Intervention de Romain Grau

Séance en hémicycle du jeudi 8 mars 2018 à 21h30
Liste française des paradis fiscaux — Motion de renvoi en commission

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRomain Grau :

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, madame la vice-présidente de la commission, monsieur le rapporteur, chers collègues, comme le dispose l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, l'un des socles de notre République, « Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés. » Ce rappel d'un des principes fondateurs de notre République, qui a structuré le droit fiscal depuis 1789, est essentiel. En effet, l'égalité devant l'impôt, et plus largement devant les charges publiques, est l'un des piliers du vivre ensemble dans notre République.

Or la toute première incidence de la fraude fiscale, comme d'autres orateurs viennent de le dire, c'est de rompre ce pacte républicain, puisque les errements et les errances de quelques fraudeurs doivent être supportés par des contribuables sérieux et honnêtes. Il s'agit là d'une injustice que nous ne pouvons plus supporter ni tolérer, d'autant que la fraude fiscale a pris un tour plus spectaculaire depuis quelques années, parce que les moyens mis à la disposition des fraudeurs sont bien plus sophistiqués qu'autrefois, faisant intervenir des structures juridiques opaques et peu connues du droit français, comme les trusts ou les fondations, et parce qu'ils opèrent dans un contexte beaucoup plus internationalisé avec la complicité de quelques acteurs privés ou publics. Rappelons que certains États ont joué et jouent encore sur le vice des fraudeurs, en cultivant un système fiscal et juridique protecteur pour ces voyous en col blanc.

En plus de cette dimension sociétale, la fraude fiscale constitue un important manque à gagner pour nos finances publiques. Certes, les chiffres sont difficiles à établir avec précision, et les évaluations varient en fonction des interlocuteurs. Toutefois, les pertes sont estimées entre 50 et 100 milliards d'euros pour le seul budget de l'État français. Ce manque à gagner est d'autant plus choquant que, depuis le début de la législature, nous sommes engagés dans un effort de redressement des finances publiques et que nous avons adopté, l'année dernière, pour plus de 11 milliards d'euros de baisse d'impôts, ainsi qu'un certain nombre de dispositifs, dont le droit à l'erreur permettant aux contribuables – entreprises comme particuliers – de bonne foi de ne pas être sanctionnés.

Les révélations des Paradise papers et d'autres scandales impliquant la complicité de réseaux d'État et d'intermédiaires ont confirmé l'ampleur de la fraude fiscale et le rôle trouble de certains acteurs. Ces révélations et ces scandales ont également montré que les Français ne voulaient plus voir la moindre indulgence à l'égard de ces comportements. Dans ce contexte, il est nécessaire et légitime que nous nous montrions intraitables sur le civisme fiscal. Une telle conviction est partagée, comme nous l'avons constaté ce soir, sur tous les bancs de notre assemblée.

Depuis dix ans, de nombreuses initiatives ont été prises pour lutter contre la fraude fiscale. La réflexion que nous menons aujourd'hui s'inscrit dans un terrain qui a été maintes fois labouré, toutes majorités confondues. Rappelons notamment la loi du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière ou la loi Sapin 2 de 2016. Notre assemblée elle-même a adopté dans la loi de finances initiale pour 2018, à l'initiative du groupe La République en marche, plusieurs mesures sur le sujet, notamment la déchéance des droits civiques, civils et de famille pour les personnes ayant commis les fraudes les plus graves.

Cela nous conduit au texte que nous examinons ce soir. Votre proposition de loi a un mérite considérable : celui de nous rappeler l'importance cardinale de la lutte contre la fraude fiscale. À ce titre, je tenais à mon tour à saluer le rapporteur, Fabien Roussel, et le groupe GDR pour le travail qu'ils ont effectué, lequel sera utile à n'en pas douter dans les semaines à venir et nous aidera collectivement dans notre oeuvre législative en la matière.

Mais ce texte ne peut nous satisfaire, pour des raisons qui tiennent tant à sa rédaction qu'au contexte dans lequel il s'inscrit.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.