Intervention de Michel Larive

Séance en hémicycle du mercredi 14 mars 2018 à 15h00
Organisation des jeux olympiques et paralympiques de 2024 — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Larive :

Nous discourons ici d'un projet de loi portant sur l'accueil des Jeux olympiques à Paris. Ce texte est symptomatique de l'attitude de l'exécutif, aujourd'hui, dans notre pays. Il pousse à son paroxysme le concept de « post-démocratie », tel que le conçoit le sociologue anglais Colin Crouch. Il s'agit de « confisquer l'avantage politique à ceux qui cherchent à réduire les inégalités en matière de richesse et de pouvoir, en l'attribuant à ceux qui veulent que ces inégalités reviennent à leur état antérieur, sous l'ère prédémocratique ». Cela correspond de fait à un état antérieur à celui que nous avons connu à compter de la fin du XIXesiècle et durant tout le XXesiècle.

La concentration des richesses dans les mains de l'oligarchie financière lui confère d'énormes moyens d'action et d'influence, en particulier grâce à la maîtrise des médias. Cette démocratie réduite au lobbying et à la défense d'intérêts particuliers supplante l'influence des citoyens et des citoyennes, et de leurs représentants. Elle tend à la suppression de toutes les contraintes qui pouvaient peser sur les milieux économiques. L'entreprise multinationale devient le paradigme de nos sociétés post-démocratiques. L'État se comporte alors comme une entreprise. Il se débarrasse de ses responsabilités en matière de gestion des services publics, et confie celle-ci au secteur privé. Il rend poreuse la frontière entre public et privé, provoquant inévitablement des risques de détournement de la chose publique au profit de l'intérêt privé.

La relation entre l'État et les prestataires privés se déroule dans le cadre d'un contrat juridique, mais les citoyennes et les citoyens, eux, n'ont aucune possibilité d'établir une relation avec les prestataires, puisque ni le marché ni leurs droits démocratiques ne définissent ce lien. Lorsqu'une institution est privatisée, les citoyennes et les citoyens ne peuvent plus interpeller l'État à propos de la qualité de ses services, dans la mesure où ceux-ci ont été sous-traités au secteur privé. Par conséquent, le service public est devenu un service post-démocratique. Désormais, le Gouvernement n'est responsable devant le demos que pour les grandes lignes de sa politique, pas pour leur application détaillée. Il perd de ce fait son autorité au profit de ceux qui veulent l'exercer à sa place et aux dépens des citoyennes et des citoyens, qui perdent, eux, progressivement, leur souveraineté.

En post-démocratie, la citoyenneté ne se définit plus comme participation directe à la direction de la vie de la cité, mais se limite à l'énoncé des droits protégeant les individus, autant que faire se peut, et selon les marges définies par l'oligarchie – bien entendu dominante. Et puis, il y a ces dirigeants élus, parfois confortablement, qui considèrent qu'ils sont une espèce rare d'incarnation de leur peuple. Il n'y a rien de pire pour eux que la séparation des pouvoirs.

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