Intervention de Anne-Sophie Avé

Réunion du mercredi 21 février 2018 à 16h15
Commission de la défense nationale et des forces armées

Anne-Sophie Avé, directeur des ressources humaines du ministère des armées :

En effet, Madame Lardet, la LPM est muette sur ce point ; nous aurions pu nous engager, dans le rapport annexé, à simplifier les procédures. En réalité, lorsque le réserviste s'engage pour la première fois, il faut tout d'abord créer un dossier, ensuite attester le nombre de jours de service dans le mois, puis mettre sa solde en paiement. Dans ce cas, qu'il s'agisse d'un agent public ou d'un militaire de l'active, le délai entre le déclenchement du paiement et le versement est au minimum d'un mois et demi à deux mois. Nous nous efforcerons donc de ramener ce délai à deux mois ou un mois et demi, mais nous ne pouvons pas aller en deçà, car c'est le délai nécessaire pour que le service fait soit enregistré administrativement. Néanmoins, il existe une suradministration ; nous devons donc mettre de l'ordre dans les circuits de validation du service fait, puis du déclenchement de la solde.

Nous devons évidemment améliorer le dispositif. Mais payer les réservistes, comme cela a été suggéré, comme des pompiers volontaires, c'est-à-dire de façon forfaitaire, me paraît être une mauvaise idée : ce sont des militaires, et non des pompiers volontaires, et ils doivent donc être payés comme des militaires. Leur processus d'avancement est d'ailleurs similaire au leur. Les rémunérer d'une manière différente les décrocherait de la fonction militaire, ce qui n'est évidemment pas souhaitable. Qu'il faille améliorer la gestion administrative pour accélérer le processus de paiement des soldes, je vous le concède, et nous y travaillons. Ce n'est pas du domaine de la loi, mais nous devons mettre de l'ordre dans ce que l'on appelle la chaîne « RH solde », qui a aussi dysfonctionné dans le cadre de LOUVOIS ; nous y travaillons évidemment d'arrache-pied. Les 53 000 déflations que nous avons connues ont amené le ministère à se réorganiser, parfois un peu brutalement, de sorte que certaines compétences ont disparu. Ainsi, nous pansons les plaies causées par la suppression des centres territoriaux d'administration et de comptabilité (CTAC) de l'armée de terre, suppression qui est en grande partie à l'origine des dysfonctionnements liés à LOUVOIS, puisque les personnels qui avaient les compétences nécessaires pour rectifier les erreurs n'étaient plus là.

Allons-nous généraliser le recrutement local ? J'aimerais bien. Je vais vous donner un exemple. Les ouvriers de l'État peuvent être recrutés par l'établissement dans lequel ils seront employés. Nous devions pourvoir 50 postes à Neuvy-Pailloux. Je n'ai pas de réserves particulières pour les petites villes mais, si j'avais publié une annonce dans Le Parisien, je ne suis pas certaine que j'aurais reçu beaucoup de candidatures. Or, en publiant des annonces locales et en nous appuyant sur le vivier d'apprentis présents dans la région, nous en avons reçu 300 ! Je crois profondément au recrutement local. Si vous dites à une personne qui vit à proximité de Neuvy-Pailloux, veut y travailler et sait qu'un poste y est à pourvoir qu'elle doit aller passer un concours à Paris et qu'elle aura le poste dans un an, il n'est pas impossible qu'elle se décourage. Il faut pouvoir saisir la ressource là où elle est. C'est l'objet de l'expérimentation que nous menons. Si nous pouvions la généraliser, ce serait un véritable atout non seulement pour simplifier ces recrutements mais aussi pour remplir les trous, car une équipe incomplète est une équipe en souffrance. Nous avons tout intérêt à recruter rapidement des gens qui sont heureux de trouver le poste qu'ils cherchent et à compléter ainsi nos équipes.

