Intervention de Michèle de Vaucouleurs

Séance en hémicycle du jeudi 8 mars 2018 à 9h30
Lutte contre la précarité professionnelle des femmes — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichèle de Vaucouleurs :

Tout d'abord, je prie Mme la rapporteure de bien vouloir excuser mon retard alors qu'elle était en train de présenter son rapport.

En cette journée internationale des droits des femmes, il est opportun que notre assemblée débatte du sujet de la précarité professionnelle des femmes, tant le chemin est encore long pour atteindre une pleine égalité, notamment économique, entre les femmes et les hommes.

La proposition de loi du groupe de la Gauche démocrate et républicaine repose sur le fait que le temps partiel est le plus souvent un temps de travail subi, assorti d'une rémunération réduite et donc insuffisante pour faire face aux charges du quotidien. Elle trouve aussi sa justification dans le fait que le temps de travail partiel subi touche le plus souvent les femmes.

La réalité des chiffres vient confirmer ce contexte. Sur 4,6 millions de salariés à temps partiel, 3,7 millions sont des femmes, soit 82 %. Et 31 % des femmes salariées travaillent à temps partiel, contre seulement 7 % des hommes. Enfin, deux tiers des travailleurs pauvres sont des femmes.

Certes, depuis plusieurs décennies, la société a évolué. Le développement de l'offre de garde d'enfants, de la contraception et du niveau de scolarisation des filles a permis que les femmes prennent progressivement toute leur place dans la vie professionnelle. Toutefois, elles restent encore très largement contributrices aux tâches ménagères et sont en première ligne en matière d'éducation des enfants. Elles exercent le plus souvent des métiers peu prisés par les hommes, dans des secteurs d'activité moins bien rémunérés et caractérisés par une précarité de l'emploi accrue.

Je tiens ainsi à rappeler qu'en France, selon les données du Conseil supérieur de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, une femme gagne en moyenne 27 % de moins qu'un homme tous contrats confondus et perçoit, à poste égal, un salaire inférieur de près de 10 %.

Le travail à temps partiel n'est pas toujours un choix. Il découle notamment des caractéristiques propres à certains secteurs d'activité dans lesquels les femmes sont majoritaires. Selon l'INSEE, le temps partiel subi concerne 32 % des femmes travaillant à temps partiel. Ainsi, en 2015, 9,4 % des femmes étaient en situation de sous-emploi malgré leur souhait de travailler davantage.

En outre, même si la mise en veille d'une activité professionnelle en vue de s'occuper des enfants pendant quelques années est choisie, elle ne l'est pas toujours en pleine connaissance des conséquences qui en résultent en termes de constitution de droits, de dépréciation du parcours professionnel et de difficulté à réintégrer le monde du travail après une période parfois très longue consacrée à l'éducation des enfants, surtout si un divorce survient entre-temps. Il convient donc de préconiser qu'au sein de chaque structure employeuse, on remette aux personnes choisissant de travailler à temps partiel une projection de l'impact de ce choix sur leurs droits ultérieurs à la retraite, afin que cette décision soit prise en toute connaissance de cause.

Par ailleurs, selon une étude de la DARES – direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques – les femmes occupant des emplois précaires se déclarent moins satisfaites de leur vie professionnelle que les femmes menant des carrières stables. En moyenne, elles déclarent davantage qu'elles devront changer de métier ou de profession dans les trois années à venir. Elles manifestent aussi moins de satisfaction à l'égard de leur emploi et déclarent davantage vivre des changements imprévisibles auxquels elles sont mal préparées.

La proposition de loi que nous examinons vise à décourager le recours au temps partiel en rendant son coût moins attractif, afin d'inciter les employeurs à recourir davantage au temps plein. Si l'objectif et l'intention sont louables, les membres du groupe Modem et apparentés estiment que les solutions proposées n'apporteront pas d'améliorations significatives à la situation des femmes concernées.

En effet, il existe un risque que les employeurs choisissent d'embaucher autrement, en privilégiant l'intérim au CDI, voire de ne pas embaucher du tout plutôt que d'embaucher à temps plein, comme escompté. Les dispositions prévues par la proposition de loi peuvent donc s'avérer contre-productives.

Il convient aussi de ne pas négliger le fait que le temps partiel, dans certains cas, est réellement choisi. Dès lors, sa taxation excessive limiterait les opportunités d'emploi à temps partiel, particulièrement utiles aux étudiants.

Le Gouvernement a fait de l'égalité entre les hommes et les femmes un objectif prioritaire du quinquennat, notamment dans le monde professionnel. Certes, l'inégalité salariale découle en partie du travail à temps partiel, mais seul un ensemble de mesures permettra de réduire le travail précaire.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.