces dispositions soulevées par le rapport de mon collègue Di Pompéo démontrent ainsi que la France ne cherche pas à se rapprocher des Émirats arabes unis au détriment des valeurs qu'elle porte dans le monde. C'est tout l'inverse.

Mes chers collègues, je vous invite à voter en faveur de ce projet de loi, qui ne pourra que renforcer notre coopération, renforcer la sécurité de nos ressortissants sur place, renforcer notre sécurité nationale tout en faisant la promotion du système judiciaire français et de ses valeurs universelles auprès de nos amis émiratis.

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