Intervention de François Pupponi

Séance en hémicycle du jeudi 8 mars 2018 à 21h30
Lutte contre marchands de sommeil — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois Pupponi :

Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la vice-présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, il existe en effet un scandale dans notre pays, où des marchands de sommeil exploitent en toute impunité la misère humaine. Mais il en existe un autre, peut-être plus grave : la France n'a pas été capable, depuis tant d'années, d'éradiquer ce phénomène que pourtant chacun connaît.

Nous nous y sommes tous essayés, dans le cadre de la loi ALUR et de celles qui l'ont précédée. L'arsenal juridique est important – trop, peut-être – et très complexe – trop, certainement. De l'habitat insalubre et indigne, nous avons élaboré des définitions dont la mise en oeuvre est parfois très complexe. Déterminer de quel texte relève un marchand de sommeil est d'une complexité terrible.

Vous avez voulu – vous l'avez dit, monsieur le ministre – vous attaquer à ce phénomène terrible. Mais il faut saluer l'initiative de nos collègues du groupe GDR, qui ont déposé ce texte et l'ont inscrit à l'ordre du jour, pour lutter contre les marchands de sommeil sans attendre la fin de l'année 2018. Ils ont eu raison, et nous devrions, je crois, aller au bout de ce débat. Monsieur le ministre, si vous considérez que les propositions de nos collègues vont dans le bon sens, alors il faut les voter dès ce soir ; si vous tenez à repousser la discussion de plusieurs mois, alors vous devez à tout le moins nous apporter des réponses précises : les propositions de nos collègues du groupe GDR, qui semblent recueillir l'assentiment de tous ceux qui sont présents ce soir, seront-elles retenues dans votre texte ?

Il ne me paraît pas forcément de bonne politique de repousser ce débat, je le répète ; mais nous aimerions au moins avoir la certitude que le Gouvernement soutiendra l'introduction par amendement des quatre articles de la proposition de loi, qui vont tous dans le bon sens – qui sont de bon sens.

Nous sommes tous d'accord pour lutter contre les marchands de sommeil ; mais il faudra aussi lutter contre un autre phénomène. Ces marchands de sommeil gagnent énormément d'argent, et avec cet argent gagné illégalement – Stéphane Peu l'a dit – ils vont au tribunal et achètent des logements vendus par la justice. Notre justice est complice ! Ces ventes « à la barre » constituent un pur scandale.

Combien avons-nous vu, dans nos permanences, de personnes qui nous racontent qu'elles ont acheté un logement pour 150 000 euros, qu'elles n'ont pas pu rembourser le prêt, qu'elles doivent 120 000 euros à la banque… Leur logement vaut maintenant 200 000 euros, mais, au lieu de le vendre 120 000 euros, ce qui leur permettrait de solder leur prêt et de se désendetter, la justice le cède à des marchands de sommeil pour 20 000 euros ! La personne endettée paiera toute sa vie un crédit contracté pour un appartement qu'elle n'a plus – et tout ça pour qu'un marchand de sommeil le récupère pour une somme dérisoire et gagne en trois, quatre ou cinq mois les 20 000 euros investis ! Et la commune ne peut plus préempter après l'adjudication.

Des gens sont ainsi ruinés par une décision de justice – car leur logement vaut largement ce qu'ils doivent encore à la banque. Il suffirait que la loi prévoie que la vente doit être faite à un niveau qui permet au moins de rembourser la banque. Eh bien non ! Tous les jours, la justice, et au-delà nous tous, qui sommes tous parties prenantes de ce système, vend ces logements à des marchands de sommeil. C'est tout simplement un scandale !

Les marchands de sommeil peuvent ainsi blanchir l'argent gagné illégalement en achetant légalement des logements pour des sommes ridicules, pour les louer ensuite très cher – c'est le parc privé. Et ils ne seront plus rattrapés par la patrouille, puisqu'ils auront cessé d'être des marchands de sommeil. Ils gagneront légalement leur vie, après avoir ruiné des citoyens honnêtes avec la complicité de la justice.

Cela, monsieur le ministre, c'est un autre scandale, que nous ne pouvons plus accepter !

Nous avons échoué sur ce front – et s'il y a dans cet hémicycle tant de députés La République en marche, et si peu de députés Nouvelle Gauche, c'est bien que nous n'avons pas été compétents, que nous n'avons pas été bons. Nous sommes tous d'accord pour le dire. Mais essayez d'être meilleurs que nous !

Dans votre texte, monsieur le ministre, vous ne vous attaquez pas à ce scandale. Nous avons essayé, je vous l'assure ; et si nous n'y sommes pas parvenus, c'est parce que votre administration défend un sacro-saint principe : la propriété. Le droit de propriété est sacré en France. On protège d'abord le propriétaire avant de protéger le locataire.

Entendez-nous, monsieur le ministre ; tirez les leçons de nos échecs. Nous étions plusieurs, au cours de la précédente législature, à avoir voulu faire évoluer la situation. Nous n'y sommes parvenus que très partiellement, parce que l'administration s'oppose souvent aux modifications législatives.

Encore une fois, entendez-nous sur ce point, monsieur le ministre ; nous sommes prêts à participer à votre action, mais, si nous votions dès à présent le texte du groupe GDR, cela constituerait un message fort envoyé aux marchands de sommeil, mais aussi aux honnêtes citoyens qui en sont souvent les victimes.

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