Intervention de Claire O'Petit

Séance en hémicycle du jeudi 8 mars 2018 à 21h30
Lutte contre marchands de sommeil — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaClaire O'Petit :

Avant tout, je remercie Stéphane Peu et Hubert Wulfranc pour cette initiative législative qui nous permet de questionner l'efficacité du droit positif en matière de lutte contre les marchands de sommeil.

Le mois dernier, la cour d'appel de Paris a infligé des sanctions sans précédent à un marchand de sommeil qui avait loué soixante et un appartements insalubres dans le 18e arrondissement. Cet arrêt ne doit pas pour autant nous freiner, car il était motivé par des faits particulièrement odieux.

Oui, nous devons accentuer la répression contre ces trafiquants de la misère humaine. Dans son article 2, la proposition de loi de nos collègues du groupe GDR donne la possibilité aux collectivités territoriales ou à l'État de récupérer l'aide au logement pour réaliser des travaux d'office dans le logement. Je pense que nous devons prendre le temps de réfléchir aux modalités d'application de cette mesure.

En effet, les occupants ne pourront rester dans le logement en raison de l'importance des travaux. Ils devront être relogés et auront donc bien besoin de leur aide au logement. Ils ne doivent plus subir la double peine : habiter dans un logement insalubre et subir les travaux. Ils devront impérativement être relogés le temps de la réhabilitation.

Quant à l'article 3, il permet aux titulaires du droit de préemption – les communes notamment – de connaître l'acquéreur éventuel du bien. Celui-ci sera obligé de mentionner son identité sur la déclaration préalable faite par le propriétaire, et ce, y compris en cas d'adjudication.

Autant je suis favorable à l'identification lors d'une vente aux enchères, car, comme vous le soulignez dans votre proposition de loi, la vente aux enchères est le terrain favori des marchands de sommeil, autant l'identification me gêne si elle s'applique à toutes les transactions qui peuvent habituellement donner lieu à l'exercice du droit de préemption.

Je comprends tout à fait la volonté des signataires de la proposition de loi. Néanmoins, imaginons – même si je suis bien consciente que telle n'est pas la pratique habituelle des communes – que cette identité soit utilisée à des fins de discrimination, fondée sur l'origine ethnique, la religion ou la catégorie socio-professionnelle de l'acquéreur… Je ne peux donc être favorable à une telle obligation qui portera atteinte au respect de la vie privée des acquéreurs éventuels d'un bien immobilier.

Vous le savez, la démarche gouvernementale que nous soutenons est une approche thématique et globale qui vise à réformer notre pays en privilégiant la concertation. Cette concertation s'est traduite par le succès de la conférence de consensus qui a pris fin au début du mois de février après six mois de discussion. C'est pourquoi le projet de loi ÉLAN, qui s'inspire des conclusions de cette conférence et qui sera prochainement examiné en conseil des ministres, prévoit, dans sa partie consacrée à l'amélioration du cadre de vie, d'intensifier la lutte contre les marchands de sommeil. Ainsi, tout comme pour les proxénètes, une présomption de revenus sera instaurée pour les marchands de sommeil.

Cette proposition de loi pose les bonnes questions, mais apporte des réponses incomplètes. Aussi les députés du groupe La République en marche voteront-ils la motion de renvoi en commission.

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