Bien entendu, nous n'imposerons absolument pas le congé pour convenance personnelle : c'est l'agent qui doit en faire la demande, laquelle sera agréée ou non par son gestionnaire. Pourquoi pas ne pas autoriser le temps partiel ? Le militaire est appelé à servir en tout temps et en tout lieu et, à ce titre, il perçoit une « indemnité pour charges militaires », qui vise à compenser les frais liés à cette disponibilité. Un militaire à temps partiel qui, par définition, ne serait plus appelable à tout moment, serait privé de cette indemnité. Il y perdrait donc beaucoup plus qu'en servant en tant que réserviste, pour une durée qui peut aller jusqu'à 120 jours. Si l'on veut s'arrêter pour élever ses enfants, on doit pouvoir s'adapter ; ce n'est une obligation pour personne. Surtout, ils continueront à accumuler des droits à l'avancement et à la retraite. Cette solution a, du reste, reçu un accueil extrêmement favorable dans les armées. Elle est, en outre, parfaitement compatible avec le statut militaire. Il me semble que si l'on rapprochait la fonction militaire de la fonction publique, nous banaliserions le statut militaire et nous risquerions de le regretter, à terme.

Quant au SSA, vous avez parfaitement raison, c'est une véritable question. À mon niveau, outre que je l'aide autant que possible à recruter, je peux faire deux choses. Tout d'abord, le SSA va passer en avance de phase dans le cadre de la nouvelle politique de rémunération. Les praticiens seront donc les premiers à bénéficier d'une réforme indiciaire et indemnitaire – nous avons déjà passé une mesure indemnitaire d'urgence au guichet unique, que je pousse en avance de phase. Il s'agit de fidéliser les praticiens et de leur offrir des conditions similaires à celles dont bénéficient ceux de la fonction publique hospitalière. Ensuite, nous allons recruter des contractuels civils, puisque les médecins militaires peuvent être projetés. À cette fin, nous avons négocié avec notre contrôleur budgétaire la possibilité de leur offrir des conditions d'emploi sous statut de contractuel – puisqu'il n'existe pas, pour les médecins, de corps d'accueil dans la fonction publique – et de les rémunérer à des niveaux suffisamment attractifs. Mais il faut que nous réfléchissions également à un « package social » d'accompagnement, comme dans la fonction publique hospitalière, en traitant les questions de logement et de primes dans le cadre de la nouvelle politique de rémunération des militaires.

Vous avez évoqué la proposition du HCECM de créer une nouvelle voie d'accès à la fonction publique, en particulier dans les métiers de la police ou de la sécurité. Sur ce point, une fois n'est pas coutume, je ne suis pas d'accord avec le président du HCECM. Tout d'abord, les voies d'accès sont déjà nombreuses. C'est pourquoi nous voulons rationaliser le dispositif en réformant les articles L. 4139-2 et L. 4139-3. Les ministères ne s'y retrouvent plus et ne savent plus comment recruter. Ensuite, dans le cadre d'une reconversion, nos militaires ont une faible appétence pour le domaine de la sécurité. On leur a offert la possibilité d'être titulaire d'une carte du CNAPS (Conseil national des activités privées de sécurité), et l'on s'aperçoit que cela n'a pas eu d'impact majeur en 2017 sur le reclassement des anciens militaires sur les métiers de sécurité. Ils ont peur, précisément, qu'on les y cantonne. De fait, ils ont des compétences bien plus diverses, qui peuvent être employées dans des métiers bien plus nombreux que ceux de la seule sécurité. En outre, ils bénéficient d'ores et déjà d'un accès à la sécurité privée, grâce à la carte CNAPS, et à la police, par la voie du 4139-2. La voie d'accès aux métiers de la sécurité existe déjà. Il n'est donc pas besoin, selon moi, de créer une voie d'accès particulière, d'autant que cela nécessiterait probablement d'établir un dialogue avec les syndicats de police, ce que nous ne souhaitons pas compte tenu des possibilités actuelles.

Enfin, pourquoi ne pas songer aux fonctions de conseiller communautaire ? Il fallait ouvrir une voie et, comme à chaque fois, dans un premier temps, nous le faisons avec modestie. On ne sait pas quelle appétence vont avoir les militaires pour cumuler, puisque ce sera désormais possible, les fonctions de conseiller municipal avec des fonctions militaires. Ceux d'entre vous ici, nombreux peut-être, qui exercent des mandats municipaux savent l'engagement que cela nécessite, ils ne le font pas à leurs heures perdues ; or nos militaires, dans la mesure où tout ce qu'ils font, ils le font à fond, vont se rendre compte ce que représente comme investissement le fait d'être conseiller municipal. On verra en marchant l'intérêt pour eux d'exercer cette fonction et l'on envisagera ensuite qu'ils puissent également devenir conseillers communautaires.

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