Intervention de Michel Larive

Séance en hémicycle du mercredi 14 mars 2018 à 15h00
Organisation des jeux olympiques et paralympiques de 2024 — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Larive :

Une bonne partie de cette somme sera financée par le contribuable français. Je dis « devraient coûter » parce que, lorsqu'on met en regard le budget initial des olympiades précédentes et leur résultat final, on est en droit de douter de la pertinence de cette enveloppe. Par ailleurs, un investissement de 6,5 milliards d'euros permettrait de construire vingt-cinq hôpitaux de campagne ! Mais M. Estanguet, président du comité d'organisation des Jeux olympiques, m'a affirmé, lors de son audition en commission, que ce budget serait « tenu ». En même temps, il interpellait le Premier ministre sur les conséquences qu'aurait un retard des travaux du Grand Paris sur le budget des Jeux olympiques, et il admettait à demi-mot que l'affaire était mal engagée. Aujourd'hui, Le Parisien nous informe qu'un rapport établi par « les rapporteurs de l'Inspection générale des finances, de l'Inspection générale de la jeunesse et des sports et du Conseil général de l'environnement pointe de possibles dérapages ». Les rapporteurs évoquent « de réels risques à la fois de non-réalisation dans les délais de certains équipements mais aussi de surcoûts importants » concernant les JO de 2024. Le cluster du Bourget, qui doit accueillir le village des médias, et le centre nautique de Saint-Denis sont dans le viseur. Ce dernier, évalué à 130 millions d'euros, pourrait voir son budget, au minimum, multiplié par deux.

L'impact social et environnemental de cet événement sera beaucoup plus négatif que ce que vous nous donnez à penser. Outre la pollution visuelle émanant de la multiplicité des publicités autorisées, la pression immobilière autour du village olympique engendrera fatalement une augmentation des loyers, comme à Londres, où ils ont été multipliés par cinq. Le risque d'une gentrification de la population des quartiers concernés est réel.

Des milliers de bénévoles, passionnés par le sport, prendront part à l'organisation de ce grand événement. Les tâches qui leur sont affectées et les amplitudes horaires de leur travail au service de cette organisation sont souvent discutables. Les bénévoles n'ont aucun statut social défini et, pour certains décideurs, cela suffit à les considérer comme étant corvéables à merci.

Le fait démocratique est bafoué depuis le début du processus de candidature de Paris pour l'accueil de ces Jeux olympiques. Mme Hidalgo s'en était émue et avait émis l'idée d'un référendum sur le bien-fondé de cette candidature. Il est vrai que cette émotion s'est vite dissipée, mais elle avait eu le mérite d'intégrer le fait démocratique dans la conduite du processus de candidature. Munich a consulté sa population sur l'accueil des Jeux olympiques d'hiver de 2022 : la réponse fut négative, ce qui a entraîné le retrait de sa candidature. Hambourg a fait de même pour les Jeux olympiques de 2024 : même résultat, même conséquence. Cette Allemagne qui vous sert de modèle économique nous interroge sur vos aptitudes démocratiques.

Plus grave encore, vous nous demandez aujourd'hui de voter une loi d'exception qui permettra au comité d'organisation de s'émanciper du droit français. En effet, il nous est donné injonction d'approuver une feuille de route préalablement établie par la signature d'un contrat de ville hôte, dont la représentation nationale a été écartée. Ce contrat n'a été approuvé ni par le peuple français, sous quelque forme que ce soit, ni par ses représentants, élus par lui. Nous sommes dès lors en droit de vous questionner sur la légitimité de ce type d'accord et sur la valeur que vous lui accordez, en prétendant le faire déroger au droit commun.

Dans des articles parus dernièrement, le journal Publicis et d'autres publications détaillent avec moult précisions les déviances démocratiques de votre projet de loi. Dans son article 11, il définit un régime d'occupation du domaine public contraignant les villes qui accueilleront cet événement à céder leur espace public à titre gratuit aux organisateurs. Ce faisant, ce texte contrevient au code général de la propriété des personnes publiques. Si l'on ajoute à cela l'exonération fiscale votée en 2014 en faveur des organismes chargés de l'organisation, en France, d'une compétition sportive internationale, les villes qui espéraient des retombées économiques d'un tel événement voient ces ressources potentielles leur échapper. Pourtant, au regard de l'investissement qu'elles financeront – 209 millions d'euros pour la région Île-de-France, 145 millions pour la Ville de Paris et 135 millions pour le département de la Seine-Saint-Denis – , les collectivités territoriales pouvaient s'attendre à un retour sur ces dépenses colossales supportées par les populations locales.

En vertu de l'article 7 du projet de loi, les constructions, installations et aménagements temporaires sont dispensés de toute formalité au titre du code de l'urbanisme. Pour les installations permanentes, l'enquête d'utilité publique n'est plus nécessaire : seule une étude d'impact est requise. En prime, toutes les constructions futures se verront appliquer les dispositions du code de l'expropriation, « en vue de la prise de possession immédiate » des lieux. L'article 3, lui, offre la possibilité de déroger au code de l'environnement, en autorisant la publicité dans des lieux où elle est normalement et justement proscrite. Votre texte de loi va jusqu'à valider l'appropriation par le Comité international olympique – CIO – et le Comité international paralympique – CIP – de mots de la langue française, que je vais me faire un plaisir de citer dans cet hémicycle, et ailleurs, autant que bon me semblera : « olympiens », « olympique », « Jeux olympiques » et « Paris 2024 ».

Mes chers collègues, au cas où ce texte aurait omis des passe-droits pour quelques partenaires, l'article 5 stipule que les contrats signés entre la Ville de Paris et les comités internationaux « peuvent comporter des clauses compromissoires ». Au moins, nous voilà avertis ! Cette mesure déroge à l'article 2060 du code civil, qui dispose que ce type de clauses contractuelles ne peut être admis dans un contrat qui concerne les établissements publics et les collectivités publiques, comme Paris. Dans un rapport de 2012, examinant le bilan des Jeux de Londres, l'Assemblée nationale d'alors interpellait le CIO sur « les étranges règles économiques des Jeux olympiques ». « Oui, mais ça, c'était avant », comme dirait un opticien adepte du sponsoring sportif !

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