Intervention de Fouad Benseddik

Réunion du mercredi 21 février 2018 à 16h15
Commission d'enquête chargée d'examiner les décisions de l'État en matière de politique industrielle, au regard des fusions d'entreprises intervenues récemment, notamment dans les cas d'alstom, d'alcatel et de stx, ainsi que les moyens susceptibles de protéger nos fleurons industriels nationaux dans un contexte commercial mondialisé

Fouad Benseddik :

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, à votre invitation, nous évoquerons la mission qui a été confiée à Vigeo dans le cadre de l'accord entre le Gouvernement et General Electric.

Je suis accompagné d'Amandine Duquesne, auditrice conseil, qui mène depuis le début de cette mission les « diligences » – le recueil d'informations auprès de GE –, assiste aux comités de pilotage et en effectue la restitution. Pour ma part, je ne suis pas directement impliqué dans cette mission mais j'assure la supervision des méthodes et leur validation au sein de l'agence.

Après avoir présenté l'agence, nous évoquerons le contexte dans lequel ce mandat nous a été confié et le périmètre de notre mission. Nous détaillerons les « diligences » que nous avons menées et ferons part de nos constats. Nous évoquerons enfin les analyses en cours, au titre de l'année 2017-2018, et la liste des engagements qui pourraient faire l'objet d'une revue à partir de 2018 – l'accord entre le Gouvernement et GE courant pour une période de dix ans.

Vigeo, implanté dans plusieurs pays, compte 200 collaborateurs. Nos activités se répartissent en deux grandes catégories. Nous notons 4 000 entreprises cotées dans le monde, pour le compte d'investisseurs et de gérants de capitaux souhaitant intégrer les facteurs de responsabilité sociale, environnementale et de gouvernance dans leurs opérations.

À la différence des agences de notation financière, qui évaluent le risque de solvabilité, nous évaluons les risques de durabilité, la capacité des entreprises à intégrer dans leur stratégie et dans leurs opérations un certain nombre de principes et d'objectifs qui relèvent du développement durable et des droits de l'homme. Nous nous attachons à des questions telles que la protection et le respect des intérêts des collaborateurs, la protection de l'environnement, la protection des intérêts des clients ou encore la protection des intérêts des territoires.

Nous nous basons sur un référentiel international, composé des principes directeurs des Nations unies, de l'Organisation internationale du travail (OIT) ou de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), des règles de droit international, que nous contextualisons en termes de facteurs de risques pour les entreprises, leurs collaborateurs, leurs riverains, leurs fournisseurs et leurs clients. Cette évaluation porte sur six domaines d'analyse.

Notre méthode d'analyse approfondie questionne les politiques des dirigeants d'entreprises, la précision et la clarté de leurs engagements sur chacun des facteurs de responsabilité sociale que nous passons en revue. Nous regardons aussi comment les engagements, au-delà de leur affichage, sont déployés. Nous tenons compte de l'existence de process, de moyens, ainsi que de la capacité de l'entreprise à intégrer ces risques et à en rendre compte. Nous estimons également sa capacité de dialogue avec les parties prenantes, notamment les représentants des salariés. Enfin, nous passons en revue les résultats.

Notre autre métier est celui du diagnostic. À leur demande, nous accompagnons des entreprises dans l'intégration, dans leurs stratégies, de principes d'action qui relèvent d'objectifs là encore normatifs, portés par le droit international : droits de l'homme, gouvernance, éthique des affaires, protection de l'environnement et engagements avec les communautés.

Vous connaissez le contexte de notre mission relative à General Electric. L'accord signé entre l'État et le groupe comporte un article habilitant Vigeo à agir en qualité de cabinet conseil indépendant. Il s'agit bien d'une habilitation : Vigeo n'est pas chargé de mener des évaluations systématiques, mais habilité à le faire, à la demande de l'une ou l'autre des parties. L'agence est, dans tous les cas, rémunérée par GE.

Sophie Thierry, directrice du département de services aux entreprises et Amandine Duquesne, auditrice, ont mené les discussions avec les représentants de GE, notamment Alexandre-Pierre Méry, alors en charge du projet « France 1 000 Hiring Project », le projet de création de 1 000 emplois. La convention de mission a été signée le 3 février 2015. Le contrat retranscrit, de façon classique, notre compréhension des besoins de GE, le déroulement de la mission, la documentation interne à nous fournir, ainsi que les éléments budgétaires de cette mission.

