Intervention de Christophe Naegelen

Séance en hémicycle du mercredi 7 mars 2018 à 15h00
Convention d'entraide judiciaire en matière pénale avec les comores — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristophe Naegelen :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, madame la présidente de la commission, madame la rapporteure, mes chers collègues, le présent texte comporte tous les éléments d'une convention classique en matière de coopération judiciaire. Il s'inspire directement des instruments conventionnels les plus récents qui ont été à la base d'accords similaires avec d'autres pays, notamment le Costa Rica. Il est adapté aux normes françaises en matières pénale et judiciaire, ainsi qu'à nos engagements internationaux et européens, qu'il convient de respecter.

Les autorités comoriennes sont à l'initiative des négociations autour de cette convention, dont les discussions ont été amorcées en novembre 2011. Nos collègues comoriens ont souhaité voir l'avènement d'un véritable droit commun en matière pénale, afin d'ancrer définitivement les dispositifs d'entraide judiciaire et de ne plus s'en remettre au bon vouloir des autorités concernées.

Comme l'indique le rapport de Mme Saint-Paul, que je tiens ici à remercier pour la qualité du travail fourni, nos relations juridiques reposaient jusqu'ici sur des accords multilatéraux inscrits dans le cadre de conventions internationales conclues sous l'égide des Nations unies et auxquelles nos deux États sont parties. La France et les Comores ne disposaient jusqu'alors d'aucun dispositif conventionnel permettant une coopération en matière de recherche de preuve pénale. Depuis 2008, vingt-cinq demandes d'entraide ont été adressées aux Comores, dont dix-sept n'ont pas été exécutées. Dans le même temps, l'Union des Comores a adressé cinq demandes d'entraide, dont trois ont été exécutées. Des coopérations ont pu avoir lieu en vertu du principe de courtoisie internationale, au cas par cas et sur une base de réciprocité. Mais il convient aujourd'hui de formaliser cette réciprocité, dans la continuité logique de l'approbation d'ores et déjà émise par le Sénat le 9 novembre 2016.

La présente convention participera à accroître l'efficacité et la célérité de nos échanges judiciaires en uniformisant les principes préexistants tout en promouvant des techniques modernes de coopération. Dans le cadre de la lutte contre le blanchiment d'argent et de la fluidification de l'obtention d'informations dans le domaine bancaire, par exemple, il sera possible d'intervenir sur des entités agissant pour le compte de fonds fiduciaires. Certaines procédures seront simplifiées, avec un usage encouragé de technologies comme la vidéoconférence, particulièrement adaptée dans ce contexte spécifique.

La convention vise également, de manière sensée, les procédures d'indemnisation pour des poursuites ou des condamnations qui pourraient être non justifiées.

Outre l'organisation pertinente en matière pénale que prévoit la convention, celle-ci encadre des techniques spéciales d'enquête comme les livraisons surveillées, les opérations d'infiltration et les interceptions téléphoniques dont l'utilité se justifie par la proximité avec Mayotte et par la porosité des frontières. La convention présente une assise juridique qui permettra de renforcer les opérations de lutte contre les trafics ayant cours dans cette partie du monde.

Par ailleurs, si une majorité des Comoriens pratique un islam modéré, plusieurs observateurs notent que la société comorienne est traversée par des mouvements islamistes radicaux très prosélytes, qui tentent de mettre à mal la fragile stabilité du pays. Ces évolutions méritent toute notre attention.

Désormais, les autorités françaises auront la possibilité de s'entendre avec leurs homologues comoriens pour autoriser des livraisons surveillées sur leur territoire respectif, dans le cadre d'enquêtes pénales relatives à des infractions pouvant donner lieu à une extradition.

Ce texte est donc plutôt bon, tant sur le fond que sur la forme.

Toutefois, il est important de rappeler que les Comores sont très proches de l'île française de Mayotte. Cette proximité nous pousse à entretenir des liens diplomatiques étroits avec l'Union des Comores sur un large spectre de thématiques, notamment sur les enjeux liés à l'immigration.

Avec un PIB par habitant inférieur à 860 euros, l'Union des Comores est encore considérée comme appartenant à la catégorie des pays les moins avancés. Malgré une certaine stabilité politique retrouvée grâce à la mise en place d'une gouvernance tournante entre les îles qui composent l'archipel, l'Union des Comores présente toujours une situation socio-économique fragile. Insularisé sur le plan géographique, mais aussi politique, sanitaire et économique, l'archipel est une société d'émigration, avec un solde migratoire largement négatif. La diaspora comorienne présente sur le territoire français est estimée à 370 000 personnes, pour 800 000 habitants aux Comores.

La présente convention a le mérite d'adopter une attitude réflexive vis-à-vis de ce constat et de prévoir les dispositifs législatifs visant à lutter efficacement contre les réseaux d'aide à l'entrée et au séjour irrégulier à Mayotte.

Cela dit, nous ne devons pas oublier l'état dans lequel se trouve aujourd'hui l'île française et le désarroi de nos compatriotes mahorais. Nous ne devons pas oublier ces habitants de l'outre-mer, qui sont des citoyens français à part entière et doivent donc bénéficier des mêmes droits, peu importe leur lieu d'habitation. C'est pourquoi il faut que l'État français joue pleinement son rôle et que le Gouvernement vienne rapidement en aide au peuple mahorais, afin que l'autorité de l'État s'applique partout et que la loi française soit respectée sur l'intégralité du territoire départemental. Mayotte ne peut pas accueillir toute la misère de l'archipel, et les Comores ne doivent pas faire peser leur pression démographique et migratoire sur cette île d'abord et avant tout française. La République a l'obligation de garder le contrôle de son territoire.

Le besoin d'un vrai plan d'investissement à Mayotte est indéniable. Il devra aussi sans doute passer par une aide aux Comores, qui ne doit toutefois pas être dispendieuse mais conditionnée à des résultats. Tout l'enjeu est de parvenir à cibler au mieux ces besoins, qui sont immenses, comme l'a rappelé notre collègue Mansour Kamardine en janvier dernier devant la commission des affaires étrangères, et à adapter les financements de façon pertinente pour qu'en bout de ligne, les Mahorais bénéficient véritablement de ce soutien au développement.

À cet égard, il serait nécessaire que des membres de la représentation nationale, en particulier de la commission des affaires étrangères, se rendent à Mayotte et aux Comores…

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