Intervention de Bénédicte Peyrol

Séance en hémicycle du jeudi 8 mars 2018 à 21h30
Liste française des paradis fiscaux — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBénédicte Peyrol :

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, madame la vice-présidente de la commission, monsieur le rapporteur, en cette journée internationale des droits des femmes, ce n'est pas l'égalité entre les femmes et les hommes, si importante soit-elle, que nous sommes réunis pour défendre, mais l'égalité des citoyens devant l'impôt. Comment, en effet, expliquer à nos compatriotes que nous devons faire des efforts, réduire nos dépenses publiques et notre déficit, quand certaines entreprises et certains citoyens utilisent la loi, jouent avec elle ou lui contreviennent pour payer peu d'impôts ou pour ne pas en payer du tout ?

Les paradis fiscaux sont un élément de cette chaîne qui permet l'optimisation, l'évasion ou la fraude fiscales. Ce terme apparemment positif de « paradis » – on parle en allemand d'« oasis », en anglais de « refuge » – recouvre une réalité qui n'est positive que pour ceux qui l'utilisent et exprime en fait, de la part de ces derniers, un individualisme poussé à son paroxysme.

Ce texte sur les paradis fiscaux nous propose plusieurs critères pour définir ces derniers. Il mérite d'être salué, car il promeut d'importantes initiatives internationales et européennes, qui représentent autant d'avancées. Je pense notamment à la liste de l'Union européenne, qui a mis du temps à émerger et qui, aujourd'hui, existe, même si l'on ignore jusqu'où elle va nous mener. Je songe aussi au critère de définition utilisé dans la proposition de loi et qui s'appuie sur la mise en oeuvre des mesures visant à limiter l'érosion de la base d'imposition et le transfert des bénéfices, dites BEPS – même si, et c'est l'un des reproches que l'on pourrait faire au texte, ce critère demeure assez large et imprécis en dépit de l'existence d'un cadre inclusif permettant le suivi de leur application. Un autre élément important de la proposition de loi est la place que celle-ci redonne au Parlement dans l'identification des paradis fiscaux.

Il manque néanmoins au texte une vision globale. Vous le dites d'ailleurs dans votre rapport, monsieur Roussel : ce n'est pas par la seule définition des paradis fiscaux que nous résoudrons le problème de l'optimisation, de l'évasion et de la fraude fiscales.

Nous vous invitons donc, comme nous l'avons déjà fait à plusieurs reprises, à inscrire votre démarche dans le cadre du futur projet de loi de lutte contre la fraude fiscale.

Nous attendons souvent que surviennent des événements économiques ou médiatiques pour agir en matière fiscale, mais nous manquons cruellement en la matière d'une stratégie de long terme qui nous permette d'anticiper. Ainsi cherchons-nous comment capturer l'économie numérique, dans laquelle de futures évasions fiscales sont à craindre – par exemple à la faveur de flux financiers qui s'échangent hors de tout cadre, et je songe ici aux crypto-monnaies. Vous utilisez dans le rapport l'image très intéressante de l'hydre de Lerne, ajoutant qu'à défaut d'un Jupiter, il nous faudrait un Hercule – nous allons réussir à le trouver ensemble. Et il est vrai que, chaque fois que nous produisons une règle fiscale, d'autres trouvent le moyen de l'outrepasser. Voilà pourquoi nous devons être capables de nous adapter sans arrêt. C'est ce que nous sommes prêts à faire tous ensemble, ici même, ce soir et, surtout, demain.

Nous devons absolument nous obliger à regarder ce qui se passe à côté de chez nous puisque, nous le savons tous, nous évoluons dans un environnement international. Je songe notamment à la réforme fiscale américaine, véritable pied de nez au projet BEPS. Dans nos travaux, en particulier les transpositions futures de directives européennes et des travaux BEPS, nous devrons impérativement être attentifs à ce qui se passe ailleurs au lieu de nous tirer une balle dans le pied et de nuire à nos entreprises au nom du respect de certaines règles et faute de prendre en considération le contexte international.

Oui, le multilatéralisme est nécessaire ; oui, le projet ACCIS – assiette commune consolidée pour l'impôt sur les sociétés – est une solution ; oui, le profit split en est aussi une s'agissant des prix de transfert. Mais n'oublions pas qu'en attendant, des actions exemplaires peuvent être conduites. C'est ce que vous proposez. Je vous suggère donc que nous nous retrouvions autour du projet de loi anti-fraude.

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