Intervention de Gilles Lurton

Séance en hémicycle du jeudi 8 mars 2018 à 15h00
Reconnaissance sociale des aidants — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGilles Lurton :

Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la proposition de loi de Pierre Dharréville pour une reconnaissance sociale des aidants fait suite à une mission flash sur le même sujet et succède à l'adoption par notre assemblée de la proposition de loi de notre collègue Paul Christophe visant à étendre le dispositif de don de jours de repos non pris aux aidants familiaux.

C'est dire si le sujet est d'importance et d'actualité. Épicure disait : « Ce n'est pas tant l'aide de nos amis qui nous aide que notre confiance dans cette aide ». C'est sans doute du fait de cette confiance que le nombre d'aidants a explosé ces dernières années et est aujourd'hui estimé entre 11 et 13 millions.

Cependant, le vieillissement de la population, une véritable chance pour nos personnes âgées, peut aussi parfois créer des difficultés touchant l'accompagnement. C'est ici que le rôle de l'aidant est en jeu. Comment concilier vie professionnelle et vie familiale lorsque nous devons, en plus de nos enfants, nous occuper de nos parents qui entrent dans la dépendance ? C'est à cette question que tente de répondre la proposition de loi. Mais celle-ci n'est pas elle-même sans soulever plusieurs questions.

Dans l'article 1er, vous nous proposez ainsi, monsieur le rapporteur, d'indemniser le congé du proche aidant sous la forme d'une allocation journalière dont le montant serait défini par décret. Nous y sommes bien sûr favorables, mais le financement de cette prestation par la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie nous laisse dubitatifs. Je ne suis, pour ma part, pas convaincu que la CNSA puisse actuellement financer cette dépense.

Ensuite, se pose évidemment la question de savoir qui est reconnu comme le véritable aidant dans une famille. Comment, au sein d'une famille composée de plusieurs personnes, identifier l'aidant qui bénéficiera de l'indemnisation ? En commission des affaires sociales, vous m'avez répondu, monsieur le rapporteur, que la réponse à cette question serait elle aussi apportée par décret. Je pense qu'il nous faut aller plus loin dans la définition de l'aidant, mais aussi prendre en considération les différentes catégories d'aidants, qui n'appellent pas forcément les mêmes mesures.

L'aidant, ce peut être le fils ou la fille qui s'arrête de travailler pour venir en aide à son proche parent dépendant. L'aidant, ce peut être – c'est souvent le cas – le membre d'un couple de personnes âgées qui s'occupe, jour et nuit, de son conjoint dépendant. Nous devons lui venir en aide à lui aussi ; j'ai d'ailleurs bien noté que votre proposition de loi prévoit pour lui, dans son article 4, une majoration de la durée d'assurance vieillesse, ce qui me semble tout à fait opportun. L'aidant, ce peut être le parent qui s'arrête de travailler pour s'occuper d'un enfant en situation de handicap ne bénéficiant d'aucune solution d'accueil en établissement ni possibilité d'insertion en milieu ordinaire. L'aidant, ce peut être enfin celui ou celle qui s'occupe d'un proche atteint d'une maladie incurable.

Tous ces aidants méritent notre attention, car l'exercice de leur mission, s'il commence à être reconnu, se traduit très souvent par des situations d'épuisement, voire de rupture familiale.

Vous avez raison, monsieur le rapporteur, de vouloir tenir compte de ces différentes situations. Vous avez raison, car ces aidants constituent une solution privilégiée pour de nombreuses personnes dépendantes ; ils permettent leur maintien à domicile auprès de personnes de confiance ; ils représentent certainement une formule peu coûteuse pour les finances publiques par rapport à l'embauche de personnel ou au placement en établissement.

En commission des affaires sociales, le 21 février dernier puis aujourd'hui, j'ai entendu nos collègues de la majorité nous dire que vous aviez fait du bon travail et que vous aviez mis le doigt sur un sujet dont nous devons nous occuper rapidement. Si le problème est réel, il est de notre responsabilité de le traiter, et nous n'avons que trop tardé.

Je crois pour ma part à une prise en charge globale de la dépendance. Je crois qu'il nous faut mettre en place une politique du cinquième risque qui inclue le rôle des aidants.

Ce matin, madame la ministre, vous avez exprimé vos réserves sur ce texte, mais pris l'engagement de revenir rapidement vers nous avec des propositions concrètes pour les aidants. Ce matin, madame la présidente de la commission, vous avez expressément demandé au Gouvernement de mobiliser ses services pour obtenir des chiffrages précis concernant les propositions en discussion cet après-midi. Vous vous êtes également engagée, madame la ministre, à ce que nous puissions à nouveau débattre de ce sujet avant l'été.

Malgré toutes les promesses non tenues qui ont été faites aux aidants par le passé, sur tous les bancs de cet hémicycle, je suis prêt à vous faire confiance, pour que nous puissions enfin, avant l'été, leur donner une chance d'être reconnus.

Cette position ne nous empêche nullement de discuter de ce texte et de nous mettre dès aujourd'hui au travail. Je suis convaincu que ce travail, quelle qu'en soit l'issue, sera profitable pour les aidants qui nous regardent et qui attendent beaucoup de nous.

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