Le mandat qui nous a été confié est un mandat de mission de conseil indépendant. Vigeo est habilité à réaliser une fois par an un audit des engagements de GE relatifs à l'acquisition de l'activité « Energie et réseaux » d'Alstom, sur demande de l'État ou sur demande de GE, aux frais de GE, avec communication des rapports au comité de pilotage. GE s'engage à nous fournir les informations dont nous avons besoin. Je précise, à ce stade, que nous avons pu disposer de l'ensemble des informations nécessaires et nous entretenir avec toutes les personnes que nous avons sollicitées. La durée des engagements sous revue est de dix ans.

Notre mission consiste à recueillir et à qualifier les informations, à la demande de l'une ou l'autre des parties, sur deux grandes périodes. Pour la première période, 2016-2018, il s'agit principalement de la revue de la création d'emplois et de la mise en place d'une charte de bonnes pratiques en matière d'achats avec les futurs fournisseurs et sous-traitants de l'activité énergie. Pour la période 2016-2026, il s'agit plus généralement d'analyser les engagements portant sur la localisation ou le maintien en France des quartiers généraux d'activités mondiales en France.

En vertu du contrat, Vigeo a eu pour missions de : passer en revue et valider la méthode de comptage de la valeur de référence du nombre d'emplois existants à la date de réalisation de l'opération ; coconstruire avec GE l'architecture du tableau de bord de suivi quantitatif et qualitatif des créations d'emplois ; réaliser la revue annuelle des engagements de GE ; rédiger un rapport d'analyse sur la mise en oeuvre des engagements ; évaluer l'effectivité des engagements de localisation ou de maintien des quartiers généraux.

Nos constats et nos opinions ne portent pas sur la fiabilité, la sincérité, l'exactitude ou la complétude des informations produites. Nous n'agissons pas comme vérificateurs des informations – c'est là le travail d'un commissaire aux comptes. Nous fournissons des constats et des attestations portant sur l'existence documentée et renseignée des supports rendant compte du comptage des emplois, conformément à la méthode et aux dates de référence définies dans la note du 1er octobre 2015 : « définition de la valeur de référence de GE au jour du closing ».

Notre mission compte trois étapes. La première est celle de la validation de la méthode de comptage de la valeur de référence pour définir l'effectif en place au 2 novembre 2015 et déterminer le calcul du solde d'emplois en équivalents temps plein (ETP).

La deuxième étape a consisté à mettre en place et à procéder à la revue du tableau de bord de suivi des engagements via la formalisation d'une grille d'indicateurs quantitatifs et qualitatifs portant sur les effectifs, la qualité du développement des compétences et du dialogue social et la diversité des emplois créés en termes de sexe, d'âge et de prévention des discriminations à l'égard des personnes en situation de handicap.

Pour mener ces « diligences », nous avons procédé à une revue de la documentation interne de General Electric, au niveau du siège et des sites visités. Nous avons mené cinq entretiens avec les dirigeants de GE et les membres du bureau du comité de groupe GE France. Enfin, nous avons visité les sites de Belfort et de Buc, où nous avons pu nous entretenir avec les membres de la direction, des représentants du personnel et le médecin du travail.

La troisième étape consiste en une revue annuelle de mise en oeuvre des engagements de GE. Cette revue porte sur les indicateurs quantitatifs et qualitatifs du tableau de bord et l'audition de responsables de GE, notamment à la direction des ressources humaines (DRH). Elle s'appuie aussi sur l'analyse de la performance en responsabilité sociale du groupe, produite par Vigeo Eiris Rating.

En effet, nous évaluons aussi GE en tant qu'entreprise cotée. Cette évaluation n'est pas contractuelle mais destinée aux investisseurs et aux gérants, comme c'est le cas des 4 000 autres entreprises que nous évaluons à travers le monde. Notre auditrice a accès à cette information sur le groupe mondial, un éclairage qui lui apporte une vision générale sur le profil de responsabilité sociale de GE et son comportement à l'échelle mondiale, en matière de droits de l'homme, de ressources humaines, de protection de l'environnement, de gouvernance, d'achats, de prévention de la corruption, de stratégie de lobbying et d'engagement sociétal.

Les constats et les opinions de cette revue ont été restitués au comité de pilotage, au cours des deux années d'exercices de la mission, en présence de représentants du Gouvernement et de GE par Amandine Duquesne. Elle seule a accès aux informations de l'entreprise, étant engagée dans une relation de prestataire pour le compte de GE. Elle est donc tenue à une certaine confidentialité et en sait donc, à ce titre, beaucoup plus que moi.

Il était prévu, en option, que sur demande de General Electric, une restitution des résultats puisse être présentée au bureau du comité de groupe de GE France. Cette option n'a pas encore été actionnée par GE.

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