Intervention de Laurence Dumont

Séance en hémicycle du mercredi 7 mars 2018 à 15h00
Convention d'entraide judiciaire en matière pénale avec les comores — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLaurence Dumont :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, madame la présidente de la commission, madame la rapporteure, mes chers collègues, nous débattons à présent de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre la France et les Comores. Appartenant à la catégorie des pays pauvres très endettés connaissant une instabilité chronique et des formes de radicalité religieuse, les Comores présentent un intérêt important pour la sécurité des frontières françaises et la stabilité de l'un de ses départements : Mayotte.

Les liens entre ces territoires voisins sont étroits : Mayotte compte plus de 250 000 résidents légaux et, même si ce chiffre est approximatif faute d'être officiel, près de 80 000 étrangers en situation irrégulière, dont 90 % viennent des Comores. Plus largement, l'importance des liens entre la France et les Comores découle de la présence sur le territoire français d'une diaspora comorienne forte de 370 000 personnes, soit près de la moitié de la population totale des Comores. Ses transferts unilatéraux représentent 25 % du PIB de cet État de l'océan Indien.

Si les liens entre la France et les Comores présentent un intérêt particulier pour la sécurité des frontières françaises et la stabilité de l'un de ses départements – Mayotte – , c'est parce que les Comores constituent le point de départ d'un important flux d'immigration à destination de Mayotte. La présente convention d'entraide judiciaire en matière pénale s'inscrit dans ce contexte. Elle a notamment pour objectif de rendre plus efficace la coopération en matière d'immigration clandestine, tant pour le démantèlement des filières illégales que pour le traitement des flux migratoires bilatéraux entre les deux territoires.

Point important, l'accord ouvre la possibilité d'opposer un refus d'entraide si la demande se rapporte à des infractions politiques ou si son exécution est de nature à porter atteinte à sa souveraineté, à son ordre public ou à d'autres de ses intérêts essentiels. Ainsi, la France pourra refuser une demande susceptible d'aboutir à une condamnation à mort aux Comores, où cette peine est toujours en vigueur.

Le texte ne présente guère de difficulté. Il facilite nos relations avec un pays partenaire. Compte tenu du volume des flux de population entre les Comores et Mayotte, nous le voterons.

Je profite de ce débat pour évoquer un autre sujet important et regretter le régime dérogatoire applicable à Mayotte en matière de traitement des personnes sans papiers, notamment des enfants, dont le nombre enfermé en rétention administrative est absolument inacceptable.

Le Défenseur des droits s'en est récemment ému et a jugé cette situation contraire aux articles 3 et 37 de la convention internationale des droits de l'enfant. Plus de 4 200 enfants auraient été enfermés en centre de rétention administrative à Mayotte l'an dernier. Par ailleurs, la France a été condamnée par la Cour européenne des droits de l'homme – CEDH – en raison de pratiques dégradantes visant des enfants enfermés en rétention administrative.

L'accord dont nous débattons permettra de mieux agir en amont et de prévenir toute dérive, et c'est tant mieux. Cependant, nous devons aussi et surtout traiter dignement ceux qui sont déjà arrivés sur le territoire de Mayotte. Telle n'est malheureusement pas la voie retenue par le projet de loi sur l'immigration du Gouvernement, qui confirme le régime d'exception existant, pourtant contraire à la jurisprudence de la CEDH, justifiant ainsi des droits au rabais. Mais nous y reviendrons.

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