Intervention de Paul Christophe

Séance en hémicycle du jeudi 8 mars 2018 à 15h00
Gratuité des transports scolaires — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPaul Christophe :

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, cette proposition de loi examinée dans le cadre de la journée réservée au groupe de la Gauche démocrate et républicaine vise à instaurer la gratuité dans les transports scolaires.

Je tiens tout d'abord à saluer la qualité du travail du rapporteur, dont le texte met en lumière un problème qui concerne 3 millions d'élèves empruntant chaque jour le chemin de l'école au moyen des transports scolaires. Le sujet, qui touche au quotidien de nombreuses familles, mérite en ce sens toute notre attention. Cette proposition de loi a le mérite de soulever un certain nombre de problèmes, ou plutôt de défis à relever, que nous ne nions aucunement.

Nous partageons ainsi votre inquiétude quant à la hausse du prix des transports scolaires et votre préoccupation face au manque d'harmonisation tarifaire dans l'Hexagone, mis en relief par l'exposé des motifs. Cette augmentation peut concerner le prix effectif des transports scolaires, mais elle peut aussi se dissimuler dans la hausse des frais de dossier qui lui sont liés.

Nous partageons également votre avis selon lequel le transport scolaire est un moyen de lutter contre le décrochage scolaire et une donnée essentielle dans le choix d'un établissement scolaire par l'élève et sa famille.

Il semble néanmoins utile de rappeler que nombreuses sont les régions et autorités organisatrices de la mobilité – ou AOM – ayant déjà adopté des solutions pour soulager le budget des familles et faciliter l'accès des enfants à l'éducation.

Pour ce qui est, en outre, de la méthode employée, nous regrettons que vous laissiez au Conseil d'État le soin de préciser les critères de cette gratuité, alors qu'il s'agit là du principal point de discussion et du coeur de la problématique.

Pour que la gratuité s'applique, y aurait-il une distance minimale entre l'établissement scolaire et le domicile de l'élève ? Le choix de l'établissement scolaire serait-il contraint ? La gratuité serait-elle également conditionnée au taux de présence de l'élève à l'école ? Ce sont autant de questions qui s'imposeraient si nous en venions à instaurer la gratuité des transports scolaires.

En effet, la gratuité n'est qu'apparente. Elle entraînera nécessairement un coût pour le contribuable ou pour les collectivités concernées.

La hausse récente du prix des transports scolaires est le signe que les collectivités, en proie à des difficultés économiques, ne peuvent plus supporter les coûts importants de cette gratuité inconditionnelle. Je ne prendrai qu'un seul exemple – mais on pourrait en citer beaucoup : dans le Nord, la mise en place de la gratuité est estimée à 600 000 euros, et plus de 5 millions d'euros par an reposeraient déjà sur le contribuable. Dans un contexte budgétaire contraint pour les collectivités, adopter un texte garantissant à chaque élève, de manière uniforme, un transport gratuit ne nous semble donc pas pertinent.

En outre, le problème des transports scolaires se pose de manière sensiblement différente selon les situations : le coût est susceptible de varier en fonction du cycle scolaire de l'élève ou encore du taux d'urbanisation de la zone concernée.

Afin de soulager les régions, il nous paraît plus responsable d'encourager, comme l'ont fait nombre de collectivités, la participation des familles – avec des tarifs dégressifs adaptés aux quotients familiaux, particulièrement pour les plus modestes.

Dans les faits, et au-delà des étiquettes politiques, le choix de défendre ou non la gratuité des transports scolaires est intrinsèquement lié à la question de ce qui relève ou non de la responsabilité des parents. Si les auteurs du présent texte considèrent que l'enfant doit être pris en charge par l'État dès lors qu'il quitte le domicile familial, nous pensons pour notre part qu'il serait plus juste de faire participer les familles au financement des transports, dans une logique de modulation des tarifs en fonction des revenus.

La gratuité peut, par ailleurs, avoir des effets pervers. Pour reprendre l'exemple du Nord, on y observe qu'une écrasante majorité des familles a réclamé une carte de gratuité, mais que certains enfants n'utilisent que peu, voire pas du tout, leur carte durant l'année scolaire.

En ce qui concerne la généralisation du versement transport, demande récurrente des régions, il serait intéressant d'étudier en profondeur son extension aux territoires qui jusqu'ici n'étaient pas concernés par ce dispositif, et de quantifier précisément la proportion du territoire national située hors du ressort territorial d'une autorité organisatrice de mobilité. À l'heure actuelle, nous manquons de données pour guider notre réflexion.

En revanche, l'application d'une taxe supplémentaire pour les périmètres déjà assujettis ne semble pas pertinente et représenterait une charge supplémentaire pour les employeurs privés et publics. Il est avant tout nécessaire de s'interroger sur le fléchage du versement destiné au transport, et de se demander comment celui-ci peut permettre d'améliorer la qualité des transports scolaires, de les rendre plus sûrs et plus accessibles.

Qui plus est, et comme vous le mentionnez vous-même dans votre rapport, d'autres leviers financiers peuvent être actionnés, comme l'extension de la taxe intérieure de consommation des produits énergétique – la TICPE – , qu'appellent de leurs voeux les régions.

En conclusion, le groupe UDI, Agir et indépendants ne soutiendra pas cette proposition de loi…

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