Intervention de Agnès Buzyn

Réunion du mercredi 21 février 2018 à 18h10
Délégation aux outre-mer

Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé :

Monsieur Mathiasin, vous dites que vous vous battez tout seul contre la chlordécone. Je comprends parfaitement le sentiment des élus et de la population, qui ne voient pas l'État prendre à bras le corps un problème qui est très anxiogène – on sait qu'il y a une contamination, sans savoir où, ni ce que l'on mange.

La réalité est sans doute un peu différente, car nous avons fait beaucoup. Le ministère de la santé a tenu tous ses engagements – mise en place de cohortes, de suivi épidémiologique ; mesures de la contamination chez les habitants. Le ministère de l'agriculture a réalisé un nouveau zonage de la chlordécone. Bref, le plan chlordécone avance. Mais en fait, il avance de façon souterraine.

Nous n'avons pas su – ni moi ni mes prédécesseurs – communiquer sur ce plan. Force est de constater qu'il est inconnu en Guadeloupe et en Martinique, et qu'aujourd'hui pas un Guadeloupéen, pas un Martiniquais ne sait dire ce que l'État a fait. C'est tout de même dommage, puisque 30 millions d'euros ont été dégagés entre 2014 et 2016 pour son financement. Tout n'a pas été consommé, mais un certain nombre d'actions, dont nous avions la responsabilité, ont été mises en oeuvre.

Certes, vous avez le sentiment de vous battre seuls, mais vous n'êtes pas seuls, car des mesures ont été prises. Il convient maintenant de les rendre transparentes et de les faire connaître. Bien sûr, on n'a pas complètement évalué l'impact sanitaire de l'utilisation de la chlordécone. Reste que l'on s'est donné les moyens d'accumuler les connaissances sur la chlordécone et son impact sanitaire, et que le rapport que nous avons demandé aux trois alliances – qui nous sera remis, je l'espère, d'ici le colloque – sera rendu public.

Pour illustrer la bonne foi de l'État, je reviendrai à ce qu'a dit M. Serville sur la contamination par le mercure et le plomb en Guyane. C'est effectivement un vrai problème, dont l'État a rendu compte – plus précisément, il s'agissait de la CIRE, une équipe territoriale dédiée à la surveillance de la santé dans les territoires, qui dépend de l'Agence publique France, une agence du ministère de la santé.

Ainsi, l'État surveille, l'État rend compte, l'État est transparent. En Guyane, ce n'est pas une équipe indépendante qui a révélé le problème de contamination au mercure et au plomb. Je me rendrai d'ailleurs en Guyane dans quinze jours ou trois semaines, et nous en discuterons avec les autorités sanitaires. Aujourd'hui, l'ARS et l'AP-HP sont mobilisées. Cette contamination est liée à l'orpaillage, contre lequel nous devons impérativement lutter.

L'État ne garde pas secrets les « scandales sanitaires », il rend compte. Et nous devons aujourd'hui rendre compte à la Guadeloupe et à la Martinique de tout ce que nous faisons, et de tout ce que nous savons. À mon sens, c'est une urgence. Voilà pourquoi nous allons demander au directeur de l'ARS et au préfet d'engager une campagne d'information, de communication, et de faire de la pédagogie.

M. Nilor a prononcé un réquisitoire à charge. Je suis un peu embêtée. En fait, je n'ai pas envie de faire de politique autour de la chlordécone. Si la situation traîne depuis des années, d'une certaine manière nous en sommes tous responsables – élus de la Nation, élus locaux, État. Au lieu de chercher un responsable unique, mieux vaut dire qu'il est temps d'agir. C'est ce que nous faisons. Nous avons pris des engagements – Annick Girardin ce matin, mais aussi Stéphane Travert et moi-même.

Monsieur Nilor, vous demandez qu'on lance en Martinique une étude complémentaire sur le cancer de la prostate, par voie d'appel à projets. Cela ne peut pas dépendre de mon ministère, mais je vais solliciter ma collègue de la recherche. Peut-être faudra-t-il passer par l'Inca ? Nous verrons.

Ce n'est pas que nous ne souhaitions pas mener cette étude. Simplement, l'administration de l'État, en l'occurrence la Direction générale de la santé, ne sait pas écrire une étude scientifique. L'argent est là, mais il faut impérativement que des chercheurs s'engagent. En revanche, nous pouvons dire que l'étude Madiprostate menée en Guadeloupe pose la même question. Et l'on peut imaginer que les résultats que l'on tirera de cette étude – nous devrions les avoir en 2020 – pourront être extrapolés, au moins en partie, sur la Martinique.

Madame Benin, vous posez la question de la révision des LMR par le Gouvernement. Je crois savoir que le ministre Stéphane Travert s'est engagé à mener une action au niveau de l'Europe. Nous avons prévu une clause de revoyure avec les élus de la Martinique et de la Guadeloupe dans un mois, afin de lancer un plan d'action très précis de communication, de présence sur place, de sollicitation des préfets et des directeurs généraux d'ARS. Tout cela aboutira à une forte mobilisation, aussi bien au niveau national qu'au niveau territorial, que la population pourra interpréter comme une manifestation de la ferme volonté de transparence du Gouvernement. Voilà à quoi je m'engage aujourd'hui devant vous.

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